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Roland Lescure : «  L'immigration peut être une chance »

Roland Lescure n’est plus ministre et a récupéré son siège de député de la 1ère circonscription des Français de l’étranger. Le parlementaire franco-canadien a même retrouvé une « certaine liberté de parole », qu’il compte bien utiliser pour «  s'assurer du bon fonctionnement de l’Assemblée nationale » dans son nouveau rôle de vice-président de l’Assemblée. Mais son attention se porte d’abord de l’autre côté de l’Atlantique. Elections américaines, amitié franco-canadienne, Francophonie ou encore identité numérique, Roland Lescure se confie : « Au fond, il faut que les Français qui vivent à l'étranger puissent être des Français comme les autres ». 

Roland LescureRoland Lescure
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 8 octobre 2024, mis à jour le 10 octobre 2024

En n’étant pas au gouvernement, je redécouvre une certaine liberté de parole mais également une liberté de vote

 

Que pensez-vous du nouveau gouvernement ? 

Je suis heureux tout d’abord que nous ayons un gouvernement, ce qui n’était pas gagné avec l’état de l’Assemblée nationale. Michel Barnier est un homme d'État de qualité et un négociateur européen. Il a pu nommer un gouvernement assez rapidement. J’avais dit dès le départ que je ne souhaitais pas en faire partie car l’équation politique derrière ce gouvernement ne me convenait pas. J’aurais préféré que nous réussissions à élargir davantage. La gauche ne l’a pas voulu, je le regrette. 

En n’étant pas au gouvernement, je redécouvre une certaine liberté de parole mais également une liberté de vote. Je soutiendrai ce gouvernement, mais je reste extrêmement vigilant. 

 

Roland Lescure
© Christophe Ortega

 

Comment voyez-vous votre rôle de vice-président de l’Assemblée nationale dans le contexte actuel ?

Le rôle de vice-président de l'Assemblée nationale est très important. Il a vocation à présider des séances, à participer à la gouvernance et à s'assurer du bon fonctionnement de l’Assemblée nationale. Cela signifie donc une Assemblée nationale qui travaille dans l’apaisement et dans la coopération. Cela me permettra de travailler avec tous ceux qui souhaitent contribuer positivement à la gouvernance de la France, qu’ils soient de la droite ou de la gauche raisonnables. 

J’ai déjà pu travailler avec ces élus de tous bords lorsque j’étais président de la commission des affaires économiques lors du mandat précédent. J’ai pu également démontrer en tant que ministre de l’Industrie que j’étais capable de travailler avec tous les membres de l’Arc républicain. Avec l’éclatement de l’Assemblée nationale en trois blocs, je pense qu’il s’agit d’une qualité indispensable. 

 

Le premier sujet essentiel est la dématérialisation des relations entre les Français de l'étranger et leurs administrations

 

En reprenant votre rôle de député, quels sont les sujets qui vous tiennent à cœur ?

Je veux d'abord m'assurer que les Français de l'étranger soient bien reconnus et respectés. Plus de 3 millions de Français expatriés font rayonner la France. Je suis extrêmement heureux que le Premier ministre, Michel Barnier, ait cité régulièrement dans ses discours les Français de l'étranger comme une force vive. Je suis un peu moins heureux que le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, oublie que l'immigration peut être une chance. Les 800.000 Français qui vivent en Amérique du Nord la vivent comme une chance. Je lui ai d’ailleurs dit dans une audition que les Français de l’étranger n’avaient pas bien vécu ses propos. 

D'un point de vue très concret, il y a des dossiers qui me sont chers et sur lesquels nous avons beaucoup progressé depuis sept ans. Le premier sujet essentiel est la dématérialisation des relations entre les Français de l'étranger et leurs administrations. Cela concerne évidemment en premier lieu le vote électronique. Aujourd’hui, 80% des Français de l’étranger votent électroniquement, ce qui est historique. Il faut préserver ce vote, s’assurer de la sécurité des systèmes et l’élargir aux scrutins européens. 

Il y a ensuite toutes les démarches liées aux papiers d’identité. Nous avons pu expérimenter le renouvellement dématérialisé des passeports au Canada et au Portugal depuis maintenant un an. C’est un succès mais il faut aujourd’hui étendre le dispositif à d’autres pays et continuer de le simplifier. J’en ai discuté avec la directrice de l'administration des Français de l'étranger, Pauline Carmona, qui m'a confirmé que le projet de l'identité numérique serait développé d'ici 2027. Cette identité numérique permettra de simplifier toutes les démarches comme le renouvellement des passeports, les procurations et bien entendu le scrutin électronique. Cela simplifiera aussi la vie des agents des consulats qui pourront se consacrer à d’autres fonctions. 

