L’exposition de l’année à Rome : Caravaggio 2025 ou le “retour à la maison”

Projet le plus important et ambitieux de l’année, l’exposition sur Le Caravage accueillie par les Galeries Nationales d’Art Antique de Rome, en collaboration avec la Galleria Borghese et avec le soutien du ministère de la culture italien, est le fruit d’un précieux travail et de prêts privés et publics exceptionnels, notamment de la part des musées italiens et internationaux les plus prestigieux au monde, de Naples à Florence, en passant par Milan, Londres, Madrid, Dublin et plusieurs villes aux Etats-Unis. A la tête de ce projet grandiose, trois commissaires d’exposition : Francesca Cappelletti, Maria Cristina Terzaghi et Thomas Clement Salomon. D’une richesse singulière et unique, Caravaggio 2025 offre un panel de vingt-quatre chef-d’œuvres du maître italien, parmi lesquels des peintures redécouvertes ou exposées pour la première fois en Italie, des travaux issus de collections privées et rarement montrées au public, aux côtés de tableaux incontournables inscrits dans l’imaginaire collectif.

 

Pauline REGINA

 

Le Caravage à travers les siècles

Le titre de l’exposition, Caravaggio 2025, célèbre le talent d’un artiste profondément ancré dans son époque, dont l’œuvre bénéficie d’une force intemporelle rare. Si 2025 marque l’année de Jubilée, le chiffre symbolise aussi une vingtaine d’années de recherches historiques et artistiques sur l’artiste renaissant, né à Milan sous le nom de Michelangelo Merisi et aujourd’hui reconnu comme l’un des peintres les plus importants de l’histoire de l’art. Acteur d’une véritable révolution artistique et culturelle, Caravage peint les paysages artistiques, religieux et sociaux de son époque autant qu’il inspire les imaginaires collectifs jusqu’à nos jours. Le parcours d’exposition met à l’honneur l'itinéraire de vie du peintre, en situant les œuvres dans leur contexte historique et artistique. 

Dialogue finement orchestré, Caravaggio 2025 propose une rencontre unique entre des œuvres du Caravage exposées pour la première fois ensemble. Marquée par une forte émotion et une puissance symbolique, l’exposition est aussi l’occasion d’un “retour à la maison” de plusieurs œuvres dans la Città Eterna, ville dans laquelle elles ont été réalisées et à laquelle elles étaient destinées.

Naviguer sur les traces du Caravage

Le parcours se compose de quatre sections, à la croisée de considérations chronologiques et thématiques. Le voyage débute avec l’arrivée du Caravage à Rome en 1595, dans une section intitulée DEBUTTO ROMANO. Exploration des débuts difficiles du peintre lombard, formé à Milan et élève de Titien, cette section met en lumière l’influence de ses multiples mécènes sur l’œuvre de Caravage. Trois collaborations majeures sont mises en lumière : celle destinée à une fin brutale avec Giuseppe Cesari, dit Cavalier d’Arpino, pour lequel Caravage réalisa, entre autres, le très célèbre Petit Bacchus malade. La collaboration avec le prestigieux Cardinal del Monte, propriétaire des peintures Les Musiciens, La Diseuse de bonne aventure et Les Tricheurs. Mises côtes à côtes, ces trois œuvres rendent hommage au travail de jeunesse de l’artiste où l’emploi de la lumière tranche avec le violent clair-obscur de ses œuvres postérieures. Un tableau commandité par le banquier Ottavio Costa complète la section : L’Extase de Saint-François, première peinture religieuse du Caravage.

La deuxième section, INGAGLIARDIRE GLI OSCURI, met en lumière les rares exemples de portraits réalisés par l’artiste. La section est marquée par le retour à la maison de deux portraits de Maffeo Barberini, montrés en exclusivité au public, puisque issus de collections privées. Trois autres œuvres (Marthe et Marie-Madeleine, la célébrissime Judith et Holopherne, issue des collections permanente du Palazzo Barberini et Sainte-Catherine d’Alexandrie, tournant dans l’usage des tons sombres et du clair-obscur par le peintre), exposées pour la première fois ensemble, rendent hommage à la célèbre courtisane Fillide Melandroni, précieux modèle de Caravage qui, y-compris dans ses peintures religieuses, choisit à plusieurs reprises ses modèles dans les milieux sociaux humbles plutôt que parmi les élites.

 

Faite de fuites et d’errances, caractérisée par une dominance des thèmes sacrés, la troisième section s’intitule IL DRAMMA SACRO TRA ROMA E NAPOLI. Reflet d’un tournant dans l’œuvre du maître initiée en 1599, les peintures exposées ont toutes pour inspiration des thèmes sacrés, entre représentations christiques et portraits multiples de Saint Jean-Baptiste. Les tableaux choisis coïncident avec la fuite vers Malte du peintre, suite au meurtre d’un homme dans une partie de pallacorda, forme de tennis. Parmi les nombreux chef-d’œuvres, les visiteurs peuvent profiter de la présence exceptionnelle de l’Ecce Homo, redécouverte en Espagne en 2021 et de retour après des siècles en Italie.

Ultime section, FINALE DI PARTITA évoque le désir de retour à Rome, ville d’adoption de Caravage, et la fin tragique de celui-ci qui, après des errances multiples, de Maltes où il s’échappe de prison, à la Sicile, puis à Naples, meurt finalement à Porto Ercole, à l’âge de trente-neuf ans, avant d’avoir pu rejoindre la Ville Éternelle.

Point final au parcours tumultueux du peintre, l’exposition signe l’ultime retour du Caravage à Rome, dans un hommage bouleversant et grandiose au talent incontesté de celui qui s’imposa comme maître de la peinture renaissante italienne.