Bombardements de la Moneda, décès du Président Allende, arrestations massives et mise en place de la dictature militaire : à l'occasion du 45e anniversaire du coup d'état militaire, nous revenons, heure par heure, sur les évènements historiques du 11 septembre 1973, symbole de la chute de la démocratie au Chili.
1:00 : Le président Salvador Allende est informé que des troupes militaires arrivent au nord de Santiago. Après consultation du Commandant général des armées, on lui explique qu’il s’agit de renforts en vue d’éventuels troubles à l’ordre public, suite à la mise en examen de deux parlementaires.
04:30 - En pleine nuit, les forces du coup d’état lancent l’ “Opération Silence” qui vise à couper tous les moyens de communication qui relient le gouvernement à Valparaiso au profit de leur propre canal de retransmission via la radio Agricultura.
06:00 - À l’Ecole Militaire, le “Plan A” est enclenché, mettant en place l’état d’urgence face à de possibles débordements. Trente minutes plus tard, alors qu’une douzaine d’avions de combat sont prêts à décoller de la ville Concepcion, au sud de Santiago, une grande partie du haut commandement militaire commence à s’installer au Ministère de la Défense.
06:45 - Grâce à son directeur du renseignement Alfredo Joignant, Allende est informé du déploiement militaire en cours à Valparaíso. Orlando Letelier, qui serait destitué de son poste de ministre de la Défense, tente de communiquer avec les commandants en chef - Ricardo Montero, Augusto Pinochet et Gustavo Leigh. En vain. Il décide alors de partir et de rejoindre ses appartements.
07:20 - Accompagné de ses conseillers et de sa garde personnelle, Salvador Allende quitte son domicile, rue Tomás Moro, à Las Condes. Trente-cinq minutes plus tard, le président s'adresse à la Nation depuis La Moneda: "Nous devons attendre la réponse - j'espère qu’elle sera positive - des soldats du pays qui ont juré de défendre le régime établi". Pendant ce temps, Orlando Letelier - le ministre de la Défense - est fait prisonnier par les troupes dissidentes. Il est le premier parmi les hauts fonctionnaires du gouvernement.
08:00 - “Ceci n’est pas un coup d’Etat mais la restauration de l'Etat de droit, conforme aux aspirations de tous les Chiliens”, proclame l'amiral José Toribio Merino, qui venait de s’auto-proclamer commandant en chef de la Marine à peine 12h auparavant. Pendant ce temps, le général Cesar Benavides annonce à ses officiers qu’ils ont repris le contrôle du pays.
08h40 - Le lieutenant-colonel Roberto Guillard proclame pour la première fois le coup d'Etat, affirmant que face à la « crise sociale et morale que traverse le pays » et « l'incapacité du gouvernement à contrôler le chaos, » l'armée et les corps de carabiniers viennent rétablir l'ordre et les institutions. Il demande également au président de la République de quitter ses fonctions, menace les médias officiels et appelle le "peuple de Santiago" à rester chez lui "afin d’éviter des victimes innocentes".
08:50 - “Je ne le ferai pas” répond alors le Président Allende sur les ondes FM des Radios Magallanes et Corporacion, avant d’ajouter : "Je prends la décision irrévocable de continuer à défendre le Chili, son prestige, ses traditions, ses normes juridiques, sa Constitution. "
09:30 - À 120km de Santiago, la ville de San Antonio tombe aux mains de l’Armée. On propose alors au Président chilien de fuir le pays en avion avec sa famille mais ce dernier refuse. “Le Président ne se rend pas!” s’exclame-t-il. Par conséquent, les forces du coup d’état décident d’entamer leur progression en direction du Palais de la Moneda.
10:30 - Les “golpistes” posent un nouvel ultimatum : ils bombarderont la Moneda à 11h si le gouvernement ne se rend pas. Salvador Allende transmet alors un ultime message : “Tôt ou tard, se dégageront les grandes avenues par lesquelles est passé l’homme libre pour construire une société meilleure. Vive le Chili ! Vive le peuple ! Vive les travailleurs !” Après l’annonce d’une trève de 10 minutes, demandée par le Président lui-même, la Moneda est évacuée et la famille d'Allende quitte le Palais.
