Vannak Khun réinvente les frontières de l’art et du soi à Phnom Penh

 

  Vannak Khun transforme la galerie du Centre Culturel Germano-Cambodgien, la Meta House, en un sanctuaire d'intimités superposées – un espace qui n'est pas seulement habité, mais aussi joué, ressenti et partagé. Cette création immersive nous invite dans un labyrinthe de sensibilités simultanées, né d'une collaboration délicate avec son partenaire Emmanuel Pezard, le commissaire d'art Erick Gonzalez et un collectif d'artistes, de performeurs, dont la présence a gravé les contours de son univers. Parmi eux, Eric Ellul, Carlo Santoro et « Aroma Khmer » font entendre leurs voix kaléidoscopiques dans ce chœur résonnant.  

 Dans ce déploiement, Vannak nous invite à aller au-delà de la surface, dans l'essence de son univers intime. En nous faisant pénétrer dans sa « demeure », il renverse les schémas qui ont longtemps défini sa pratique artistique au cours de la dernière décennie. Ici, les rôles changent : nous ne sommes pas des spectateurs, mais des participants qui entrent, observent et interprètent. Le regard, autrefois passif, devient un acte d'exploration, de découverte de nos propres curiosités. Chaque élément amène à s’interroger. « Pourquoi » est un maître-mot. 

 

 

   La porte de la maison de Vannak bascule vers l'intérieur, révélant non pas des murs mais des couches d'identité - chaque masque que Vannak a porté s'efface maintenant dans les projections sur les écrans de la galerie, dans une rétrospective offrant une vision globale de son travail visuel. 

   On y trouve des autoportraits encadrés, des photos, des peintures, des sculptures, des objets, qui tous ont une histoire. Nous sommes entre cabinet de curiosité et décorum théâtral, reflet de différentes réalités qui ensemble font sens et créent une unité. 

   À travers les images de ses ancêtres, Vannak tisse son histoire avec la nôtre, recousant le tissu fragmenté des souvenirs familiaux. Ces vestiges - préservés, ré imaginés et ainsi ravivés - deviennent des ponts qui enjambent les distances de temps et d'espace, nous incitant à entrer dans nos récits en cours.

 

 

  En reconstituant les emblèmes brisés d'identités perturbées, Vannak rejette le confort de la résolution. Au contraire, il se délecte de leur beauté discordante, créant une esthétique de la dissonance. D'une main de maître, Vannak entremêle ironie et sincérité, créant un récit qui adoucit le poids d’une enfance difficile, tout en sous-entendant sa présence. 

   C'est aussi une vaste étreinte, qui rassemble son compagnon, ses amis, ses chats omniprésents, ses promenades dans la ville où il a toujours vécu, mais aussi au fil de ce pays dont il est enfant des guerres. Vannak nous invite non pas en tant que « voyeurs » mais en tant qu'âmes-sœurs, nous proposant d’habiter cet espace partagé, non pas en tant qu'étrangers, mais en tant que co-créateurs de sa signification.

 

 

   Vannak Khun, né en 1980 à Phnom Penh, au Cambodge, est un artiste contemporain connu pour son mélange unique de photographie et de performance. Initialement diplômé en finance, il s'est orienté vers l'art en 2014, et a décidé de s’y consacrer entièrement en 2019. Son travail explore souvent l'identité et le commentaire social à travers des récits personnels, en s'utilisant lui-même comme sujet. Vannak a beaucoup exposé, notamment dans le cadre de l'exposition « Adorned Body, Transformed Body » organisée par le Musée international du parfum de Grasse, et par le biais de son initiative, « Art Home », qui promeut les artistes locaux et les échanges culturels. Il a été exposé à Tokyo, à Taipei, à Lilles et a de nombreuses reprises dans la capitale, dans le cadre du Photo Phnom Penh festival, dont il est l’un des piliers. Son engagement à améliorer la scène artistique Cambodgienne continue d'être reconnu au niveau national et tend à s’exporter à l’international. 

   Cette présentation est issue d’une collaboration entre Vannak Khun, Carlo Santoro, Eric Gonzales et Emmanuel Pezard

Photos : Vannak Khun,