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Matthieu Lavoine "Les CCE un atout stratégique pour la compétitivité des entreprises"

Nous avions rencontré Matthieu Lavoine en 2022, peu après son élection en tant que président des Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCEF) à Jakarta. Avec la tenue prochaine du forum régional des CCE fin novembre, nous avons saisi l’occasion de faire un nouveau point avec lui sur les perspectives de l'Indonésie pour 2024-2025 et les opportunités qui s’annoncent pour le pays.

Matthieu LavoineMatthieu Lavoine
Écrit par Marie Pinot Liebert
Publié le 5 novembre 2024, mis à jour le 14 novembre 2024

 

Tout d’abord, pouvez-vous nous éclairer sur le rôle des Conseillers du Commerce Extérieur par rapport à Business France et la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Indonésie (IFCCI) ?

Les Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCEF) forment une association reconnue d’utilité publique. Les CCE travaillent en étroite collaboration avec la Direction Générale du Trésor. Au même titre que la Chambre de Commerce et Business France, les CCE font partie de la “Team France Export” et jouent un rôle crucial pour soutenir le développement international des entreprises françaises. 

Les CCE sont au nombre de 4500 dans le monde, présents dans 190 pays, et répartis en comité régionaux (pour la France) et nationaux (à l’étranger). En Indonésie, nous sommes 27 CCE. Nous nous réunissons tous les mois en présence de l’Ambassadeur et du Chef du Service Économique.

Grâce à l’alliance de dirigeants et de cadres expérimentés dans divers secteurs au sein d'un même pays, nous bénéficions d'une vue d'ensemble approfondie de l'économie locale, aussi bien en termes micro que macro économiques. Cette expertise nous permet d’avoir une connaissance fine des pratiques locales et de la santé économique du pays.

Les CCE sont des bénévoles. Notre mission comporte quatre volets principaux : conseil aux pouvoirs publics, promotion de l’attractivité de la France, aide aux entreprises qui souhaitent se développer à l’export et soutien aux VIE. Les conseils que peuvent prodiguer les CCE dans le cadre de leur mandat, tout comme les études qu’ils publient, sont toujours gratuits.

Au quotidien, nous travaillons en étroite collaboration avec Business France et lFCCI. Cette synergie nous a notamment permis de co-organiser cette année le premier "14 Juillet populaire" en Indonésie, un événement ouvert à tous qui a rassemblé plus de 300 personnes, français et francophiles indonésiens, renforçant ainsi les liens au sein de notre communauté. Nous avons également soutenu financièrement le grand prix des VIE, organisé par Business France en 2023.

En termes de fonctionnement, nous sommes organisés autour d’un bureau de 6 personnes : un vice-président (Philippe Augier), un trésorier (Sebastien Gautier), trois membres (Lina Vongsa-ath, Margot de Groot van Embden et Pierre Battu) et un président (moi).


 

Il y a une nouvelle direction au niveau du comité national des CCEF ? 

Sophie Sidos-Vicat a été nommée présidente des Conseillers du Commerce Extérieur de la France en juin 2023, succédant à Alain Bentéjac. Elle est également vice-présidente du groupe cimentier Vicat. Sophie Sidos-Vicat devient ainsi la première femme à diriger les CCE et sa nomination a créé une dynamique de féminisation du bureau exécutif.

Consécutivement à son élection, en décembre 2023, les Conseillers ont été reçus par le président Emmanuel Macron. Une première pour les CCE ! Les échanges ont porté sur les priorités de la France sur la scène mondiale et les stratégies à adopter pour renforcer les relations commerciales, notamment avec des pays émergents comme l'Indonésie. 

 

A ce sujet, lors de notre dernière interview, les CCE Indonésie ne comptaient qu’une seule femme. Est-ce que la nomination de Sophie Sidos-Vicat a permis de faire bouger les choses ? 

Nous avons à présent trois femmes au sein du comité : Lina Vongsa-ath de Mandiri Axa Insurance, Laura Walter de Techniflor et Margot de Groot van Embden, consultante en développement durable. C’est trop peu, nous en sommes conscients, mais nous y travaillons activement, soutenu en cela par la Présidente Sophie Sidos-Vicat.

Comme indiqué, notre comité Indonésie compte 27 membres, et nous devrions passer le cap des 30 d’ici la fin de l’année. Pas de candidates à ce stade malheureusement.

 

Dans le dernier numéro d’Entreprendre à l’international, l’Indonésie est présenté comme “un géant asiatique méconnu.” Qu’en pensez-vous ? 

