La cuisine cambodgienne se singularise par la grande diversité de végétaux qui la composent et dont raffolent les Khmers. Dans cet article Pascal Médeville, khmérologue et amoureux de la cuisine cambodgienne, nous fait découvrir la feuille de Cratoxylum formosum.
La grande diversité des légumes cambodgiens surprend souvent : tubercules, fruits mûrs ou verts, pousses, fleurs, tiges, feuilles… Les Khmers sont de grands consommateurs de végétaux. Les légumes sont souvent appréciés crus, en accompagnement de condiments aux saveurs puissantes, ou pour apporter une nuance aromatique et de la texture à des plats liquides ou semi-liquides. Ces légumes crus sont réunis sous le nom générique d’anluk (អន្លក់). Ci-dessus, un assortiment d’anluks, à l’état encore brut, destinés à accompagner une « soupe khmère » (សម្លខ្មែរ [sâmlâ khmaer], préparation s’apparentant à un curry liquide vert), dégustée avec des nouilles de riz fraîches.
Les feuilles occupent une place privilégiée parmi ces légumes. Là aussi, les espèces consommables sont diverses et variées. Les feuilles sont surtout recherchées pour leur saveur et pour leur texture. Parmi ces feuilles, celles de l’espèce Cratoxylum formosum sont particulièrement appréciées.
C. formosum est présent sur une aire assez étendue, qui s’étend de l’île de Hainan, dans le sud de la Chine, jusqu’à l’archipel indonésien, en passant par le Vietnam, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge, les Philippines et la Malaisie.
Au Cambodge, deux espèces du genre Cratoxylum sont présentes : C. formosum et C. cochinchinensis. C’est la première de ces deux espèces qui est la plus courante et la plus consommée. Le genre porte au Cambodge le nom générique de « l’nghieng » (ល្ងៀង), ou « ro-nghieng » (រងៀង). On distingue deux sous-espèces : C. formosum subsp. formosum et C. formosum subsp. pruniflorum.
Les utilisations de cet arbre (dont la hauteur peut atteindre une quinzaine de mètres) sont multiples : l’écorce sert à produire un colorant brun. Le bois, dur et souple, est recherché et peut être utilisé en ébénisterie. Il sert aussi, notamment au Laos, à produire du charbon de bois. L’espèce a aussi des usages médicinaux : la résine peut servir à traiter les démangeaisons, un mélange pilé d’écorces, de feuilles et de lait de coco sert à traiter d’autres problèmes de peau. Les jeunes feuilles peuvent aussi être infusées pour obtenir une boisson théiforme.
Cette espèce a aussi une valeur ornementale : l’arbre produit, entre mars et mai, de très élégantes et très délicates fleurs qui, au Cambodge, sont d’une couleur blanche subtilement teintée de rose.
C’est essentiellement la feuille de la sous-espèce formosum qui est consommée en guise de légume, car celles de la sous-espèce pruniflorum, âcres, sont peu appréciées. Les feuilles présentent une couleur rougeâtre lorsqu’elles sont jeunes, verte lorsqu’elles sont à maturité. Elles ont une saveur acidulée et sont légèrement astringentes.
Article préalablement publié sur Khmérologie.