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Le Chili, détenteur de la plus grande diaspora palestinienne au monde

Les drapeaux chiliens et palestiniens flottant ensemble_0_0Les drapeaux chiliens et palestiniens flottant ensemble_0_0
Carlos Figueroa Rojas | Source : Wikimedia commons
Écrit par Édouard Maury
Publié le 14 juin 2021, mis à jour le 15 juin 2021

Les bombardements israéliens de la mi-mai sur la bande de Gaza ont témoigné, une nouvelle fois, de l’importance de la population palestinienne au Chili. Alors que des soutiens de la Palestine affluaient de toutes parts, la diaspora chilienne qui compte plus de 300 000 personnes s’est montrée particulièrement active.

Une place, une église, un carabinero (un policier NDLR) et un Palestinien. Voici un dicton chilien qui définit ce qui compose une commune au sein du territoire andin. Puisqu’au Chili, à 13 000 kilomètres de la bande de Gaza, environ une personne sur soixante-cinq est palestinienne. Les réactions face aux attaques d’Israël entre le 10 et le 20 mai dernier, ont ainsi été à la hauteur de ce que représente la communauté palestinienne ici. Un millier de Chiliens se sont réunis devant le siège du club de football Palestino, fondé par la diaspora palestinienne en 1920. De même, une flopée de véhicules se sont rassemblés sur l’Avenida Perú, à Viña del Mar, le 18 mai dernier pour demander justice après la mort de 248 personnes dans la bande de Gaza lors des assauts israéliens.

À la fin du XIX siècle, de nombreux Palestiniens quittèrent leur pays à la recherche d’une terre d’accueil plus sûre et plus prospère. Ce grand exode est dû à plusieurs facteurs : le déclin de l’empire ottoman auquel appartenait la Palestine, la crise économique, la répression des mouvements nationalistes et l’installation de Juifs en terre palestinienne avec la montée de l’antisémitisme en Europe. Plusieurs choix s’offraient alors aux Palestiniens. S’installer dans les pays voisins, aller vivre en Europe, ou partir à la découverte du nouveau monde. Et cette dernière proposition plu à nombre d’entre eux. L’Amérique était alors vu comme un territoire plein de promesses avec la ruée vers l’or au nord, et l’affirmation de nouveaux pays et donc d’un nouveau marché au sud. Les étrangers partaient y faire fortune notamment dans le commerce. Alors que les Européens s’installaient sur les côtes Atlantique, les Palestiniens poursuivirent leur chemin au-delà des Andes jusqu’au Chili.

La diaspora palestinienne au Chili la plus grande et la plus ancienne en dehors du Moyen-Orient

Entre 1885 et 1940, ce sont 8 000 à 10 000 personnes originaires de la région ottomane qui vinrent s’établir au sein du le territoire andin. Leur intégration se déroula sans embûche, la plupart étant des chrétiens provenant de Jérusalem, Béthléem et Beit Sahour. Diego Khamis, membre exécutif de la Comunidad Palestina en Chile, expliquait à lepetitjournal.com Santiago : "Les pays du Pacifique en général, ont été inondés de vagues d’immigration palestinienne. Mais au-delà du contexte néfaste en Palestine qui les a amenés à fuir, on ne connaît pas les réelles motivations de leur installation au Chili". Il existait néanmoins des réticences de Chiliens et il n’était pas rare d’entendre un Palestinien se faire qualifier de "turco". Une insulte pour ces ressortissants puisque les insulter de "turc" revenait non seulement à leur attribuer une nationalité qui ne leur correspondait pas, mais en plus à les identifier à leurs oppresseurs.
 

Diego Khamis tenant un maillot du FC Palestino, club dont il est le secrétaire général
Diego Khamis, membre exécutif de la Communauté palestinienne au Chili et secrétaire général du club de football Palestino.


Une deuxième vague post Seconde guerre mondiale
 

La population palestinienne au Chili explosa à la suite de la Seconde guerre mondiale. La désintégration de l’empire ottoman entre les deux guerres et la naissance de l’État d’Israël en 1948, amenèrent 750 000 Palestiniens à fuir leurs terres de naissance et à s’installer dans le monde entier. En particulier en Jordanie, en Europe, en Amérique du Sud, … dont au Chili. Diego Khamis explique que "ce qui a attiré les Palestiniens, c’était surtout le fait qu’ils connaissaient un parent, un voisin, un ami qui était venu s’installer au Chili quelques décennies auparavant". De même, le territoire andin était attractif puisqu’il était favorable à l’accueil de migrants pour renforcer son économie et l’aider à mieux contrôler son territoire inégalement peuplé. L’option chilienne était alors plus qu’intéressante pour fuir la répression israélo-britannique, et trouver la prospérité économique.

Les Palestiniens se sont investis principalement dans le textile et le commerce. Après l'ouverture retentissante de l'économie chilienne sous la dictature de Pinochet, dans les années 1980 et 1990, et face à l'intense concurrence chinoise, la plupart des fortunes palestiniennes se sont développées dans de nombreuses activités : financière, immobilière, agricole, viticole, alimentaire et médiatique. De nos jours, elles possèdent notamment le club de foot Deportivo Palestino, le journal La Tercera et le groupement d’entreprises CorpGroup.
 

 

Mais la réussite de ces nouveaux arrivants n’a pas été vu que d’un bon œil. Principalement de la part des hautes sphères chiliennes qui avaient une préférence pour les migrants européens. De plus, d’un point de vue strictement culturel, Ricardo Marzuca, chercheur au Centre d’Études Arabes du l’Université du Chili expliquait à la BBC : "Il y avait un rejet de certaines élites chiliennes. Il se disait que [les Palestiniens] ne contribueraient pas à la société, qu'ils étaient ambitieux, et qu’ils étaient sexuellement malsains". Aujourd’hui encore, il reste une image écornée de la part de certains chiliens qui jugent la diaspora palestinienne privilégiée d’un point de vue économique et indifférente du sort du Chili.
Tous les Chiliens connaissent au moins un Palestinien

L’image contemporaine de la diaspora palestinienne au Chili reste tout de même positive. Un grand porte étendard de la cause est le club du Deportivo Palestino qui joue les premiers rôles dans le championnat de football chilien. Tout en restant attaché à la liberté de son peuple et à la reconnaissance de l’État de Palestine, chose qu’a fait le gouvernement Piñera le 7 janvier 2011. Les Palestiniens se fondent même dans la masse : "Il y a un dicton qui se répète beaucoup au Chili, nous raconte Diego Khamis. Dans chaque province il y a une place, une église, un poste de police et un Palestinien. C’est dire l’importance de notre communauté ici !". L’intégration est totale. Si bien que la plupart des personnes d’origines palestinienne sont mariées à des Chiliens. Et c’est cette inclusion qui permet à chaque Chilien de s’identifier aux maux palestiniens. "Tous les chiliens ont au moins un palestinien dans leur entourage, déclare celui qui est aussi le secrétaire général du club Palestino. Leur réaction à la suite des bombardements d’Israël sur la bande de Gaza, il y a quelques semaines, fut magnifique. De l’empathie et de la solidarité pure".

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