Nous avons activement participé à la rédaction de ce dossier avec d’autres membres des CCE comme Nicolas Parrot, Directeur Indonésie de BNP Paribas, Stéphane Roy de Lachaise, Directeur pays Groupe Michelin, Ludovic Bouvier, Directeur général d’ID Logistics Indonésie et de Bruno Faour, ancien Directeur d’Eramet Indonésie. 

Ensemble, nous avons souhaité apporter un éclairage sur quatre secteurs porteurs en Indonésie et notamment pour les entreprises françaises : 

  • L’agroalimentaire : avec sa vaste population, l’Indonésie possède un secteur dynamique. Cependant, malgré ses richesses agricoles, le pays dépend des importations pour répondre à sa demande intérieure croissante.
  • La défense : en pleine expansion, avec un accent important sur la modernisation des forces armées et l'amélioration de la sécurité nationale. La France s'est affirmée comme un partenaire clé, grâce à son expertise et à ses technologies avancées.
  • L’exploitation des richesses naturelles : l’archipel représente par exemple la moitié de la production mondiale de nickel et détient les plus importantes réserves mondiales de ce métal. Eramet, groupe minier et métallurgique français, joue un rôle clé dans l'exploitation de ces ressources.
  • La logistique et les transports : cruciaux dans un archipel de 17500 iles ! La demande est élevée, et plusieurs entreprises françaises ont déjà réussi à s'imposer dans ce domaine.

 

Quelles sont les nouvelles opportunités qui émergent avec la création de la nouvelle capitale, Nusantara ?

Le rythme de construction de la nouvelle capitale est plus lent que prévu, et le budget de l'État est contraint en raison de nombreuses priorités. Nusantara demeure un projet d'envergure qui pourrait attirer l'intérêt des grandes entreprises. Bien que ces dernières soient actuellement prudentes, il est possible que ce projet devienne incontournable, à l'instar du célèbre Giant Sea Wall, une fois que des avancées significatives seront réalisées.

Pour mémoire, le Giant See Wall est un projet ambitieux en Indonésie visant à construire un mur géant pour protéger les côtes contre l'érosion et les inondations. Tout comme Nusantata, ce projet (très controversé !) fait partie des efforts pour faire face aux défis environnementaux et aux effets du changement climatique.

 

Quelles sont les perspectives économiques pour 2024-2025 pour l’Indonésie ? Qu’est ce qui a changé depuis deux ans ? 

La croissance de l'Indonésie dépasse constamment les 5 %, soutenue par divers facteurs. En premier lieu, la consommation intérieure dynamique, favorisée par une population nombreuse, joue un rôle essentiel dans l'économie. Ensuite, le pays tire parti de ses riches ressources naturelles, dont les prix à l'exportation demeurent élevés. Enfin, la stabilité politique crée un environnement propice aux affaires. 

Toutefois, le budget de l’Etat reste limité et les entreprises d’Etat sont endettées et devront faire face à des promesses de campagne très fortes comme le “Susu makan gratis”* et la poursuite de la construction de la nouvelle capitale. Pour rappel, le budget de l'Etat indonésien s'élève à 400 milliards de dollars, ce qui équivaut au budget de l'Autriche, laquelle possède une population de 9 millions d’habitants (contre 285 en Indonésie !). Une fois les intérêts et le principal de la dette de l’Etat indonésien payés, les subventions aux énergies déboursées et les nouveaux projets étendards financés, les marges de manœuvre risquent d’être contraintes.

Le second sujet préoccupant est la diminution de la classe moyenne. En quatre ans, cette tranche de la population est passée de 60 millions de ménages à 45 millions aujourd’hui. Cette diminution est causée par plusieurs facteurs notamment l’inflation et la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19. Ces facteurs combinés créent un environnement économique difficile, qui pourrait freiner la croissance et la prospérité en Indonésie.

Comment le gouvernement parviendra-t-il à concilier ses contraintes budgétaires avec ses ambitions ? La clé réside, en tout cas c’est l’avis du Président Prabowo – partagé par de nombreux économistes, dans la nécessité d'atteindre 3 points de croissance supplémentaire en réduisant la bureaucratie, en attirant les investissements étrangers et en continuant la stratégie de « downstreaming » mise en place par son prédécesseur. Ce sont, avec l’éducation et le développement des infrastructures publiques, les défis majeurs auxquels le pays devra faire face dans les années à venir.

 

* Le "susu makan gratis" est une initiative lancée par le Président Prabowo et qui se traduit littéralement par "lait gratuit". Ce programme vise à fournir du lait aux enfants, en particulier dans les zones rurales, pour améliorer leur nutrition et leur santé.

 

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