En septembre 2023, Thomas Michelon a remplacé Cyril Blondel en tant que conseiller culturel à l’Ambassade de France en Allemagne. Retour sur son parcours tourné vers les métiers de la coopération culturelle, et sur ses objectifs pour l’institution française en Allemagne.
C’est en Allemagne qu’a démarré la carrière de Thomas Michelon dans le réseau diplomatique français à l’étranger. Dans les années 90, il dirige le bureau des arts plastiques basé à Cologne et dont la mission est de soutenir la présence des artistes français dans le paysage local.
Après Cologne, il part à Amsterdam où il est attaché culturel et co-directeur de l’Institut français des Pays-Bas. Puis il est conseiller culturel à Ottawa entre 2010 et 2013, et conseiller culturel adjoint à New-York entre 2013 et 2017, où il participe notamment à l’ouverture de la librairie Albertine, à la création de la nuit de la philosophie (qui a servi de modèle à la Nuit des Idées), et il crée le Creative Lab, premier programme d’accompagnement des start-ups industries créatives et culturelles co-géré par un service culturel et Business France, et matrice d’autres programmes similaires qui lui ont fait suite. Il rentre ensuite en Europe avec un passage à Paris, puis occupe le poste de conseiller culturel et scientifique en Belgique pendant trois ans.
De retour à Berlin, il peut mettre en place une réflexion globale sur comment rétablir et reconstruire le dialogue franco-allemand sur des bases conceptuelles nouvelles. “On a déjà un maillage culturel existant, mais il faut impérativement le reconnecter aux jeunes générations françaises et allemandes pour faire en sorte que les liens historiques qui unissent nos deux peuples perdurent et s’adaptent au monde actuel.”
Il faut s’adapter au monde actuel, un monde nouveau, hyper connecté. Il faut réinventer les pratiques tout en maintenant les liens et les réseaux déjà existants.
Un plan d’action en trois volets pour l’Institut français d’Allemagne
A son arrivée à la tête de l’Institut français d’Allemagne, il lance trois grands plans d’actions pour réinventer les pratiques et moderniser la relation franco-allemande.
Le premier est de relancer le débat d’idées entre nos deux pays en se fondant sur les attentes générationnelles. La construction de l’Europe, la question de la précarité, la question de l’environnement et de la transition écologique et les conflits font partie des grands sujets de préoccupation actuels de la jeunesse, comme l’a montré l’étude de l’OFAJ en 2023.
“Nous voulons créer le débat, mais sous un format plus spectaculaire. Avec par exemple, la nuit des idées qui aura lieu le 11 juin à l’Institut français de Berlin, sur le concept du livre Manière d’être vivant de Baptiste Morizot. La soirée va être consacrée à la question ‘comment repenser la relation entre l’être humain, la nature et l’être animal ?’ avec des performances et des représentations d’artistes, tout cela en lien avec des chercheurs du Naturkundemuseum."
Il est important de recentrer l’échange franco-allemand sur des sujets d’avenir.
Le deuxième plan d’action est un sujet global pour les onze antennes de l’Institut français d’Allemagne. Il pose les questions suivantes : Qu’est-ce qu’un institut français en 2024 ? Que doit-on proposer au public ? Que doit-on proposer en termes de programmation ? Comment faire en sorte qu’il soit aussi un lieu d’accueil pour un public qui ne viendrait pas intuitivement nous voir, dans un environnement concurrentiel ? “Il y a une offre culturelle très importante que ce soit à Munich, à Cologne ou à Berlin. Pour exister, il faut briller, et pour briller, il faut réinventer.”
“Nous voulons voir l’Institut français comme un lieu de convivialité et d’expérience. Cela passe par un meilleur accueil du public et par la proposition de temporalités d’expériences différenciées. On vient dans les lieux culturels aujourd'hui pour éprouver et expérimenter quelque chose.”
Le troisième volet d’action repose sur le fait que dans toutes les activités de l’Institut français et de l’Ambassade, montrer l’exemple en matière de transition écologique est un devoir impérieux. “Nous travaillons autant dans notre fonctionnement que dans nos actions extérieures, comment aboutir à une sobriété énergétique et renouer avec nos partenaires institutionnels autour de cette question de la transition écologique. Cela influence donc fortement la manière dont nous construisons nos projets. Il s’agit d’un véritable plan de modernisation.”
