Partis pour un tour du monde en famille sur fond de tournée théâtrale, un couple d’acteurs suisses et leurs enfants n’avaient pas la Thaïlande sur leur itinéraire. La crise du Covid a changé les plans
Partis avec leurs deux fils, les acteurs suisses Frédéric et Déborah Landenberg avaient démarré un périple autour du monde qui devait les mener en Russie, en Chine, en passant par les Philippines et en terminant par le Salvador pour y tourner un film. En chemin, ils avaient prévu de jouer la pièce Love Letters d’Albert Ramsdell Gurney, et les premières représentations ont d’ailleurs eu lieu à Ekaterinbourg et Moscou. Mais l’épidémie du nouveau coronavirus les a forcés à prendre une autre direction et, au lieu d’aller jouer à Pékin, ils ont pris un vol pour la Thaïlande au mois de mars en se disant qu’ils y feraient juste une halte de quelques semaines avant de continuer vers les Philippines.
L’évolution de l'épidémie et la fermeture des frontières de nombreux pays ont bousculé les plans de la famille d’aventuriers qui s’est finalement laissée dériver sur l’ile de Koh Chang avant de décrocher dans la petite ville de Paï au milieu des montagnes du Nord ou ils séjournent depuis le mois de juillet et ont déjà pu jouer leur pièce au mois d’août.
Le 23 septembre, ils seront à Bangkok pour présenter leur spectacle Love Letters à l’Alliance française avec le soutien de l’ambassade de Suisse en Thaïlande.
Lepetitjournal.com/chiang-mai a rencontré le couple pour parler de leur pièce de théâtre et surtout de leur projet de tour du monde où finalement rien ne s’est passé comme prévu!
En janvier 2020, vous quittez la Suisse avec vos enfants pour faire un tour du monde, pouvez-vous expliquer le projet que vous aviez à l’époque ?
Frédéric Landenberg : Nous étions partis avec nos enfants, Arsène (13 ans) et Merlin (15 ans) pour un tour du monde d’un an. Au cours de ce voyage, nous devions jouer notre pièce “Love Letters”. L’idée était de démarré par le transmongolien, de passer par la Russie, la Mongolie, la Chine avant de continuer vers le Sri-Lanka, les Philippines et l’Amérique du Sud. Nous avions déjà une série de dates de planifiées pour jouer notre spectacle, c’était le cas en Mongolie, Chine, Sri-Lanka et Philippines et nous étions encore en train d’essayer d’ajouter d’autres dates dans les pays que nous devions traverser.
La Thaïlande était-elle prévue dans votre parcours ?
Déborah Landenberg : Pas du tout! Juste avant de venir en Thaïlande, nous étions en Russie quand les frontières terrestres ont commencé à fermer fin février-début mars et là, on s’est demandé : mais qu’est-ce qu’on fait ?
Frédéric Landenberg : Nous avions quand même envie de rester sur le chemin que nous avions prévu. Nous nous sommes donc rapprochés des Philippines en se disant qu’on resterait quelques semaines en Thaïlande, le temps que ça passe!
Déborah : J’étais connectée sur plusieurs groupe de voyageurs sur les réseaux sociaux, et tout le monde était très inquiet. Beaucoup nous disaient de ne pas aller en Asie, que ce serait un carnage, qu’il valait mieux aller en Amérique du Sud. Je suis contente d’avoir suivi mon intuition et d’être venue en Thaïlande.
Une fois en Thaïlande, pourquoi avez-vous choisi d’aller à Koh Chang ?
Frédéric : En dehors du théâtre, nous étions ouvert à d’autres projets tels que “Workaway” ou du volontariat dans des projets de permaculture. Déborah avait eu des contacts avec une personne à Chiang Mai et une autre à Koh Chang.
Après une semaine à Bangkok, nous avons pris nos sacs pour aller à la gare et prendre le train de nuit pour Chiang Mai, quand nous avons reçu un message de la personne qui devait nous accueillir à Chiang Mai nous disant que le gouvernement interdisait les projets de volontariat! Nous étions au milieu de la rue à se demander : mais qu’est-ce qu’on fait ?
Déborah : Est-ce qu’on rentre en Suisse ? Est-ce qu’on va sur un autre continent ? C’était tellement vaste qu’il était impossible de se décider en une heure! Le temps passait, les enfants avaient faim, l'énervement montait... Et puis à un moment donné un anglais qui parlait français s’est arrêté et nous a proposé de nous aider. On lui a expliqué en deux mots notre situation, il a d’abord essayé de contacter des agences de voyages, mais sans succès. Il appelle alors son hôtel et nous réserve une chambre, qu’il paye pour nous et on se retrouve au Hilton à Bangkok! Au soir, nous avons mangé avec lui et là, il nous parle de Koh Chang et de Paï comme un ange gardien pour nous guider.
Se retrouver confiné sur une île en Thaïlande, est-ce une situation aussi paradisiaque qu’on peut l’imaginer ?
