Mais que fait donc la Banque de France à Singapour ?

Monsieur Latouche, rappelez-nous tout d’abord ce qu’est la Banque de France ?

C’est une vieille dame deux fois centenaire. Entreprise publique fondée en 1800 par Napoléon Bonaparte, c’est la banque centrale de la France. Contrairement à ce que d’aucuns pensent, elle n’a pas disparu avec la création de l’euro et de la Banque Centrale Européenne (BCE).

La Banque de France (BdF) assure aujourd’hui de nombreuses missions en matière de stratégie monétaire et de stabilité financière : elle participe à la définition et à la mise en œuvre de la politique monétaire en liaison avec la BCE et les autres banques centrales de la zone euro, elle imprime et met en circulation le billets de banque, elle gère les réserves de l’État français (près de 250 milliards d’euros), elle assure la solidité du secteur financier et la sécurité des systèmes de paiement, elle anticipe et prévient les risques du système financier. Par ailleurs, à la différence des autres banques centrales européennes, elle assure aussi des services à l’économie et à la société : gestion des dossiers de surendettement et du droit au compte pour les particuliers, cotation des entreprises non financières, sensibilisation du public à l’éducation financière, …

Cela est rendu possible notamment à travers son réseau dense de succursales (une par département) qui lui permet d’être en contact constant avec les acteurs du terrain.

Comment se fait-il que la Banque de France ait un bureau à Singapour ?

Le bureau de Singapour, ouvert en 2020, est le second bureau de la BdF à l’étranger après celui de New-York, ouvert en 2010. Mais, la BdF a aussi des agents détachés dans les services économiques des ambassades des principaux pays (New Delhi, Pékin, et Tokyo, pour ce qui concerne l’Asie).

Une des principales raisons de l’implantation de la BdF à Singapour est de pouvoir gérer en temps réel les réserves de la France en devises asiatiques, à partir d’une salle de marché locale.

Mais nous commercialisons aussi des services aux banques centrales de la région Asie-Pacifique en matière de fabrication de billets, de formation à travers l’IBFI (Institut Bancaire et Financier International), et de gestion des réserves de change et d’or (service spécifique à Singapour depuis sa salle de marché).

Nous avons une mission de représentation auprès des banques centrale de la région, que nous rencontrons très régulièrement, avec des échanges d’information et de la collaboration sur des projets communs : finance verte, implication des systèmes financiers dans la transition climatique, digitalisation des moyens de paiement, stabilité financière. Nous assurons également le secrétariat du NGFS (Network for Greening the Financial Systems), groupe de 140 banques centrales et de superviseurs des banques qui partagent leurs expériences et développent des actions pour pousser au « verdissement » du secteur financier vers une économie durable.

Enfin, nous suivons la situation économique et financière des pays de la région dans une optique structurelle, comme par exemple, la redistribution de la chaine des valeurs, ou l’influence des évolutions climatiques et démographiques.

Nous sommes un total de 13 personnes, dont 8 à la salle des marchés, 4 en représentation et commercial, dont moi-même, et une assistante administrative.

Quelles sont vos relations avec la MAS (Monetary Authority of Singapore), la banque centrale de ce pays ?

Notre collaboration avec la MAS est bien antérieure à l’ouverture du bureau de Singapour, notamment du fait des nombreuses initiatives innovantes du régulateur local. Parmi les sujets de collaboration, citons la monnaie numérique de banque centrale, le verdissement des systèmes financiers, l’intelligence artificielle, et la cybersécurité.

D’ailleurs, Ravi Menon, directeur de la MAS, était présent lors de l’inauguration de notre bureau aux côtés de François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la BdF.