Le Chelsea Hôtel : une légende vivante depuis plus d’un siècle

Construit entre 1883 et 1885, l'emblématique hôtel Chelsea, avec son architecture gothique victorienne sur 12 étages, ses balcons et ses rampes d'escaliers en fer forgé, situé au 222 West 23rd St., a traversé les décennies pour devenir un hôtel de luxe comptant 250 chambres. Malgré sa transformation, il abrite toujours une vingtaine de locataires à l'année, témoins d'une époque révolue.

Cette transformation, ainsi que les nombreuses personnalités qui ont séjourné en ses murs, en font une "légende vivante" digne d'être racontée.

Un architecte français à l'origine d’un concept nouveau de copropriétés à New York

L'Hôtel Chelsea a connu une évolution significative depuis plus d'un siècle. Comme le rappelle notre interlocutrice, Man-Laï : "Ce bâtiment a été construit à l'origine par l'architecte français Philippe Hubert, inspiré par une philosophie socialiste née en France en 1866. L'idée était de construire des immeubles pouvant accueillir plusieurs locataires, un concept alors inédit.”

Philippe Hubert, arrivé à New York en 1875, a collaboré avec des entrepreneurs pour ériger un bâtiment sur le terrain où se dresse aujourd'hui l'hôtel Chelsea. L'objectif était de créer des immeubles à appartements, au nombre de douze à l'époque, qui incarneraient une atmosphère de liberté propice à l'émergence d'une culture américaine.

Les coopératives de Philip Hubert rendaient le logement si abordable que les New-Yorkais se bousculaient pour obtenir un appartement dans l'un de ses immeubles. Cependant, en 1905, le modèle coopératif a échoué, et le bâtiment a été converti en hôtel. Il est rapidement devenu une résidence prisée des acteurs, écrivains, musiciens et artistes. La réputation du Chelsea en tant que haut lieu culturel s'est affirmée alors qu'il devenait le foyer de certaines des figures les plus influentes du 20e siècle.

Tout au long du 20e siècle, l'hôtel Chelsea est devenu synonyme de mode de vie bohème. Stanley Bard, longtemps directeur et copropriétaire de l'établissement, était renommé pour son approche excentrique et son accueil des acteurs, artistes et rock stars de l’époque. Lorsque certains locataires peinaient à payer leur loyer, il acceptait des œuvres d'art en guise de loyer, comme par exemple celle de Patti Smith. "Les œuvres ont été données par les artistes," nous confie Man-Laï, "c'est pourquoi nous pouvons encore les admirer aujourd'hui, accrochées dans les couloirs de l'hôtel." Parmi elles, des créations d'Andy Warhol, Alex Katz, Larry Rivers, Niki de Saint Phalle, et bien d’autres encore, la liste est longue.

À l'époque, vivre au Chelsea était une solution abordable pour résider à Manhattan, sans avoir à fournir les traditionnelles références bancaires. Mais aujourd'hui, après 11 années de restauration, l'hôtel a rouvert il y a deux ans en tant qu’établissement de luxe.

Vie bohème et artistes légendaires : Le Chelsea, lieu de rendez-vous

L’hôtel Chelsea dégage une atmosphère unique. "Cette attraction mystique est liée aux artistes qui ont séjourné ici ou simplement traversé ses couloirs," nous explique Man-Laï. Elle évoque quelques grands noms : l’écrivain William S. Burroughs, figure majeure de la Beat Generation, des peintres comme Arman et Alex Katz, ou encore des sculpteurs comme Christo et Jeanne-Claude. Le Chelsea a aussi accueilli des acteurs et des musiciens légendaires.

Le Chelsea à l’écran

Le Chelsea a également servi de décor à de nombreux films. On se souvient notamment de Léon, réalisé par Luc Besson, où Jean Reno et la jeune Natalie Portman, âgée de 12 ans à l’époque, tournaient des scènes emblématiques sur la rampe de l’escalier du 5e étage.

De nombreux autres films ont été tournés dans les lieux ou des photographies d’artistes célèbres ont été prises ici, comme celle de Madonna pour un de ses albums.

Les fantômes du Chelsea

L'hôtel est aussi célèbre pour ses mystères et légendes. Des liaisons amoureuses de célébrités aux histoires de présences fantomatiques, le Chelsea alimente de nombreux récits. La mort tragique de Nancy Spungen, petite amie du bassiste des Sex Pistols Sid Vicious, continue de hanter les esprits.

Parmi les résidents de l’hôtel, certains ont fait l’expérience du surnaturel, comme Michael Imperioli, célèbre pour son rôle dans Les Soprano, qui a vécu au Chelsea durant deux ans dans les années 80. Ancien musicien avant de devenir acteur, il a raconté ses propres rencontres avec des esprits.

Man-Laï évoque également "la momie” qui est placée à côté de sa cheminée, un fantôme bienveillant qu’elle décrit comme protectrice puisqu’il s’agit d’une charmante dame âgée, tres gentille. "Une amie à Paris, experte en paranormal, m’a confirmé que cet esprit veillait sur moi.”, dit-elle.

Un documentaire sur les fantômes du Chelsea

Fascinée l’histoire de l’hôtel Chelsea, Danny Garcia, en tant que réalisateur et Man-Laï, productrice associée, ont collaboré à la création d'un documentaire intitulé Ghost of the Chelsea (and Other Rock & Roll Stories). Bien que le film ne soit pas encore disponible en streaming, il a déjà été projeté dans plusieurs salles aux États-Unis et à l’international. Il a notamment été présenté cette semaine au Joe’s Pub/Public Theater de New York et a reçu le prix "JIFF’’ Award – ‘’Japan Indie Film Festival’’ Award à Tokyo. Le documentaire devrait être accessible au grand public d’ici la fin de l’année.