Déborah : Nous sommes restés trois mois. Pour Frédéric et pour moi, être sur une île où l’on ne peut rien faire d’autre qu’aller à la plage, bien manger et lire, c’est super. Par contre pour nos adolescents, c’était un cauchemar, ils ont détesté! Cela fait 7 ans qu’ils suivent des cours par correspondance, que nous faisons l’école à la maison, à Koh Chang, ils ont travaillé quatre fois plus que d’habitude tellement ils s’ennuyaient.
Qu’est-ce qui vous a poussé à aller à Paï ?
Déborah : En juin, des amis que nous avions rencontrés à Koh Chang sont partis pour Paï, mais nous n’arrivions pas à partir de Koh Chang. Nous avions peur de ne pas trouver un lieu aussi bien. J’avais un peu peur pour le trajet car ce n’était pas facile de savoir comment se passaient les déplacements, etc. Après, je ne nous voyais pas aller à Bangkok ou Chiang Mai.
Frédéric : Nous avons donc bougé pour Paï au début du mois de juillet et on a adoré, et les enfants aussi. Ils ont rencontré d’autres adolescents, ils font du skate board et maintenant, ils ont même commencé à étudier le japonais. A Paï nous avons rencontré une française qui a vécu pendant 20 au Japon et qui leur donne des cours, c’est un peu surréaliste.
Avez-vous pensé à rentrer en Suisse ?
Frédéric : Cela a été un gros questionnement, surtout parce que l’ambassade de Suisse en Thaïlande poussait ses ressortissants à rentrer. Mais nous étions encore au début de notre voyage, notre maison en Suisse est louée jusqu’à la fin de l’année 2020. Nous n’avons donc pas de logement là-bas, ni de travail puisque nous avions ce projet de jouer nos spectacles un peu partout dans le monde.
Déborah : A un moment donné l’ambassade nous a dit : “soit vous rentrez maintenant, soit on ne pourra plus rien pour vous!” C’est vraiment une phrase qui m’a marquée surtout qu’on entendait que tout allait fermer, que l’île serait fermée aussi. Il y a eu une dizaine de jours de grosse incertitude.
Frédéric : Pour nous, tout notre projet s’est cassé la figure alors que cela faisait plus d’un an que nous le préparions, mais de manière fantastique !
Pouvez-vous expliquer plus en détail votre projet de théâtre ?
Frédéric : Nous avons deux spectacles. Le premier s’appelle Love Letters, une pièce d’Albert Ramsdell Gurney que nous interprétons Déborah et moi. L’autre est une pièce de Jacques Chessex où je joue seul, La Confession du pasteur Burg. En Russie, nous avons joué les deux mais depuis le Covid-19, nous nous focalisons sur Love Letters.
Déborah : Love Letters est une correspondance entre un homme et une femme, ils s’écrivent toute leur vie, cela commence par les cartons d’invitations aux anniversaires, des petits mots dans la classe, etc. Petit à petit, la pièce déroule deux vie sur 50 ans, on voit grandir les personnages, changer, se rapprocher, s’éloigner.
Frédéric : Nous avons créé cette pièce il y a 10 ans. A l’époque nous la jouions surtout dans des grandes salles de théâtre et puis nous avons travaillé pour en faire une version qui peut se jouer n’importe où, dans des cafés, des médiathèques, chez les gens, etc.
A Paï, nous l’avons jouée dans un studio de yoga, et à Bangkok, ce sera dans l’auditorium de l’Alliance française où il y a 400 places mais où il ne pourra y avoir que 80 spectateurs à cause des mesures de distanciation physique.
Combien de temps prévoyez-vous de rester en Thaïlande ? Quelle sera votre prochaine destination ?
Déborah : Pour le moment, nous devons partir le 26 septembre mais nous sommes en train de faire les démarches pour obtenir un visa de volontaire. La date du spectacle de Bangkok est fixée au 23 septembre avec l’idée que nous partons juste après.
Frédéric : Il y a toujours les Philippines où nous avions déjà un contrat pour jouer nos spectacles mais la gestion de l’épidémie y est un peu totalitaire, ça ne donne pas trop envie d’y aller. Nous avions aussi penser à l’Indonésie mais finalement ils ne rouvrent pas les frontières. Finalement, la seule certitude est de rentrer en Suisse à la mi-décembre. Nous cherchons aussi à jouer Love Letters ailleurs en Thaïlande.
Vous aviez également un projet de film au Salvador, est-ce toujours d’actualité ?
Frédéric : Au départ, nous devions tourner une fiction du réalisateur romand Frédéric Baillif au Salvador qui mettait en scène une famille qui part en voyage. Et puis la vie, la situation actuelle fait que le projet a totalement changé. A Ekaterinbourg, lors d’une conférence que nous animions, nous avons rencontré un réalisateur sénégalais qui nous a convaincu de tourner le film au Sénégal. Du coup, le film s’est transformé en thriller politique où un groupe prend en otage une famille, afin que soit reconnu le sacrifice des tirailleurs sénégalais pendant la guerre.
Avec Frédéric Baillif, nous avons profité du confinement pour réécrire complètement le scénario. L’idée est d’aller au Sénégal au mois de novembre pour effectuer les repérages et les castings pour ensuite tourner en 2021. De plus en plus, je me dis que cela sera reporté à plus tard.
Pour suivre les aventures des Landenberg https://www.zetribu.com/la-tribu