INTERVIEW. Après 11 ans d'existence, l'association Envol Vert agit aujourd'hui en France, en Colombie et au Pérou. Dans ce pays, l'organisation lutte contre la déforestation au sein de trois zones : Tingo María, la Concession et Pichanaki. Entrevue avec la responsable nationale du Pérou, Marion Imbert.
Née en Amérique latine, à l'initiative de la française Daisy Tarrier, l'association Envol Vert réalise plusieurs missions au service de la lutte contre la déforestation. Au Pérou, (comme dans plusieurs autres pays) la première cause de ce phénomène est l'agriculture intensive. Pour répondre à cette problématique, l'ONG agit auprès des producteurs locaux, mais aussi auprès des instances régionales et nationales.
Quelle est votre approche auprès des acteurs locaux ?
Notre approche diffère en fonction des zones où nous sommes implantés. La plupart du temps, les agriculteurs et agricultrices viennent directement à nous pour être accompagnés vers des pratiques agricoles plus durables. A partir des besoins du terrain, nous leur proposons une liste de 12 formations. En fonction de leur choix et de leurs besoins, nous proposons d’établir un calendrier et de nous réunir une ou deux fois par mois. A travers ces pratiques, l’association vise à promouvoir l'agroforesterie (planter des arbres dans les parcelles agricoles pour mêler cultures et forêt dans une dynamique de service écosystémiques) et la reforestation (reboisement d’une parcelle défrichée, création de haies pour délimiter les parcelles). Pour cela, nous proposons des plants d’essences d’arbres natifs, certaines en voie d’extinction, afin que les agriculteurs.ices soient les acteurs de la reforestation. Nous invitons parfois des spécialistes à expliquer des techniques spécifiques. Ces formations sont à la fois théoriques et pratiques. Chacun peut librement prendre la parole, afin de créer un véritable échange entre volontaires et paysans.
Les responsables de la déforestation, ce sont surtout les inégalités sociales.
Comment proposez-vous aux producteurs de lutter contre la déforestation au Pérou ?
Les agriculteurs.rices sont parfois confrontés à des conditions économiques instables (cours du cacao, besoin de rentrées d’argent supplémentaires…). Ils peuvent ainsi être amenés à déboiser une partie de leur terre ou une parcelle voisine pour créer des monocultures, plus rentables. Cette pratique est plutôt commune au Pérou. A travers nos échanges et nos formations, nous essayons de leur faire prendre conscience de la valeur économique de la forêt. Grâce à l'utilisation des fruits, des écorces, de la sève, des semences… Les producteurs et productrices peuvent développer des alternatives économiques. De cette manière, ils favorisent la conservation de la forêt et voient leurs bénéfices augmenter. Les paysan.ne.s péruvien.ne.s possèdent énormément de compétences spécifiques et techniques. Avec l’aide de professionnels, Envol Vert propose des ateliers de transformation des matières premières, des ateliers marketing et marchandisation. En créant des groupes de travail, l’association essaye de leur insuffler l’envie de collaborer pour transformer leur récolte en produits à valeur ajoutée. Par exemple, cette année nous formons les agriculteurs.rices à récolter l'“aguaje”. A terme, son huile sera utilisable pour faire des cosmétiques.
Dans la finalité, nous voulons que les agriculteurs.trices n'aient plus besoin de nous.
Vous dites que vous sensibilisez les producteurs à protéger la biodiversité. Mais proposez-vous ce type de contenu à d'autres publics ?
En plus de notre travail auprès des agriculteurs.rices, nous collaborons avec les instances étatiques régionales. Envol Vert agit auprès des écoles, dans le cadre des cours, pour sensibiliser les jeunes publics à l’importance de la forêt et de la biodiversité. Notre travail vise à compléter les thématiques abordées par les professeurs. Lors d’événements ponctuels comme La journée mondiale de la Terre, nous nous unissons à nos alliés (municipalité, écoles, acteurs institutionnels) pour sensibiliser le grand public lors de foires ou d'événements locaux. Comme nous intervenons sur trois sites au Pérou, nos volontaires s'adaptent à la dynamique des actions municipales.
