La « Mensur » est un combat d’escrime entre étudiants avec des armes réelles qui existe depuis plusieurs siècles. La ville de Heidelberg est remplie d’histoires liées à ces combats informels. Suivez-nous !
D’où vient la « Mensur » ?
Historiquement, la « Mensur » prend ses racines au 15ème siècle en Europe : à l’époque, seuls les nobles et les soldats avaient le droit de porter des armes. Ce privilège fut donné aussi aux étudiants car ceux-ci devaient parfois parcourir des centaines de kilomètres pour rejoindre les rares universités existantes. Ils devaient transporter avec eux de grosses sommes d’argent puisqu’ils partaient parfois pour plusieurs années d’études. Ils devenaient alors des cibles de choix pour les bandits des grands chemins. Les universités allaient parfois jusqu’à donner des cours à leurs étudiants pour leur apprendre à manier les armes. Certains étudiants ont utilisé cette maîtrise pour laver leur honneur dans la pratique de duel informel face à d’autres étudiants. C’est ainsi qu'est née la « Mensur ».
Comment ces combats s'organisaient-ils ?
Contrairement à un duel classique, la « Mensur » était constituée de bien plus que deux personnes. La pratique était en effet très codifiée et devait suivre les principes de la « Fechtcomment » en vigueur, c’est-à-dire le texte qui explique toutes les conditions de la « Mensur ».
D’abord il y avait les deux combattants, appelés aussi « Paukanten », chacun d’entre eux était associé à un second, appelé le « Sekundanten » qui avait pour rôle de diriger les phases du combat et de protéger les combattants. En observateur, on trouvait le « Testant » qui veillait à ce que les armes et les protections des deux combattants restent en bon état. Il y avait aussi toujours un médecin, appelé « Paukarzt » sur les lieux et, en cas de blessure, celui-ci avait le pouvoir de mettre fin au combat à tout moment. Le « Schleppfuchs » avait lui pour rôle de tenir les armes lors des pauses du combat. Enfin, un arbitre était présent pour assurer la bonne tenue du combat et de trancher les potentiels désaccords entre les deux camps.
Les duels de Heidelberg : la fierté des étudiants
Il faut savoir que ce genre de duel ne pouvait avoir lieu qu’entre deux étudiants de deux fraternités différentes (Studentenverbindung). A Heidelberg, la « Mensur » était également monnaie courante depuis son origine.
D’ailleurs, le « Studentenkarzer » de l’Université de Heidelberg, situé dans la vieille ville (Altstadt), était une prison qui servait souvent à enfermer, notamment entre 1778 et 1914, les étudiants de Heidelberg quand on les trouvait trop bruyants en train de se battre dans l’espace public. Souvent, les membres de deux fraternités étudiantes différentes étaient arrêtés. A l’époque, les fraternités avaient une telle influence que les autorités du « Karzer » étaient obligées de séparer les membres des deux fraternités au risque d’avoir des incidents dans la prison elle-même.
Au fil des siècles, les combattants qui participaient à une « Mensur » à Heidelberg considéraient le fait de se faire emprisonner dans la prison pour étudiant comme une fierté. Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs gravé leur nom et l’insigne de leur fraternité sur ses murs.
Mark Twain dans la Hirschgasse
La Hirschgasse est la plus vieille auberge de la ville de Heidelberg, elle se situe en face du château de l’autre côté du Neckar. L’auberge a gagné en notoriété car elle est devenue un des principaux endroits de rencontre des fraternités étudiantes.
Mark Twain décrit dans son livre « a tramp abroad » (un clochard à l’étranger) une scène de « Mensur » dans la fameuse auberge en 1878. Il y a d’ailleurs une illustration dans son livre qui s’appelle « la première blessure ». Il n’est pas étonnant que Mark Twain ait été marqué par cette expérience, cette « première blessure », car les combattants de la « Mensur » étaient régulièrement et volontairement blessés au visage. Un médecin était toujours présent mais parfois les blessures pouvaient s’avérer assez graves et très impressionnantes. Mark Twain parle même d’un étudiant qui se serait fait arracher le nez pendant un de ces combats. Les cicatrices que laissaient les blessures lors des duels étaient considérées comme des trophées pour les combattants.
A l’époque, on pouvait évaluer l’expérience d’un combattant au nombre de cicatrices sur son visage. Au 19ème siècle on décrivait souvent la Hirschgasse comme l’endroit le plus sanglant de Heidelberg. On évalue le nombre de « Mensur » à plus d’un millier par semestre à cette époque.
En savoir plus sur le Studentenkarzer de Heidelberg et planifier une visite en 2021, c'est ici.