Du 16 février au 14 mai 2023, la Triennale de Milan et la Fondation Cartier pour l'art contemporain présentent une importante exposition personnelle de l'artiste aborigène Mirdidingkingathi Juwarnda Sally Gabori. Une artiste hors du commun, qui a débuté sa carrière de peintre à l'âge de 80 ans.
Conçue et organisée par la Fondation Cartier et inaugurée à Paris en 2022, l'exposition a connu un succès exceptionnel, dû à la découverte extraordinaire d'une peinture puissante et à l'histoire forte d'une artiste dont l'œuvre est profondément ancrée dans les traditions de son peuple. Il s'agit de la cinquième exposition présentée dans le cadre du partenariat de 8 ans entre les deux institutions, qui confirme l'engagement envers des artistes et des géographies rarement représentés dans les musées et expositions occidentaux.
Kaiadilt, une vie en exil
Mirdidingkingathi Juwarnda Sally Gabori est née en 1924 sur l'île de Bentinck, dans le golfe de Carpentaria, au large de la côte nord du Queensland, en Australie. C'était une femme Kaiadilt. Largement isolés, avec une population de 125 habitants en 1944, les Kaiadilt furent les derniers aborigènes de la côte australienne à entrer en contact avec les colons européens. Sally Gabori et sa famille menaient un mode de vie traditionnel, s'appuyant presque entièrement sur les ressources naturelles de leur île. Comme la plupart des femmes, Sally s'occupait de la pêche et tressait des paniers en fibres naturelles. En 1948, à la suite d'un cyclone et d'un raz de marée qui ont inondé une grande partie des terres de Kaiadilt et contaminé les réserves d'eau douce, les 63 derniers résidents survivants de Kaiadilt, dont Sally Gabori et toute sa famille, ont été évacués sur l'île de Mornington. Leur exil, qu'ils croyaient provisoire, durera plusieurs décennies.
Considérée comme l'une des plus grandes artistes australiennes contemporaines des deux dernières décennies, Sally Gabori a commencé à peindre en 2005, à l'âge de 80 ans, acquérant rapidement une renommée nationale et internationale en tant qu'artiste.
2.000 toiles en 9 ans de carrière artistique
En quelques années d'une rare intensité créative, et avant sa mort en 2015, elle a créé un ensemble d’œuvres unique, vivant et coloré, sans liens apparents avec d'autres courants esthétiques, ni avec la peinture aborigène contemporaine. Entre combinaisons de couleurs, jeux de formes, superpositions de surfaces et différents formats, Sally Gabori a peint plus de 2.000 toiles au cours des neuf années de sa carrière artistique. Une riche production qui traduit l’exploration, à une vitesse accélérée, des multiples ressources de l'expression picturale.
Une exposition à découvrir
Ses peintures, bien qu'en apparence abstraites, sont à la fois des références topographiques et des histoires ayant une profonde signification pour elle et son peuple. Il s’agit d’une célébration de plusieurs lieux de son île natale, que Sally Gabori et les membres de sa famille n'ont pu visiter pendant de nombreuses années, bien qu'ils portent son nom. Les lieux dépeins sont aussi associés à la lutte politique pour la reconnaissance des droits sur terre du Kaiadilt.
Réunissant une trentaine de peintures monumentales, cette exposition est organisée en étroite collaboration avec la famille de l'artiste et la communauté Kaiadilt, comprenant de grands spécialistes de l'art et de la culture Kaiadilt. Certains d'entre eux étaient présents à Milan à l'occasion du vernissage de l'exposition pour rendre hommage à l'artiste, dont les œuvres continuent de fasciner par leur caractère spontané, lumineux et profondément original.
L'exposition a été rendue possible grâce à la généreuse participation des musées les plus importants d'Australie et d'Europe, à l'instar du musée du Quai Branly à Paris, et de nombreux collectionneurs privés.