11:00 - Les troupes militaires créent une première ouverture dans le mur de l’édifice qu’ils attaquent frontalement.
11:52 - La Moneda est bombardée par l'aviation militaire et prend feu. L’offensive aérienne est doublée d’attaques par balles et lacrimogènes pendant près de 16 minutes. De l’autre côté de la ville, d’autres avions sont déployés pour pilonner le domicile du Président, rue Tomas Moro. Des affrontements éclatent également à l’Université Technique, dans des usines et certaines “poblaciones”, laissant derrière eux des dizaines de morts et des centaines de détenus.
12:20 - “Cette action vise à empêcher toute effusion de sang” déclare le lieutenant Guillard, notant également le refus d’Allende de se rendre. Pendant ce temps, l’artillerie et les armes lourdes détruisent le Palais.
13:00 - Trois proches conseillers d’Allende - Osvaldo Puccio, Fernando Flores y Daniel Vergara - sortent du Palais pour négocier leurs conditions de reddition : l’arrêt des bombardements, la formation d’un gouvernement composé de civils et le respect des acquis sociaux. Les trois hommes sont arrêtés, sans que leurs conditions ne soient respectées.
13:30 - Salvador Allende accepte de se rendre. Il dit au revoir à chacun de ses proches collaborateurs restés avec lui et remet l’Acte d’Indépendance à sa secrétaire personnelle, Miria Payita Contreras.
13:40 - “Allende ne se rend pas, merde !” crie le président avant de disparaitre une mitraillette à la main, un fusil AK-47 que lui avait offert Fidel Castro. Son corps sera retrouvé 20 minutes plus tard par le général Javier Palacios qui commanda l’assaut final.
14:35 - Un nouveau message radio est diffusé. Les forces du coup d’état annoncent qu’elles ont décidé de prendre le pouvoir, “avec l’évident du soutien de la grande majorité nationale”.
15:00 - Les pompiers pénètrent dans l’enceinte de la Moneda pour éteindre l’incendie et évacuer ceux qui sont désormais considérés comme prisonniers du nouveau régime. Le corps de Salvador Allende est transféré à l’Hôpital Militaire, afin d'établir la cause de son décès.
17:00 - Un groupe de dirigeants du parti politique Démocratie Chrétienne enregistre un message condamnant le coup d’état militaire. Il ne sera pourtant diffusé que deux jours plus tard. À l’inverse, certains militants de ce même parti soutiennent le nouveau régime. Les premières divisions se forment.
18:00 - Quant au président de la Cour Supreme chilienne, Enrique Urrutia Manzamo, il affirme son soutien total au coup d’état et “aux objectifs de ce nouveau gouvernement.” En 48 heures, tous les juges ratifient le premier décret-loi de la Junte Militaire.
19:00 - Les dirigeants de la nouvelle junte militaire tiennent leur première réunion, considérant que leur mission suprême est d’ “ assurer la pérennité des valeurs supérieurs et permanentes de la nation chilienne”.
20:00 - Les causes de la mort du désormais ex-Président Salvador Allende sont établies bien que l’autopsie ne soit publiée que 16 ans plus tard. Le compte-rendu explique que l’homme est mort d’une balle tirée à courte distance, suggérant qu’il aurait pu lui-même se l’infliger.
20:30 - À grands renforts de troupes et de bandes armées, près de 5 600 personnes, dont 600 personnes sont arrêtées ce jour-là. Le Stade du Chili et le Stade National sont alors transformés en vastes camps de prisonniers.
22:00 - Dix heures ont passé depuis le premier bombardement au-dessus de La Moneda. La résistance continue à l’Université Technique, où un groupe d’étudiants, de professeurs et d’employés sont encerclés par des militaires, soupçonnés de résister au nouveau régime. Quant au général Augusto Pinochet, il prête serment, officialisant sa position de chef de la junte militaire. Devant les caméras de la chaine de télévision Canal 13, il déclame alors les dispositions du fameux décret et instaure l’état de siège dans tous le pays.
Sources : Emol / Memoria Chilena