Tentées par l’offre d'un travail en Chine, des milliers de jeunes Birmanes de milieu défavorisé passent la frontière. Mais beaucoup d'entre elles, victimes de trafiquants, se retrouvent mariées de force. L’équipe de lepetitjournal.com Birmanie a rencontré Theint, une jeune fille qui a échappé au pire.
Un matin, Theint (son nom a été modifié), 21 ans, a disparu "comme çà, sans rien dire", raconte ses parents. "Elle est partie après une petite dispute familiale. Nous nous sommes disputés et elle est partie", précisent-t-ils. La famille vit dans un petit village non loin de Yangon. Ses parents, de milieu très modeste, ne se doutaient pas que leur fille était en route pour la Chine voisine après avoir obtenu une promesse d'emploi de domestique payé plus de 250 dollars par mois. Soit beaucoup plus que ce qu'elle pouvait gagner en Birmanie. Theint et l'amie qui l'accompagnait ont rejoint la frontière de Muse, située dans l’État Shan, avant de passer en Chine, tous frais de transports payés par les trafiquants.
Mais une fois arrivées dans la province chinoise du Yunnan, le rêve a tourné au cauchemar. Elles ont été amenées dans la maison d'une femme qui a fait venir plusieurs hommes chinois pour qu'ils puissent voir les jeunes filles. Et elle les a prévenues qu'elles devaient se marier avec un homme chinois. En Chine, la politique de l'enfant unique, restait en place pendant plus de trois décennies, a créé un déséquilibre destructeur entre les sexes. Beaucoup de Chinois se tournent vers les pays environnants et notamment la Birmanie pour trouver une femme, parfois via un mariage arrangé.
Un trafic en hausse…
Plus de 3 000 personnes auraient été victimes de trafic vers la Chine depuis 2006, d'après des chiffres officiels. "Deux mille sont des femmes et 4% sont des enfants de moins de 18 ans", estime un officiel chargé de la prévention de la traite d'êtres humains. Mais pour les associations, ils seraient bien plus nombreux.
D'après la Kachin Women's Association Thailand (Kwat), une ONG venant en aide aux Birmanes vendues comme épouses en Chine, "un quart des victimes ont moins de 18 ans. Et la situation s’empire en raison des combats dans certaines régions", explique une responsable de la Kwat. La vente se fait en deux temps. Les trafiquants birmans trouvent des femmes et les amènent à la frontière, où elles sont prises en charge par les trafiquants chinois. Parfois, la transaction a été préparée à l’avance. Mais d’autres fois, les négociations s’organisent sur des marchés organisés dans des parcs publics. Les trafiquants les apprêteront. Le prix pour une femme d’origine birmane va de 6 000 à 40 000 yuans [900 à 6000 dollars], en fonction de l’âge et du physique. Il est arrivé que certaines soient revendues, quand on les juge inutiles. "Une fois qu’elles ont enfanté, elles seront "refourguées" à une autre famille ou finiront dans la prostitution. Elles sont vraiment vues comme de simples machines à faire des bébés" précise la responsable de l’ONG.
Theint a évité le pire. Elle a réussi, grâce à une Birmane vivant en Chine, à échapper à un mariage forcé et à fuir pour retourner près des siens. Elle a trouvé refuge dans un foyer pour femmes géré par le gouvernement à Yangon. Elle y a suivi une formation dans l'espoir de trouver un travail et de ne plus être obligée de risquer sa vie. Mais combien d’entre-elles n’ont pas eu cette chance ?