Serpentant à travers les collines du nord de la Birmanie, "l'autoroute nationale 3" relie les localités regagnées par les groupes ethniques armés et les partisans du gouvernment élu, après une série de victoires inattendues dans leur combat contre la junte.
Serpentant à travers les collines du nord de la Birmanie, "l'autoroute nationale 3" relie les localités regagnées par les groupes ethniques armés et les partisans du gouvernment élu, après une série de victoires inattendues dans leur combat contre la junte.
Une offensive lancée il y aura un an dimanche a permis aux combattants de s'emparer d'une grande partie de la longue route de 480 kilomètres reliant Mandalay, la deuxième ville du pays, à la Chine, principal partenaire commercial de la Birmanie.
Le contrôle sur cet axe stratégique prive la junte de taxes lucratives, menace ses bases dans les plaines du centre du pays et a remonté le moral des troupes rebelles après quatre ans de guerre civile.
Des images de cette voie de communication prises par l'AFP montrent les destructions causées par les combats de l'an passé et comment les groupes ethniques tentent de gérer les territoires conquis.
La route commence à Muse, une ville malfamée à la frontière chinoise.
Chaque matin, des centaines d'habitants font la queue pour obtenir des laissez-passer leur permettant d'aller en Chine afin d'acheter des médicaments et des marchandises pour les revendre en Birmanie.
Selon le ministère du Commerce de la junte, les échanges passant par Muse ont représenté quelque 2 milliards de dollars sur l'exercice 2023-2024. Ou beaucoup plus si l'on prend en compte le commerce illégal.
Depuis l'avancée spectaculaire des rebelles, s'aventurer dans cette zone à partir de Muse demande de l'astuce - et de l'argent - selon Aung Gyi, un conducteur routier.
"On s'en sort si on peut négocier quand on rencontre des soldats des groupes ethniques rebelles sur les routes et qu'ils nous demandent de l'argent", explique-t-il sous couvert d'un pseudonyme.
A environ une heure de Muse, un poste de contrôle est tenu par des soldats de l'Armée de libération nationale des Ta'ang (TNLA), l'un des groupes rebelles à l'origine de l'offensive de l'année dernière.
- "Les combats vus de près" -
Une trentaine de kilomètres plus loin, on arrive dans la ville de Kutkai, connue comme un centre de production de méthamphétamine et où vivent en temps normal quelque 50.000 personnes.
Les combats qui ont poussé les militaires à partir ont fait fuir de nombreux habitants et laissé des stigmates.
Ce qui reste du marché central, détruit par une frappe aérienne de l'armée, est jonché de gravats.
A proximité, des vendeurs ont installé des étals en bambou pour vendre des médicaments et des vêtements.
"Dans le nord de (l'Etat) Shan, le bruit des tirs ne nous est pas étranger", indiqué Soe Naung, un habitant qui a demandé à utiliser un pseudonyme.
"Mais lorsque nous avons vu les combats de près dans notre ville, nous avons eu très peur".
"Nous espérons que notre ville revivra si la route est rouverte. Aujourd'hui, notre vie quotidienne est rythmée par la peur des frappes aériennes".
A Kutkai, on voit surtout circuler sur la route des motos transportant des marchandises emballées dans des bâches.
Deux jeunes policiers portant des uniformes des groupes rebelles ethniques sont assis sur des chaises en plastique au bord de la route et regardent passer le trafic.
- La route de Birmanie -
A mi-parcours de l'autoroute, la ville de Lashio incarne la plus grande défaite subie par la junte depuis qu'elle a arraché le pouvoir en 2021 au gouvernement démocratiquement élu.
Un péage à quatre voies est criblé d'impacts de balles et plusieurs panneaux pendent, vestiges des combats acharnés pour la ville où vivaient environ 150.000 personnes avant l'offensive.
Lashio est connu comme le terminus de la "route de Birmanie", un axe stratégique construit par les Britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale pour approvisionner les forces chinoises combattant les Japonais.
Aujourd'hui, elle est aux mains de l'Armée de l'alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA), un groupe rebelle d'origine chinoise, dont les drapeaux rouges et bleus flottent sur des bâtiments endommagés.
Dans une rue, deux hommes réparent des pylônes électriques.
Le MNDAA s'efforce de mettre en place une administration civile qui, espère-t-il, incitera les habitants à revenir dans la ville.
Dans le même temps, l'armée tente de dissuader la population et a lancé mercredi une nouvelle frappe aérienne sur Lashio, selon les médias locaux et un groupe de secours.
- Villégiature d'altitude -
Vers la fin de l'"autoroute nationale 3", Pyin Oo Lwin, ancienne villégiature britannique d'altitude, reste aux mains de l'armée.
La route passe devant de grandes maisons de teck et de brique et devant l'école de formation des officiers d'élite de l'armée.
"Nous entendons parfois des bruits de tirs ici", dit une vendeuse du marché animé de la ville.
Après deux heures de route dans les plaines poussiéreuses, on arrive à Mandalay, ancienne capitale royale, et l'aboutissement de l'autoroute.
Les Forces de défense du peuple (PDF) de Mandalay, qui ont combattu aux côtés des rebelles dans les montagnes du pays Shan au cours de l'année écoulée, ont pour objectif de reprendre la ville de 1,5 million d'habitants.
En août, le PDF de Mandalay a salué le rapprochement entre ses combattants et l'État Shan, formé au cours des combats contre les militaires le long de l'autoroute nationale 3.
"A présent, une sortie d'une journée pour déguster des nouilles Shan n'est plus un rêve mais devient réalité", a souligné le PDF dans un communiqué, faisant référence à un plat local très apprécié.