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Les cognacs français ciblés par la Chine

La Chine vient de lancer une enquête sur de possibles pratiques de dumping de la part de fabricants étrangers d’eaux-de-vie de vin. Cela intervient après la mise en place d’un protectionnisme européen envers les produits chinois.

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Le cognac français est menacé de droits de douane après l'ouverture d'une enquête en Chine (photo Helga Lobster Stewsur Creative Commmons)
Écrit par Guillaume Clément
Publié le 14 janvier 2024, mis à jour le 17 janvier 2024

Le cognac français bientôt à l’amende ?

Il ne fait pas bon être producteur français d’alcool de luxe en ce mois de janvier 2024. Ainsi, le 5 janvier, l’action Rémy Cointreau a trinqué en perdant jusqu’à 11,9% à la bourse de Paris, Pernod Ricard près de 5% et LVMH, producteur de champagne et de Hennessy, plus de 2%. La raison n’était pas à chercher du côté du « Dry January », mais d’un climat commercial tout aussi sec entre Bruxelles et Pékin.

En effet, au moment même où Olivia Grégoire, la ministre française du Commerce, était en Chine pour inaugurer l’année franco-chinoise du tourisme culturel, le ministère chinois du Commerce a annoncé le lancement d’une enquête anti-dumping sur les eaux-de-vie de vin, comme le cognac ou l’armagnac. Dans un pays où le baijiu, alcool à base de sorgho, représente 97% des ventes de spiritueux, une plainte avait en effet été déposée par l’Association chinoise des alcools. Celle-ci évalue la concurrence déloyale des eaux-de-vie étrangères à un écart de prix de 15,88%, ce qui peut donc déboucher sur des droits de douane d’un même pourcentage. Le chiffre semble modeste par rapport aux 200% appliqués au vin australien en 2020 à la suite d’une enquête similaire, mais cela suffirait largement à plomber les exportations françaises en Chine.                                                                                                           

Une riposte chinoise au protectionnisme européen ?

De ce fait, l’hypothèse d’une nouvelle guerre commerciale resurgit. Le timing de l’annonce intervient quelques jours après l’entrée en vigueur en France, le 1er janvier, d’un bonus écologique revisité, qui exclut tous les véhicules asiatiques des aides d’Etat lors de l’achat d’une voiture électrique. Plus généralement, la Commission européenne avait lancé en septembre une enquête sur les aides d’Etat qui seraient versées à l’industrie automobile chinoise. De même, Bruxelles a récemment menacé de contingenter d’autres produits chinois, comme les éoliennes et l’acier.

En ne ciblant que les eaux-de-vie de vin, et de façon modeste, la Chine semble laisser de l’espace pour une négociation. Cependant, la mise en place de mesures de rétorsion sur d’autres secteurs pourrait avoir plus de répercussions. Ainsi, les géants du luxe et des cosmétiques, d’Hermès à LVMH en passant par L’Oréal et Kering, sont très dépendants du marché chinois, qui leur assure souvent plus de 30% de leur chiffre d’affaires.

Éviter l’escalade entre l’Europe et la Chine 

Dans ces conditions, les exportateurs français risquent de faire pression sur leur gouvernement et sur Bruxelles pour assouplir les mesures dirigées contre les produits chinois et éviter l’escalade. Mais le bonus écologique réservé aux véhicules européens est bien entré en vigueur en France et il sera difficile de le supprimer tout de suite. Par ailleurs, d’autres sanctions européennes ont été édictées sous une forte pression américaine, comme la récente décision des Pays-Bas de limiter les exportations vers la Chine de certains équipements nécessaires à la fabrication des microprocesseurs les plus avancés.

Il reste donc une dernière solution aux grands groupes pour contourner les mesures protectionnistes : aller produire dans le pays ou la zone qui a édicté les sanctions. BYD, le groupe chinois désormais numéro un mondial du véhicule électrique, vient ainsi d’annoncer la construction d’une usine européenne à Szeged en Hongrie. Dans l’autre sens, Pernod-Ricard vient de lancer le premier whisky « made in China ». « The Chuan », proviendra d’une distillerie créée de toutes pièces dans la campagne du Sichuan, avec, selon le degré d’alcool (40, 46 ou 60 degrés) et le type de vieillissements, de prix de bouteilles compris entre 115 et 190 euros. Et, cette fois, aucune menace de droits de douane ne planera sur ce nouveau concurrent huppé du baijiu…

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