Les mains adroites du sifu (maître-artisan) s’appliquent à relier les tiges de bambou qu’il renforce avec de la gaze. Il s’affaire une douzaine d’heures avant que l’armature ne prenne forme. Il ajoute de couches de papier mâché qu’il peint soigneusement, puis il agrémente et peaufine le tout avec les derniers détails : la tête de lion est prête.
Selon la croyance populaire, on considère le lion comme un animal porte-bonheur, un symbole de force, courage et sagesse. Pour cette raison, la danse du lion s’effectue lors des fêtes comme le Nouvel An chinois et pour d’autres festivités religieuses, culturelles, voire commerciales, dans l’espoir d’attirer la chance. On distingue deux styles de danse du lion, celle du nord et du sud. Cette dernière étant la plus célèbre se répandit à toute la province de Canton, puis à Hong Kong et finalement aux diasporas chinoises.
Elle s’apparente à de la danse du qilin par le nombre de danseurs (deux) et par ses mouvements issus des arts martiaux chinois, mais elles diffèrent quant à leur signification et à leur mythe fondateur. Tandis que le qilin est un symbole d’harmonie, le lion se doit d’être féroce. La danse du lion est associée à la légende du monstre mythologique nommé Nian : ce serait une célébration de sa mise en fuite.
Un savoir-faire millénaire
Pour que cette tradition puisse se poursuivre, une autre tradition est nécessaire : il faut créer le costume du lion, dont la pièce maitresse est la tête. Pour cela, le savoir-faire millénaire de ceux qui s’entraînent à ce métier depuis des années est indispensable.
L’office du patrimoine culturel de Hong Kong, situé au musée Sam Tung Uk, accueille l’exposition Lost and Sound, qui retrace certaines traditions locales emblématiques, telles que la technique artisanale pour créer les têtes de lion. Chi Wo et Esa, chargés de l’office du patrimoine ou ICHO (Intangible Cultural Heritage Office) me font visiter l’exposition, un parcours qui fait appel non seulement à notre vue, mais aussi à notre ouïe. On y discerne toutes sortes de bruits : tintement des outils, airs d’opéra, sons des artisans à la besogne. Au milieu du couloir trônent des têtes de lion à chaque étape de leur confection. Du début à la fin, elles sont toutes l’œuvre du maitre Hui Ka-hung.
Patrimoine culturel immatériel de Hong Kong
En 2014, ce procédé artisanal a été reconnu comme faisant partie du patrimoine culturel immatériel de Hong Kong. Les têtes de lion fabriquées à la main avec la méthode des zhizha (technique d’artisanat utilisé pour les offrandes funéraires en papier) sont réputées pour leur souci du détail. Il faudra plus de 10 ans de pratique pour qu’un apprenti acquière le savoir-faire nécessaire à sa confection. Elles sont généralement faites en papier mâché sur un cadre de bambou et peuvent peser entre 3 et 5 kilos. Une fois finie, une tête de lion sera en mesure de cligner des yeux et de bouger oreilles et bouche.
Il s’agit d’un travail minutieux qui comporte quatre étapes principales :
- Reliure : on façonne la tête à partir de tiges de bambou fendues et ficelées.
- Collage : on ajoute des couches de papier mâché à la charpente de bambou.
- Peinture : on choisit la couleur en fonction de la tradition, les plus communes étant jaune, rouge, blanc et noir.
- Décoration : on garnit avec les derniers détails qui lui insuffleront la vie.
Transmission de la culture par le biais de la tradition
Chaque partie de la tête prend en considération les diktats de la tradition :
- Une bouche, sur laquelle l’on dessine des dents.
- Un nez recourbé, orné de boules de laine.
- Une longue barbe, fabriquée à partir de fil de pêche.
- Une corne proéminente, qui le rendra plus féroce.
- Des yeux qui cligneront au gré de celui qui le contrôle.
- Un miroir entre les yeux qui éloigne les mauvais esprits.
La danse du Lion est une représentation captivante qui réunit à la fois art, tradition, savoir-faire, spectacle et arts martiaux. Le patrimoine culturel n’est pas constitué que d’un héritage isolé, mais d’un ensemble de traditions qui s’imbriquent les unes aux autres. Tel est le sort de cette technique de confection, un rouage de la mosaïque culturelle qu’on appelle patrimoine immatériel.
Pour visiter l’exposition Lost and Sound, rendez-vous à ICHO au musée Sam Tung Uk à Tsuen Wan.
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