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Denis Branthonne - La digitalisation de la construction

Denis Branthonne, Novade, SingapourDenis Branthonne, Novade, Singapour
Écrit par Laetitia Dubois Crochemore
Publié le 4 décembre 2018, mis à jour le 5 décembre 2018

Denis Branthonne, brillant ingénieur d’origine normande est le Chief Executive Officer (CEO) de la société Novade. Il applique des concepts nouveaux dans le domaine du bâtiment : l’automatisation et la digitalisation de la construction.

 

Pouvez-vous nous décrire rapidement votre parcours ?

Denis Branthonne : J’ai commencé mes études en intégrant l’École de l’Arsenal de Cherbourg en seconde. Mes parents étaient très heureux de ce choix car j’allais être vite formé à un métier. Non satisfait de cette voie toute tracée, j’ai poursuivi mes études, rejoint l’ENSTA Paris Tech, intégré le corps des ingénieurs de l’armement et terminé mon cursus  aux Etats-Unis, au Massachussetts Institute of Technology (MIT), où j’ai d’ailleurs rencontré ma future épouse, de nationalité Singapourienne.

 

Je rentre en France et débute ma carrière sur les sous-marins nucléaires français à Cherbourg. À l’époque, la France qui a dépensé beaucoup d’argent dans le nucléaire, se penche sur la réutilisation des technologies développées dans la défense. Je prends alors la responsabilité technique d’une nouvelle génération de sous-marins : le Scorpène. Le travail consiste à développer de nouvelles méthodes de design en 3D et de repenser la manière de construire, notamment en appliquant des méthodes de préfabrication. En 1996, un premier contrat est signé avec le Chili. Le premier d’une longue liste, une belle réussite industrielle française.

 

En 1999 Je me marie. Mon épouse étant étrangère, il est préférable que je quitte le monde de la défense : je repars à zéro et me lance alors, à Paris, dans le conseil en stratégie. Je travaille ensuite pour une start-up spécialisée dans le développement d’application de cartes mobiles. Cette expérience fut très intéressante mais non la plus concluante de ma carrière. Ma femme étant choisie pour un rôle important à Singapour, nous nous y installons. Au début des années 2000, le contexte est assez différent : chaque mois des usines ferment pour être délocalisées en Chine, de nombreux postes d’expatriés sont relocalisés. Après neuf mois de recherche, je décroche un poste de business developer dans la société américaine de logiciels Autodesk. J’y reste onze ans, gravissant les échelons pour finalement occuper le poste de vice-président Asie. Après avoir « survécu » 23 trimestres sous la pression du Nasdaq, je quitte Autodesk en 2013 pour créer ma propre société.

 

Pourquoi êtes-vous devenu entrepreneur ?

En 2013, ma situation professionnelle était florissante, je travaillais pour une « pépite de la Silicon Valley », leader mondial des logiciels de design et j’étais à un poste clé, en charge du business en Asie et dans tous les pays émergents. C’est dans ce rôle que j’ai acquis la conviction que, tôt ou tard, une mutation majeure s’opérerait dans le secteur de la construction, avec l’adoption notamment des nouvelles technologies mobiles sur les chantiers. À l’âge de 43 ans, j’ai quitté cette position pour tout redémarrer à zéro (encore) et devenir entrepreneur. J’ai pris un bureau dans un bâtiment industriel du centre de Singapour, recruté une petite équipe et commencé de manière très humble, le tout financé sur fonds propres. Avec le recul, il s’agissait d’une décision risquée : être manager de multinationale ne prépare pas vraiment à être entrepreneur. Il a fallu apprendre de nouvelles compétences, travailler avec peu de ressources. La première année, j’ai suivi le programme Leadership Excellence through Awareness and Practice (LEAP), dispensé par le professeur Jean-François Manzoni à l’INSEAD. Une expérience inoubliable qui m’a permis de prendre du recul. Le démarrage a été long mais après cinq ans, l’équipe et l’organisation sont solides : 50 collaborateurs, une présence dans 15 pays en Europe et en Asie, 200 clients grands comptes et 50 000 utilisateurs.

 

Quelle est l’activité de votre société ?

Novade accompagne la transformation numérique des sociétés dans le secteur de la construction et du bâtiment en fournissant une plateforme mobile qui permet de digitaliser les opérations de terrain. Concrètement, les processus tels que les contrôles qualités, les procédures de sécurité, les feuilles de temps ou les rapports de chantiers sont digitalisés et gérés à partir de mobiles (les employés ont chacun un téléphone mobile leur permettant de fournir ces informations). Nous travaillons sur des projets aussi divers que la construction de maisons individuelles, de condominiums ou de grands projets d’infrastructure  (tunnels, rails, autoroutes). Par exemple, pour la construction de tours résidentielles, nous aidons à automatiser la préfabrication, les différents éléments de celles-ci dans une structure abritée (conception et habillage des murs) et ensuite nous aidons à coordonner l’assemblage des différents éléments sur le terrain. L’automatisation des tâches permet d’améliorer la productivité, la qualité des finitions, la sécurité, le confort des travailleurs et respecte davantage l’environnement (production moindre de déchets). Par ailleurs, les millions de données collectées permettent aux sociétés de mieux comprendre leurs opérations et de repenser fondamentalement la manière de travailler.

 

Comment en avez-vous eu l’idée ?

La construction et le bâtiment sont des industries où les technologies digitales ont eu peu d’influence jusqu’ici. La dernière grande évolution dans ces secteurs a été l’introduction du design en 3 dimensions. Ayant vécu en début de carrière une mutation majeure dans le secteur de la défense, j’ai toujours été convaincu que le même phénomène se produirait dans la construction. La démocratisation des technologies mobiles est, à mon sens, l’élément déclencheur de cette mutation : dans la construction la majorité des opérations se déroulent à l’extérieur, la mobilité est clé.

 

Pourquoi l’automatisation des méthodes de construction est-elle importante ?

Selon l’ONU, Il y aura bientôt 2,5 milliards de personnes de plus à loger dans les villes d’ici 2050. L’inde, la Chine et le Nigeria sont les principaux pays concernés. Il va falloir faire face à une demande très forte de logements à bas coûts et de bonne qualité. Les besoins en termes d’infrastructure vont également continuer à croître rapidement, tout cela dans un monde où les budgets publics sont soumis à de fortes contraintes. L’amélioration de la productivité de la construction est donc cruciale pour les années à venir et de nombreuses études montrent que la digitalisation des opérations sur site est de très loin l’approche la plus prometteuse pour répondre à ce défi. Nous sommes au cœur d’une mutation majeure, c’est tout simplement passionnant !

 

Laetitia Crochemore
Publié le 4 décembre 2018, mis à jour le 5 décembre 2018

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