La crise sanitaire a privé les restaurateurs de leur principale source de revenus au Cambodge : les touristes. Face aux difficultés auxquelles ils sont confrontés, Lepetitjournal.com est allé à leur rencontre à Phnom Penh, Kampot, Battambang et Siem Reap.
Nos restaurateurs francophones aux parcours diversifiés et atypiques
Avant de s’installer au Cambodge, ils étaient restaurateurs, pilotes d’avion, designers ou encore journalistes. Les restaurateurs francophones que nous avons rencontré ont des parcours professionnels extrêmement diversifiés.
Avant d’ouvrir son restaurant Atlas à Kampot, Emilio, un jeune chef franco-belge a suivi trois ans d’art culinaire et une spécialisation en oenologie pendant deux ans. A son parcours très complet s’ajoutent six années de cuisine, atteignant le grade de sous chef et 4 ans dans un bar à vin de Bruxelles.
C’est mon premier restaurant, c’est un rêve de gosse
Nous rencontrons aussi également des parcours plus atypiques. Avant d’ouvrir sa Guest house - restaurant : Au Cabaret Vert à Battambang, Mathieu Damperon était journaliste chez Radio France. Nikki de La couleur du Thé a, quant à elle, travaillé en tant que désigner au Maroc, en Turquie, en Biélorussie et en Chine, avant d’ouvrir son salon de thé à Siem Reap.
Le propriétaire du restaurant Chez Gaston à Phnom Penh était pilote d’avion avant d’investir dans un restaurant au Cambodge en 2017, et par un hasard des choses, de ne plus jamais quitter le pays :
Un ami connaissait un restaurant à vendre au Cambodge, j’étais pilote et je voulais un pied à terre en Asie. Je pensais rester seulement quelques mois pour le mettre en route
Le Cambodge : un pays privilégié pour l’ouverture d’un restaurant
Venus pour l’amour du pays, de son peuple, de sa culture ou par pur hasard, le Cambodge fascine, attire et retient les restaurateurs étrangers.
Si certains ont des origines cambodgiennes comme Rika propriétaire de L’Annexe à Siem Reap, d’autres l’ont découvert en vacances et ne l’ont plus jamais quitté. La gentillesse légendaire des Khmers, la découverte des paysages et de la douceur de vivre cambodgienne rendent ce pays particulièrement agréable pour nos restaurateurs.
Philippe de Crep'Italy à Siem Reap affirme :
Je suis arrivé il y a dix ans au Cambodge. Je n’ai pas pensé à aller ailleurs, j’étais un amoureux des temples
Si Nikki est arrivée par hasard, elle ne regrette absolument pas son choix qui lui a permis de « faire une belle découverte de ce peuple ».
Steven du restaurant DeliCious, est venu pour Kampot et pour son poivre plus spécifiquement. Il baigne dans la restauration depuis son enfance puisque son grand-père était le premier chef italien à Toulouse dans les années 1970. Passionné du poivre depuis toujours, Kampot était pour lui la destination idéale. Il s’y est fait une place de choix en ouvrant le renommé Green House.
S’ils sont finalement installés ici depuis de nombreuses années, c’est que le pays offre un cadre de vie inégalable et ils ont rapidement oublié le stress de la France pour se laisser porter par la tranquillité, le calme et la patience khmère.
Sans compter que le Cambodge est une destination en pleine expansion. C’est d’ailleurs pour cette raison que Frédéric de Seafood Kampot & Pepper y a posé ses valises et ses casseroles.
Je pense que c’est une destination qui va se développer. La première fois que j’ai connu Kampot, c’était en 2016 et en cinq ans, la ville a déjà beaucoup changé.
La seule ombre au tableau reste peut être l’approvisionnement difficile de certains produits ou tout du moins leur disponibilité inconstante. Mais cela n’est qu’un défi de plus à relever, un exercice auquel nos restaurateurs francophones s’adonnent avec plaisir.
C’est intéressant de cuisiner à Kampot puisque c’est Kampot qui fait ton menu. Il n’y a pas de supermarché à ici et certains produits restent introuvables, nous confiait Emilio.
Si pour la plupart, la pandémie est une catastrophe pour leur commerce, c’est également la période que certains ont choisi pour lancer le leur. L’Atlas et Delicious ont ouvert il y a seulement quelques mois. Benjamin, le manager de ce dernier affirmait que « les périodes les plus basses étaient également les plus constructives ». Pour Emilio, « Il faut attaquer un marché quand il est mort, c’est pour cette raison que j’ai tout de même choisi d’ouvrir en pleine pandémie ».
Privés du tourisme et quasi fermeture : un violent coup de massue pour les restaurateurs du Cambodge
Néanmoins, alors que le commerce avait déjà été durement touché par la fermeture des frontières cambodgiennes en 2020, les récentes restrictions sont un violent coup de massue pour les restaurateurs.
Ceux de Phnom Penh qui ne peuvent plus recevoir de clients dont l’unique solution reste la livraison et pour ceux de Siem Reap qui survivaient en grande majorité grâce au tourisme, les dommages sont catastrophiques.
Le restaurant Chez Gaston est fermé depuis la mise en quarantaine de Phnom Penh, ne pouvant pas survivre face aux frais supplémentaires qu’induit la livraison et la marge des compagnies qui la proposent.
Le restaurant Majorelle a également vu ses ventes diminuer dès mars 2020 et s’écrouler depuis l’événement du 20 février. « Pour l’instant on essaye de tenir, nous confie-t-il ».
À Siem Reap, La couleur du thé tente de rester ouvert tant bien que mal :
Je suis fermée depuis mars dernier, j’ai perdu 80% de mon chiffre d’affaires. Je travaille nuit et jour pour essayer de proposer des petits menus que l’on poste sur Facebook à nos clients. Les dommages collatéraux seront énormes
Pour Rika de l’Annexe à Siem Reap, fermer serait impensable :
On garde le restaurant pour des raisons sentimentales, on est très attaché au personnel puisque cela fait dix ans que nous l’avons ouvert et l’équipe reste inchangée. Notre objectif est de maintenir les salaires
Face à ces difficultés, Rika a décidé de créer des groupes Facebook pour soutenir les restaurateurs et relancer l’entraide que certains déplorent ces temps-ci :
Il faut voir les autres restaurateurs comme des confrères, nous sommes tous dans le même bateau. Quand on a l’habitude de travailler avec une masse touristique et qu’elle disparaît, nous ne savons plus comment faire
Cependant, les restaurateurs ne manquent pas de projets face aux difficultés de cette période. Au Cabaret Vert, les travaux d’une maison traditionnelle khmère, dans laquelle des concerts et des expositions auront lieu, viennent de se terminer.
Kampot est peut-être la province qui s’en sort le mieux. Avec une importante communauté d’expatriés et de français notamment, les restaurants n’ont pas perdu l’entièreté de leurs clients malgré le couvre-feu. Pour Benjamin, le covid n’a pas enfermé la créativité, au contraire.
De toute façon nous sommes enfermés par la pandémie, si nous nous renfermons encore plus, nous restons enfermés dans une prison dont nous n’avons pas les clés.