Depuis le 19 septembre, les certificats de vie sont également dématérialisés pour faciliter la vie des retraités à l’étranger. Il faut aujourd’hui continuer et accélérer toutes ces avancées. Au fond, il faut que les Français qui vivent à l'étranger puissent être des Français comme les autres et du fait de la distance la numérisation reste essentielle. 

 

Il ne faut pourtant pas se leurrer, « America First » reste un slogan bien présent

 

Les élections américaines auront lieu en novembre 2024. Quel est l’enjeu pour les relations franco-américaines ? 

De nombreux Français qui vivent aux États-Unis sont des binationaux. Ils votent et dans leur immense majorité plutôt pour le camp démocrate que républicain. Toutes les décisions du gouvernement américain les concernent évidemment. 

Quant aux relations bilatérales, la France et les Etats-Unis sont des alliés stratégiques sur des sujets extrêmement importants comme l'Ukraine, le Proche Orient ou les relations avec l'Union européenne. Il faut reconnaître que toutes ces relations même commerciales sont plus faciles avec un gouvernement et un président démocrates qu'avec des républicains, surtout s’il s’agit de Donald Trump. Il ne faut pourtant pas se leurrer, « America First » reste un slogan bien présent. L’enjeu est donc important pour nos entreprises. Nous restons dans une logique de compétition saine entre deux alliés historiques, et ce quel que soit le gouvernement. Les relations seront pourtant plus amicales et plus transparentes si nous travaillons avec un gouvernement démocrate. 

Nous avons pu le constater avec les visas dits entrepreneurs. Alors que Donald Trump avait réduit leur durée, l’administration française et mon suppléant Christopher Weissberg, avaient permis de revenir sous l’ère Biden à une durée des visas entrepreneurs de 48 mois. Cela change tout pour les entrepreneurs français qui veulent s’installer et peuvent enfin avoir de la visibilité. 

 

Roland Lescure avec Emmanuel Macron et Justin Trudeau
Roland Lescure avec Emmanuel Macron et Justin Trudeau

 

Vous revenez d’un voyage avec le président Emmanuel Macron au Canada. En quoi l’amitié franco-canadienne est-elle essentielle ? 

Vous parlez à un Français qui est aussi Canadien depuis une dizaine d'années. Le binational que je suis est très heureux que l'amitié franco-canadienne reste au sommet de la pile. Qu’est-ce que l'amitié franco-canadienne signifie ? De manière très concrète, cela veut dire que nous sommes très proches sur les sujets géopolitiques. Sur l’Ukraine, le Canada n'a pas mégoté son soutien et la France non plus. Sur la question du Proche-Orient, nous avons à la fois une approche extrêmement forte de soutien à Israël, qui a été l'objet d'une attaque immonde, et donc dans un soutien absolu à la capacité d'Israël à se défendre, mais aussi un soutien très fort aux populations civiles et la volonté d'avancer vers un cessez-le-feu qui s'accompagne évidemment de la libération des otages et la préservation des populations civiles. Elles sont des deux côtés de la frontière les premières victimes de ce qu’il se passe.

 

Le CETA a été une grande victoire pour l'amitié franco-canadienne mais aussi un grand bénéfice pour la France et pour son économie

 

Notre amitié avec le Canada trouve également écho dans nos relations commerciales. J’ai voté la ratification du CETA, qui est pour moi un bon accord, qui a bénéficié à nos producteurs de fromages, de vins et à des entreprises internationales françaises qui se sont exportées au Canada, comme Airbus ou Alstom. Le CETA a été une grande victoire pour l'amitié franco-canadienne mais aussi un grand bénéfice pour la France et pour son économie. J'espère que la responsabilité l'emportera et que nous irons vers la ratification finale de ce traité.

Nos relations culturelles avec le Canada sont également très bonnes. Le Canada et la France sont tous les deux des piliers majeurs de la francophonie mondiale. Des milliers d’étudiants français étudient au Canada. J’espère qu’encore plus d’étudiants canadiens choisiront également la France. Ces échanges créent des relations entre les jeunesses qui inscrivent cette amitié vers un avenir radieux. 

 

Roland Lescure
© Christophe Ortega

 

Alors que le Sommet de la Francophonie a eu lieu en France les 4 et 5 octobre 2024, en quoi la Francophonie peut aller au-delà d’un simple lien culturel ? 

La Francophonie est un poids culturel, historique mais aussi politique et économique. Les Etats-membres entretiennent des relations privilégiées et peuvent échanger grâce à cette langue mais aussi cette histoire commune. Sur de nombreux sujets, notamment géopolitiques, Nous avons une capacité d’entente très forte.

Je crois aussi beaucoup à la Francophonie économique et à la création de réseaux d’entrepreneurs francophones, pour faire face aux énormes enjeux technologiques. Nous devons développer une intelligence artificielle en français et encourager des entreprises technologiques francophones. Nous ne devons pas passer à côté.

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