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Alma Brami : "A Paris ou Hong Kong, j'écris parce que c'est viscéral"

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Écrit par Didier Pujol
Publié le 17 novembre 2022, mis à jour le 18 novembre 2022

Nous avons rencontré Alma Brami, romancière et dramaturge française établie à Hong Kong. Elle nous parle de son choix pour le Port des Parfums et la manière dont sa vie à Hong Kong a influencé son écriture.

 

"Les personnages de mes romans restent en moi"

Alma, Après 8 romans, de nombreux prix, 4 pièces de théâtre et plusieurs passages sur scène, comment vous définiriez-vous ?

Difficile de se définir en quelques mots. Je suis comme tout le monde, un milliard de choses entremêlées qui forment un tout. Je suis composée par mes origines, mes rencontres, par mes peurs, par mes rêves. J’ai un feu en moi, une urgence. Je suis assoiffée, j’avale la vie goulument. 

Écrire des romans et des pièces de théâtre est-ce la même chose ?

Écrire des romans est un vertige à chaque début, l’impression de ne l’avoir jamais fait avant.

Je suis pétrie d’angoisses de ne pas y parvenir, et de jubilation en même temps. 

Écrire une pièce de théâtre ne se situe pas au même endroit en moi. Mon cœur est tout autant lancé dans la bataille, mais j’ai conscience que mes mots seront accompagnés par les acteurs, la mise en scène, la musique, le décor. Mes mots sont un socle, un tuteur, mais l’idée que tout le reste s’agrègera autour me permet de tenir les personnages d’avantage à distance.

Pour un roman, c’est impossible. Les personnages ne me quittent jamais, même après le point final, ils restent présents. Je les partage avec les lecteurs, comme de bons amis communs, mais je me sens garantes d’eux, responsables, protectrice.

Mes histoires s’effacent en moi, au fil du temps, mais mes personnages, jamais. 

En revanche, quand je découvre mes pièces de théâtre lues ou jouées, elles ne m’appartiennent plus du tout. Je peux être alors entièrement spectatrice. Les acteurs s’emparent de mes mots et les font leurs. C’est un bonheur inouï ! 

 

"A Hong Kong ou Paris, ce sont les êtres qui me fascinent"

 Les villes dans lesquelles vous écrivez influent-elle sur votre écriture ? 

J’écris parce que j’ai besoin de le faire, c’est viscéral. C’est ce qui m’a permis de survivre à certains moments, de grandir, de me construire. L’écriture est une protection, un bouclier. J’écris avec ma colère, mes interrogations. J’exprime ce que mon œil voit et ressent.

Il ne s’agit pas d’une ville, d’un lieu, ce sont les êtres-humains qui me fascinent, qui m’émeuvent. Les liens. La violence de ces liens. 

En revanche, dans chacune de ces villes, il m’a fallu trouver un lieu pour pouvoir écrire.

A Paris, j’ai écrit six de mes romans au Rostand face au Luxembourg, et je continue à m’y rendre régulièrement lors de mes voyages.

A Hong Kong, je n’ai pas encore trouvé véritablement un lieu adéquat. Alors je jongle, selon les horaires, les odeurs, l’ambiance. J’ai réussi malgré tout à écrire ici, deux romans, quatre pièces de théâtre, un livre pour enfants, des paroles de chansons aussi, et créer d’autres projets. Mais trouver le bon nid ici me permettrait de travailler plus sereinement.

 

"Pour moi, Hong Kong est un déséquilibre parfait"

Votre vie est partagée entre Hong Kong et Paris, ces villes sont-elles importantes pour vous ?

J’adore Hong Kong, c’est une ville qui me donne de la joie. Elle est un déséquilibre parfait. Poétique, surprenante, vibrante. Tout a l’air sens dessus-dessous et pourtant tout est à sa place. Les petits temples rouges, les buildings en miroir, les vieux immeubles arrondis, colorés ou délabrés, les arbres préhistoriques. Au détour d’une balade, on peut croiser un sanglier, un porc-épique, saluer les lucioles.

C’est un monde féérique, futuriste, et millénaire en même temps. 

Paris ne me quitte jamais tout à fait. J’ai besoin de son ciel, de ses pierres. Là-bas se trouvent les conversations artistiques et littéraires, plus rares ici, qui sont tant importantes pour moi.

Mes voyages à Paris me ressourcent, me nourrissent.

