Haut de 121 mètres, il trône au milieu d'O'Connell Street, l'artère principale de la capitale dublinoise. Conçu par l'architecte Ian Ritchie (qui a notamment participé à la conception de la « Pyramide inversée » du Musée du Louvre), cet immense pic s'inscrit dans un projet de réhabilitation de l'avenue, lancé à la fin des années 90.
Telle la Tour Eiffel à son époque, The Spire est souvent moqué et critiqué (notamment pour son coût) par les habitants de la capitale irlandaise. En 2016, Nous étions allés à la rencontre des Dublinois pour connaître leur avis sur « la plus grande sculpture d'art au monde ».
The Spire ou The Monument of Light
2016 marquait les 50 ans de la destruction de la statue d'Horacio Nelson, Vice-amiral britannique, connu pour avoir remporté la bataille de Trafalgar face aux Français. Jusqu'en 1966, c'était donc un Britannique qui avait sa statue sur la rue qui deviendra plus tard O'Connell Street (nom d'un leader politique irlandais, surnommé « Le Libérateur » qui prône un nationalisme non-violent pour s'émanciper du Royaume-Uni). L'IRA (Irish Republican Army) revendique l'explosion, au nom de l'indépendance irlandaise.
Le monument a été conçu par le cabinet londonien Ian Ritchie Architects. Il s'agit d'un cône de 121 m de haut, de trois mètres de large à la base et de 15 cm au sommet. Il est situé au milieu de la rue O'Connell de Dublin entre North Earl Street et Henry Street et a été achevé en janvier 2003. Le choix du design n'a cependant pas été sans controverse.
Pointant comme une aiguille vers le ciel, le Spire of Dublin est un point de repère qui s'est dorénavant imposé comme faisant parti intégrante de la ville, et c'est la première chose que vous remarquez lorsque vous vous dirigez vers le centre-ville de Dublin.
« Plutôt un immense godemiché qu'un Anglais »
Même si certains s'interrogent quant à la signification de la sculpture « pour dire vrai, je n'ai aucune idée de ce que ça représente » indique Neil, la quarantaine, « certains disent que c'est un hommage aux gens morts à cause d'une overdose d'héroïne, moi je n'y crois pas trop. Mais c'est sûr que c'est de l'art abstrait ce truc. »
Beaucoup restent circonspects lorsqu'on leur demande s'ils trouvent le Spire beau, certains saluent néanmoins l'originalité. Ainsi, Niahm, étudiante à Trinity estime qu' « on ne trouve ça nul part ailleurs. C'est un moyen facile de se repérer et de se donner rendez-vous. » Son ami, étudiant lui aussi renchéri : « c'est un peu notre symbole, alors certes ce n'est pas aussi beau que la Tour Eiffel ou l'Empire State Building, mais c'est à nous, j'ai grandis avec le Spire, et ça me ferait vraiment bizarre de ne plus le voir. »
Chez les plus jeunes, le Spire semble laisser un peu plus indifférent, rares sont les voix qui s'élèvent contre. Beaucoup ne se souviennent pas de « l'avant Spire » sur O'Connell Street. En revanche, chez leurs aînés, l'avis est beaucoup plus tranché. Ainsi, Henry, Irlandais aux cheveux blancs, ne peut s'empêcher de glisser en souriant : « au moins, maintenant ce n'est plus un anglais. Je préfère avoir cet immense godemiché qu'avoir un anglais. »
« C'est comme tout, on s'y habitue. »
Le principal reproche qui revient sur ce monument est très certainement son coût. Estimé à 4 millions d'euros, il « témoigne des excès de l'Irlande d'avant-crise » pour Luis, Brésilien vivant à Dublin depuis plusieurs années, « imaginez un peu si cet argent avait été investi autrement. Il y aurait certainement plus de logements à l'heure actuelle, et moins de gens dans la rue. » « 4 millions, c'est sans compter l'entretien ! Imaginez un peu combien ça coûte chaque année de le nettoyer et d'en prendre soin » fait remarquer Artur, coiffeur et dublinois de naissance. « Très franchement, s'ils avaient mis une antenne dessus ou quoi que ce soit d'utile, d'accord. Mais là quel est l'intérêt ? L'art c'est bien quand on a de l'argent et un logement. Or, ici de plus en plus de monde n'a ni l'un ni l'autre. »
Ainsi, les réactions sont plus que mitigées, voire plutôt mauvaises. Le Spire est, et restera, un sujet de controverse. Qu'ils soient nés avec ou qu'ils aient connu la statue d'Horacio Nelson, les Dublinois le côtoient tous au quotidien. Ainsi, Thomas, Dublinois aux cheveux plus sel que poivre conclut : « Maintenant je ne fais même plus attention. Au début j'étais le premier à trouver ça laid et à faire des blagues dessus. Mais c'est comme tout, on s'y habitue. Et puis on n'a pas vraiment le choix, ce sera beaucoup plus dur de le faire exploser celui-là ».
Benjamin Monnet
Crédit photo : Benjamin Monnet / Robin Stevens