J'ai entendu parler d'un festival que vous allez organiser dans la capitale péruvienne, quel est l'objectif de cet événement ?
Cette année, nous allons lancer l’édition 2022 du Festival "Sumate al Bosque" (traduit par ”joins toi à la forêt” en français) à Lima du 28 octobre au 6 novembre, et dans les trois lieux du pays où nous sommes implantés début 2019. Cet événement artistique aura également lieu dans quatre villes de Colombie et vise à sensibiliser les citoyen.ne.s et à l’impact de leur consommation sur la forêt. Nous cherchons à provoquer l’émerveillement du grand public par des jeux sensoriels, des concerts, des ateliers participatifs... C'est un festival joyeux et optimiste qui permet aux participant.e.s de prendre conscience de l'importance de la biodiversité.
Pour en savoir plus sur ce festival artistique initié par Envol Vert.
N'importe qui peut vous rejoindre pour vous aider en tant que volontaire ?
Au Pérou, nous avons commencé à accueillir des volontaires en service civique depuis environ trois ans. L'association accueille entre 5 et 10 volontaires chaque année, dispersés dans les quatre zones où nous sommes implantés. Nous avons développé une politique un peu stricte en termes de volontariat, pour les français(e)s qui voudraient nous rejoindre en Amérique latine notamment. Nous leur demandons d’avoir un niveau d’espagnol suffisant pour comprendre et pouvoir s’exprimer. Mais aussi de rester minimum 6 mois, le temps de s’adapter à la culture locale, aux zones rurales du pays et à ses habitant.e.s. De cette manière, les volontaires peuvent développer des liens profonds avec les participant.e.s des projets et vivre une expérience authentique. La plupart de nos employés sont péruviens, et nos bénévoles sont des locaux et des français.e.s, embauchés dans le cadre du dispositif du service civique. Nous cherchons à créer des binômes entre nationalités par site, pour favoriser les échanges interculturels.
Il n'y a pas de hiérarchie chez Envol Vert, nous sommes organisés en sociocratie.
Quelles sont vos perspectives d'avenir ? Vos futures actions ?
Nous voudrions renforcer les alternatives économiques pour les diversifier et les faire prospérer. En parallèle, nous souhaitons aussi renforcer notre présence nationale auprès des pouvoirs publics. Nos actions sur le terrain nous confèrent une légitimité auprès d'eux. L'idée c'est de faire de la sensibilisation, des actions collectives et participatives avec les acteurs locaux. L'association essaye vraiment d'avoir une action à 360 degrés et d'agir sur tous les fronts.
Dans un second temps, Envol Vert s'est allié à une coalition d'ONG pour dénoncer le groupe Casino. La multinationale vend de la viande issue de la déforestation en quantité industrielle, à travers ses filiales au Brésil et en Colombie. Le recours en justice contre cet acte criminel a commencé le 3 mars 2021.
Pour savoir plus sur la campagne “Nourrir un monde déforesté”.
Enfin, nous avons développé un outil qui permet de mesurer l'impact individuel de la consommation sur la forêt. A l'instar de celui qui calcule le CO2 émis, chaque consommateur peut savoir combien d'hectares de forêt sont déboisés à cause de ses habitudes de consommation (viande, cuir, soja, etc.). Le gouvernement français nous a même demandé de calculer son empreinte forêt, pour réaliser une liste de recommandations d'achats publics. Envol Vert travaille actuellement pour faire rentrer cet outil comme référentiel public.
Si toi aussi tu veux connaître ton impact sur la forêt, fais le quiz !
- Empreinte forêt France : https://empreinte-foret.org/quizz/
- Empreinte forêt Colombie : https://huella-forestal.org/quizz/
- Empreinte forêt Pérou : en cours de calculs.
Plus d’info sur les projets d’Envol Vert : https://envol-vert.org/nos-actions/projets/