Un peu moins d'un an après d'importants travaux de rénovation, qui avaient engagé l'équilibre budgétaire de la structure et avaient conduit à la fermeture publique de l'édifice madrilène pendant deux ans, la Casa de Velázquez ouvre ses portes aux visiteurs ce dimanche 17 février. Artistes et scientifiques exposeront pour la première fois leurs travaux côte à côte. Considérée comme "le vivier du talent français en Espagne", ce haut lieu de l'enseignement supérieur et de la recherche dans le monde vit pourtant des heures incertaines, partagé par une réforme ministérielle et une campagne de recrutement de ses membres "nouvelle formule". Le point sur les dossiers chauds avec son directeur, Jean-Pierre Étienvre.
(Photos lepetitjournal.com)
"Grande satisfaction des travaux"
Deux ans de chantier, des dizaines d'ouvriers, des tonnes de matériaux convoyés et pas un accident grave à déplorer : c'est le bilan "très satisfaisant" que tire le directeur de la Casa de Velázquez, Jean-Pierre Étienvre, à l'issue des travaux de mise en conformité technique et de modernisation de son bâtiment principal, achevés il y a moins d'un an et dont son ampleur alimente encore les conversations de ses 80 employés. Édifiée au cours des années 1920, puis inaugurée en 1929, détruite pendant la Guerre civile espagnole en 1936 puis reconstruite à l'identique en 1959, la Casa de Velázquez souffrait du vieillissement de ses murs qui ne permettaient pas d'accueillir les visiteurs dans les meilleures conditions. "Nous avons réalisé des travaux gigantesques, qui nous ont contraint à fermer le site au public pendant deux ans. C'était un défi majeur : il fallait garder le contact avec l'extérieur tout en fermant nos portes. L'administration a continué de travailler à la Casa. Nos artistes résidents ont continué de vivre dans leurs ateliers. Nous avons établi des partenariats, des conventions avec d'autres institutions. Il a fallu nous réinventer. Au total, six millions d'euros ont été investis pour ces travaux. C'est une somme énorme, qui représente l'équivalent de notre budget de fonctionnement annuel. Heureusement, nous avons pu faire confiance sur une entreprise solide, qui ne nous a pas laissés tomber malgré la conjoncture, qui n'a pas eu de retard sur son chantier, malgré le fait que le Casa de Velázquez soit un établissement classé, avec des normes très strictes à respecter. Le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a confirmé son engagement budgétaire à la hauteur de ce qu'il avait annoncé. (...) Globalement, nous avons gagné en confort, même si tout n'a pas été fait (les ateliers et le jardin n'étaient pas concernés par les travaux). Je peux le dire sans forfanterie, c'est une opération réussie."
Journée portes ouvertes : "Décloisonner les disciplines"
Avec la réussite de ces travaux, une nouvelle ère s'ouvre donc à la Casa de Velázquez. C'est dans ce contexte que va se dérouler la journée portes ouvertes du dimanche 17 février 2013, une première depuis la ré-inauguration des lieux, le 17 mai 2012. Et pour marquer l'événement, la direction du site a choisi de décloisonner ses deux pôles d'activités, comme elle a cassé ses murs : 13 artistes et 18 scientifiques exposeront leurs travaux côte à côte ce dimanche, de 16h à 20h. Pour bien saisir la symbolique de cette action, il faut rappeler que la Casa de Velázquez est l'une des cinq Écoles françaises à l'étranger (à l'instar de la Villa Médicis à Rome), qu'elle a le statut d'établissement public, scientifique, culturel et professionnel, qu'elle dépend du ministère français de l'Enseignement et de la Recherche et qu'elle héberge deux centres d'enseignement où prime l'excellence : l'Académie de France, où elle forme des peintres, des graveurs, des musiciens, des cinéastes, etc., et l'École des Hautes Études hispaniques et ibériques, destinée aux chercheurs et aux scientifiques. "C'est la première fois que l'on juxtapose ces deux structures, la partie artistique et la partie scientifique", explique Jean-Pierre Etienvre. "Nous voulions faire tomber une cloison disciplinaire lors de cette journée portes ouvertes. Et nous sommes agréablement surpris : artistes et scientifiques ont élaboré plusieurs travaux en commun, comme des documentaires vidéos qui seront diffusés en continu dimanche." La bibliothèque (notre photo), située au deuxième étage, ouvrira exceptionnellement ses portes au grand public : elle renferme 120.000 références soigneusement classées. Les cinq bibliothécaires seront sur le pont pour renseigner les visiteurs. Le programme complet de la journée portes ouvertes (animations, projections, tables-ronde, ateliers) est disponible ici.
Négociation budgétaire avec l'État français : vers une mutualisation des moyens
La Casa de Velázquez est engagée dans une grande négociation avec le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, dans le contrat quinquennal 2012-2016 qui la lie avec l'Etat français. De cette négociation en découle son budget de fonctionnement pour les cinq prochaines années. Actuellement, tous les termes du contrat n'ont pas été signés. Les derniers points d'achoppement portent sur un projet de restructuration, de recentralisation des cinq Écoles françaises à l'étranger que sont la Casa de Velázquez, l'Ecole française d'Athènes, l'Ecole française de Rome, l'Ecole française d'Extrême-Orient et l'Institut français d'archéologie orientale : selon le directeur Jean-Pierre Etienvre, le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche envisage de réunir les établissements de Madrid, Rome, Paris, Athènes et Le Caire. "C'est un débat serein mais tendu", dit le directeur de la Casa de Velázquez. "Nous voulons conserver notre budget, mais nous sommes conscients que nous allons vers une plus grande mutualisation des moyens, pour une plus grande efficacité. Il faut vivre avec son temps. Le monde universitaire est un monde mouvant et il est habitué à faire face à ces changements."
Campagne de recrutement des artistes : vers plus de turn-over
Autre dossier chaud dans les mains du directeur, Jean-Pierre Etienvre, la campagne de recrutement des artistes qu'elle héberge à l'Académie de France. La campagne pour l'année 2013-2014 est lancée : elle concerne les architectes, cinéastes, compositeurs de musique, photographes, plasticiens, vidéastes et autres qui souhaiteraient développer un travail de création artistique à l'intérieur de ses murs. Les dossiers sont à remettre avant le 4 mars prochain, selon un processus très précis (à consulter ici). Mais cette campagne pourrait bien être la dernière du genre avant une nouvelle formule, comme l'explique le directeur de la Casa de Velázquez : "Nous avons reçu 125 candidatures pour l'année 2012-2013. Le nombre de candidats ne cesse d'augmenter chaque année. Pour l'heure, la sélection d'un candidat sur concours lui donne droit à un an de résidence, renouvelable une fois. Il y a une réflexion en mouvement pour réduire cette durée de résidence, en concertation avec le conseil. Il est normal que nous voulions faire profiter de nos installations à un plus grand nombre de bénéficiaires."
Le directeur : "Les Portes ouvertes, la dernière grande manifestation que j'organise"
Directeur de la Casa de Velázquez depuis 2007, Jean-Pierre Etienvre est engagée actuellement dans son deuxième et dernier mandat, d'une durée fixée à 4 ans. Il s'est montré énigmatique sur la suite qu'il souhaite donner à sa mission à la tête de l'établissement madrilène : "Ce que je peux dire, c'est que la journée portes ouvertes est la dernière grande manifestation que j'organise. (...) Mon souhait immédiat est de transformer l'essai du 17 mai. Que les contribuables sachent tout ce que l'on fait."
Damien LEMAÎTRE (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mercredi 13 février 2013
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