Le 25 avril à Pékin s’ouvrait le second Forum BRI (Belt & Road Initiative), destiné à renforcer le prestige de la Chine dans le monde, et à faire le point sur six années des « nouvelles routes de la soie ».
Depuis 2013, Pékin signe des accords avec des dizaines de pays pour y ouvrir jusqu’à 1800 chantiers de routes canaux, lignes de chemin de fer, ports ou zones industrielles. Ses dépenses réelles sont évaluées à 15 milliards de dollars par an, mais le total des projets envisagés requerrait jusqu’à 1000 milliards de $. En plusieurs décennies, des millions d’emplois seraient créés entre Afrique, Asie du Sud-Est ou le sous-continent indien, tirant des centaines de millions d’habitants de la pauvreté.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres : les premiers projets réalisés souffrent de défauts inhérents à leur conception. Leurs tarifs sont plus élevés qu’ailleurs et peuvent s’avérer impossibles à rentabiliser – leur immense mérite, le financement chinois, se muant alors en cauchemar pour les pays « bénéficiaires ».
C’est ce qui est arrivé au Sri Lanka, victime du piège de la dette, avec son port-aéroport d’Hambantota, qui reste désert en pleine jungle sous le soleil. Faute de payer les traites, Colombo s’est vu déposséder de cet outil à 1,3 milliard de $, pour 99 ans.
Pour l’Institut MERICS, les BRI ne profitent qu’à la Chine, exportant sa main d’œuvre et ses outils sans partager le travail avec le pays hôte. De ce fait, au moins sept pays-clients ont dénoncé ou renégocié leurs projets. Signe clair des doutes qui s’élèvent, sur 125 pays signataires, seuls 37 chefs d’Etat participaient au second Forum – la France déléguait son ministre des Affaires étrangères J.Y le Drian.
Sentant le danger, le Président Xi Jinping a tenu un discours destiné à rectifier le cap. Loin d’annoncer davantage de fonds, il propose de mieux gérer les projets à l’avenir, avec la participation active des talents extérieurs – « les profits des BRI ne sont pas que pour la Chine ». Il promet de soutenir le yuan, sans chercher à dévaluer pour sauvegarder ses parts de marché au détriment des autres. Il promet de renforcer la lutte contre la contrefaçon, de réduire encore à l’avenir les tarifs douaniers et de lever les barrières non-tarifaires. Il s’engage à mieux contrôler les chantiers, afin de préserver l’environnement, voire les droits sociaux des travailleurs.
C’est donc une image nouvelle qui est propagée, et celle-ci est corroborée par la déclaration d’intention « BRI » qui sera signée le 29 avril avec le Président de la Confédération helvétique Uli Maurer. Les deux pays s’y engagent à respecter des normes internationales dans les domaines évoqués plus haut, à introduire de la certification, de la réassurance.
Le nouveau cap est aussi visible dans l’accord renégocié avec la Malaisie, pour une ligne TGV sur sa côte-Est, dont le prix a été raboté de 5,1 milliards de $ (-30%), à 10,7 milliards de $.
Si les promesses sont tenues, on fait donc face à un changement de gouvernance, mais ce n’est pas radical : il y manque encore l’idée de chantiers BRI conjointement réalisés par plusieurs nations, celle d’une attribution de projets par appel d’offres, ou même celle d’un organe multinational BRI. Or, la Chine n’est pas prête à renoncer au monopole décisionnel sur « son enfant ».
Mais l’avenir est vaste, et le temps travaille en faveur de l’ouverture. Le succès des projets BRI n’est toujours pas assuré, et la Chine reste fondamentalement pragmatique. Il faut croire qu’elle voudra, et pourra se donner les moyens de réussir, en apprenant à partager les compétences, les investissements et les profits.