La Franco-Vietnamienne Tran To Nga a réaffirmé mardi qu'elle poursuivrait son combat judiciaire comme victime de "l'agent orange" pendant la guerre du Vietnam, alors qu’un tribunal français a déclaré lundi irrecevables ses demandes contre 14 multinationales de l’agrochimie.
Le tribunal d'Evry, dans la banlieue sud de Paris, a débouté de sa demande la septuagénaire qui avait assigné en justice 14 firmes agrochimiques - dont le géant Bayer-Monsanto- pour avoir produit l'herbicide ultra-toxique et l'avoir fourni à l'armée américaine pendant le conflit (1955-1975).
Une décision attendue
Tran To Nga a répété mardi lors d'une visioconférence de presse qu'elle ferait appel de la décision. Mais plusieurs années de procédure seront nécessaires avant qu'une nouvelle audience de plaidoiries se tienne devant la Cour d'appel de Paris, a prévenu un de ses conseils, Me Amélie Lefebvre.
"De toute façon, on a gagné parce que pendant six années (de procédure), j'ai réussi à faire ressurgir ce passé", a déclaré Tran To Nga.
Je suis déçue, je suis même en colère, mais je ne suis pas triste parce que je m'attendais quand même un peu à ça" (...),
a-t-elle ajouté.
Née en 1942 dans l'Indochine française, elle s'était engagée dans le mouvement indépendantiste du nord du Vietnam et avait aussi couvert la guerre comme journaliste, au moment où l'armée américaine épandait "l'agent orange" sur les forêts et les champs pour empêcher la progression de la guérilla communiste.
L’immunité de juridiction
Le tribunal a considéré que les sociétés avaient "agi sur ordre et pour le compte de l’Etat américain" et qu'elles pouvaient de ce fait se prévaloir de "l'immunité de juridiction". Un principe du droit international qui établit qu'aucun Etat souverain ne peut assujettir un autre Etat souverain à sa juridiction.
Une personne de droit privé - en l'occurrence une multinationale assignée - peut en bénéficier "lorsqu'elle intervient dans l'accomplissement d'un acte sur ordre ou pour le compte de cet État, constitutif d'un acte de souveraineté ».
Cette immunité "ne peut être le prétexte d'une impunité", a dénoncé mardi Me Lefebvre. Tran To Nga dit souffrir de pathologies "caractéristiques" d'une exposition à cet herbicide. Atteinte d'un diabète de type 2 avec une allergie à l'insuline "rarissime", elle a aussi contracté deux tuberculoses, a eu un cancer et une de ses filles est décédée d'une malformation cardiaque.
L’agent orange un défoliant très toxique
L’« agent orange » est le surnom donné à un défoliant, le plus employé par l'armée américaine, déversé par plusieurs millions de litres lors de la guerre du Viêt Nam entre 1962 et octobre 1971. Le produit était répandu principalement par avion au-dessus des forêts vietnamiennes ou sur des cultures vivrières. Il a aussi été utilisé par les Américains au Laos et au Cambodge pour bloquer la fameuse piste Ho chi Minh qui y transitait.
L'agent orange est responsable de plusieurs maladies chez les militaires assurant sa dispersion mais surtout chez les civils et combattants évoluant dans les zones directement ou indirectement exposées. Cela est surtout dû à la présence de dioxine, sa stabilité lui confère un effet durable sur les habitants des régions touchées, occasionnant ainsi des cas de cancers ou de malformations à la naissance, des années après la fin des combats.
Source AFP