Perchés sur une nacelle, des policiers casqués font descendre des militants écologistes hissés sur un trépied : les préparatifs pour l'évacuation du camp de Lützerath en Allemagne, symbole de l'opposition au charbon et aux énergies fossiles, ont commencé.
Passé le checkpoint tenu par les forces de l'ordre, impossible de rejoindre en voiture l'ancien village occupé par des activistes, situé deux kilomètres plus loin, au bord d'une gigantesque mine de lignite à ciel ouvert.
La principale route d'accès à Lützerath était mardi au coeur d'un face à face entre militants anti-charbon et policiers qui se préparent à déloger les occupants, une opération techniquement délicate et politiquement très sensible.
L'ancien village du bassin rhénan, situé à une quarantaine de kilomètres de Düsseldorf (ouest), et dont les habitants ont été expropriés il y a plusieurs années, est protégé par une muraille de barricades, de chicanes et de tranchées que des militants continuent de creuser en vitesse à l'aide de pioches.
La police est parvenue à démanteler plusieurs barrages, dont des trépieds en bois de plusieurs mètres de haut sur lesquels s'étaient hissés des opposants, ont indiqué ces derniers.
Le "jour X", comme ces militants anti-charbon désignent l'opération policière d'évacuation, est arrivé. Une montée en puissance de l'intervention est attendue à partir de mercredi.
Des centaines d'activistes arrivés en renfort de toute l'Allemagne et d'Europe ont rejoint les occupants historiques du camp qui veulent empêcher le groupe énergétique allemand RWE, propriétaire des lieux, de détruire ce qui reste du village pour agrandir la mine de lignite.
"On apprend sur le tas", explique une Allemande d'une vingtaine d'années à l'entrée du camp, qui a souhaité garder l'anonymat. Elle attise un feu autour duquel se réchauffent ses camarades.
- Affrontement "sans limite" -
Chacun à son poste, des occupants se préparent à rester des heures en haut des mâts qu'ils ont installés : ces troncs d'arbres géants sont reliés par des cordes à des cabanes construites dans les arbres.
Quand la police donnera l'ordre d'intervenir, les militants se réfugieront dans ces installations à plusieurs mètres de haut, rendant leur évacuation difficile.
Elle n'aura pas d'autre choix que d'entrer dans le village avec des véhicules munis de plateformes élévatrices pour faire descendre les militants un par un. En évitant tout accident.
Mais les occupants ont laissé quelques "surprises" à la police pour ralentir sa progression, explique Joey, un ancien assistant en chirurgie de 28 ans qui ne souhaite pas donner son nom de famille.
"La plupart des militants défendront le village pacifiquement", explique-il, le visage masqué par une cagoule.
Cet ancien du camp se prépare lui à une défense "active", en première ligne. L'affrontement sera "sans limite", assure-t-il.
"Cela peut paraître violent, mais c'est une violence nécessaire pour prévenir des événements climatiques bien plus préjudiciables", explique-t-il.
"Le charbon de Lützerath est nécessaire pour garantir maintenant la sécurité de l'approvisionnement" en énergie dans le contexte de la crise énergétique entraînée par l'invasion russe de l'Ukraine, avait rappelé lundi le gouvernement de Berlin.
L'opération d'évacuation est risquée pour la coalition du social-démocrate Olaf Scholz qui gouverne avec les écologistes, dont le parti est accusé par les activistes d'avoir trahi ses engagements.
- Enclos à bestiaux -
Dans l'immense grange qui appartenait au dernier fermier de Lützerath, les fenêtres et interstices ont été barricadés. Des centaines de sacs de couchage sont disposés dans les anciens enclos à bestiaux jonchés de paille.
Elle abritait lundi soir une réunion des militants, éclairée à la bougie. "Lors des arrestations, chacun pourra décider de montrer ou non ses papiers d'identité", assurait une des organisatrices.
D'autres s'inquiètent des quantités d'eau qui ravitaillent le camp. "Il faut encore 2.000 litres d'eau pour construire les tranchées, et prévoir au moins 20 litres d'eau potable par personne", remarque un jeune activiste.
Ils se préparent à plusieurs semaines de "résistance" alors que l'accès au camp est désormais bloqué pour les militants.