Relancer la stratégie autour de la langue française
Autre point important de ce plan de modernisation globale pour l’Institut français, la question de la stratégie de promotion de la langue française et de la langue du partenaire en général. “Le nombre d’apprenants du français en Allemagne reste relativement stable avec 1,4 million de personnes. En France, la réalité est moins confortable mais nous avons des ambitions portées par le premier ministre (et ancien ministre de l'Éducation) Gabriel Attal. L’objectif est d’augmenter de 10% le nombre d’apprenants de l’allemand en France d’ici 2030. Il y aura d’ailleurs une rencontre des recteurs français et des ministres de l’éducation des différents Länder en novembre 2024 pour aborder ces sujets et préoccupations communes.”
Plus concrètement, il y a plein de projets mis en place pour favoriser une vision un peu plus contemporaine de la langue française, nous explique Thomas Michelon. “On peut citer les concours au niveau fédéral sur internet, dans le domaine de la langue française et du breakdance, on encore une initiative avec Annette Gerlach d’Arte autour de courtes vidéos que l’on a tournées en France et en Allemagne pour que des étudiants nous partagent leur amour de la langue de l’autre. Et cela marche ! On a plus de 160 000 vues sur certaines vidéos. On essaie de montrer que la langue française est ouverte sur le monde et qu’elle permet également une ouverture sur d’autres continents. Il ne faut pas oublier que le français est l’une des langues les plus parlées à l’heure actuelle sur les cinq continents.”
Apprendre la langue française c’est l’amour d’une culture et d’une civilisation.
“Dans tous les domaines, on essaie de remuer les choses et de revoir nos actions. On pourrait aussi parler de la mobilité étudiante et des programmes de bourses qui se développent. Comment on les modernise et comment on les accroche à des métiers d’avenir. Cela se traduit par la mise en place de coopérations universitaires dans les domaines de l’intelligence artificielle, de l’énergie, de l’environnement, etc. Comment on accompagne les étudiants allemands vers les formations françaises et vice versa ?”
“On doit se projeter vers l'avenir et prendre en compte tout ce qui va contribuer à bouleverser profondément les paysages économiques européens à l'horizon des dix ou vingt prochaines années. C'est là-dessus, qu'on peut susciter un engouement des jeunes générations ou des générations d'étudiants vers cette destination France.”
2024, une année sous le signe du sport collectif et de la francophonie
C'est d'abord l'année de ce que l'on appelle l'été du sport, avec la coupe de l'UEFA en Allemagne et les Jeux olympiques et paralympiques en France. Le 13 mars dernier, a été signée une déclaration conjointe entre la ministre allemande Nancy Faeser et la ministre des sports française, Madame Castera, sur le sujet des normes environnementales à respecter dans le cadre de l'organisation des grands événements sportifs. Il y aura une autre déclaration sur la question de la sécurisation des événements sportifs, cette fois-ci avec le ministère de l'Intérieur en France.
La visite d’état du président Macron en Allemagne fin mai sera aussi l’occasion pour souligner à quel point 2024 est un grand moment pour le sport collectif, nous confie Thomas Michelon.
“Beaucoup d’actions sportives sont mises en place avec le groupe des ambassades francophones à Berlin. Par exemple, la course de relais Terre de jeux 2024 qui a eu lieu le jeudi 14 mars. Elle faisait partie du relais mondial dans le cadre de Paris 2024. Ici, à Berlin, nous avons associé à la fois les univers sportifs allemand et français, le grand public et nos camarades des autres ambassades francophones.”
“Nous avons pris depuis janvier 2024, avec la République du Congo, la présidence du groupe des représentations francophones en Allemagne et cela nous entraîne vers une autre aventure qui est le sujet de la francophonie.”
Plusieurs événements sont organisés cette année avec tout le réseau de ces ambassades, pour célébrer la francophonie. “Je pourrais citer deux événements en particulier : la fête de la francophonie qui aura lieu au Centre français de Berlin (CFB) le 20 avril, et puis un projet que nous avons développé dans le cadre du sommet de la francophonie (les 4 et 5 octobre à la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts et à Paris), un festival qui aura lieu la semaine du 23 septembre, en partenariat avec la Cité internationale, le CFB et l’Institut français de Berlin. Ce sera l’occasion de présenter au public berlinois et allemand le visage de cette Cité internationale de la langue française. “
“Nous avons donné carte blanche à Paul Rondin, le directeur de la cité pour la programmation de trois jours d'événements autour des questions de l'humour, de la pensée contemporaine ou encore de l'écriture contemporaine, avec également un volet important sur l'éducation à la langue française. Donc trois jours de fête à Berlin pour que le public vienne à la rencontre de cette institution particulière qu’est la Cité internationale de la langue française.”
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