Je me sens très Parisienne, pourtant quand j’y suis, je m’y sens toujours un peu étrangère, et j’aime énormément cette sensation.

Être un peu à côté, rester une invitée.

Je suis toujours émerveillée par l’architecture, la beauté des porches d’immeubles, les pavés, la lumière dorée en fin d’après-midi.

Que ce soit à Paris ou à Hong Kong, je reste subjuguée comme une éternelle touriste.

Ou comme une éternelle enfant. 

 

"J'ai le plaisir de voir les autres incarner mes pièces"

Vous collaborez avec Catherine Arditi ou encore Mathilda May. Pourriez-vous nous en parler ?

Lors du festival de théâtre de Biarritz en octobre 2022, j’ai eu la chance de voir Catherine Arditi incarner ma pièce, « Mardi c’est le jour du poulet » mise en scène par Léna Bréban. 

Ce monologue est né au sein du festival du Paris des Femmes, au théâtre des Mathurins.

Il était mis en scène par Mathilda May et joué par la bouleversante Dédeine Volk-Léonovitch qui ne l’a plus jamais lâché.

 « Mardi c’est le jour du poulet » est devenu « L’ombre » et a été joué à Avignon, puis six mois à Paris, dans une mise en scène magnifique de Dimitri Rataud.

Ma pièce « Max » devrait certainement pointer le bout de son nez en 2023 pour des lectures publiques dans un premier temps, et être jouée en 2024. Elle sera incarnée par deux sublimes actrice et acteur, j’ai très hâte, mais je ne dis rien avant qu’ils aient foulé les planches !

 

"J'aimerais voir mes pièces jouées à Hong Kong"

Hong Kong se rouvre aux visites et aux évènements culturels, prévoyez-vous de participer à certains d’entre eux ?

Hong Kong regorge de trésors, il faut rendre hommage à cette ville qui se crée et se recrée sans cesse. Des musées qui ouvrent, des festivals, des concerts. Il n’y a rien de plus régénérant.

Quand j’habitais à Paris, j’étais invitée chaque année en Chine (Wuhan, Shanghai, Pékin, Hangzhou, Hong Kong, etc.)  pour parler de mes romans, il y avait des rencontres dans les universités, les ambassades, les alliances, les librairies. 

Je serai très heureuse de continuer à participer à certains évènements ici, que l’on me convie à parler de littérature, faire des lectures publiques, ou que mes pièces soient jouées à Hong Kong, par exemple. Ce n’est pas d’actualité aujourd’hui, mais qui sait ? 

Il se peut qu’il y ait un beau projet en 2023, dans lequel je jouerai. On en reparlera en temps voulu !

Au-delà de l’écriture, avez-vous des centres d’intérêts ?

Depuis quelques années, je fais de la pâtisserie. C’est devenu une passion, une respiration.

J’aime cuisiner la nuit, le jour, organiser des fêtes et qu’il y ait à manger pour cent, si on n’est que cinquante. J’aime l’intensité, le défi de préparer vite. Vite et bien.

Je dose, je pèse. C’est un moment de grand calme intérieur.

Il suffit de respecter chaque étape pour que le résultat soit systématiquement à la hauteur. C’est tellement rassurant.

Totalement l’inverse du processus d’écriture, où l’on met toute sa matière, ses tripes, sans jamais avoir la certitude d’atteindre le but escompté.

Nourrir ceux qui m’entourent, est une façon de les chouchouter, de leur exprimer mon amour. 

 

NDLR : les livres d'Alma Brami sont disponibles à la librairie Parenthèses.

  • 2017: Roman Qui ne dit mot consent, éd. Mercure de France
  • 2016: Roman J’aurais dû apporter des fleurs, éd. Folio n°6147
  • 2016: « Mardi c'est le jour du poulet », Monologue paru dans l’ouvrage collectif «Crimes et châtiments» éd. Quatre-vents L’avant-scène théâtre
  • 2014: Roman J’aurais dû apporter des fleurs, éd. Mercure de France
  • 2013: Roman Lolo, éd. Plon, coll. Miroir dirigée par Amanda Sthers
  • 2012: Roman C’est pour ton bien, éd. Mercure de France
  • 2010: Roman Tant que tu es heureuse, éd. Mercure de France
  • 2010: Roman Sans elle, éd. Folio n°5022
  • 2009: Roman Ils l’ont laissée là, éd. Mercure de France
  • 2008: Roman Sans elle, éd. Mercure de France

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