La French Tech à Singapour fait rimer innovation avec expatriation. Les quelque 6000 adhérents de l’écosystème tech français membres dans la Cité-Etat bénéficient d’un environnement propice à l’entreprenariat, dans la fintech mais pas que. Son président, Eric Barbier, CEO de Triple-A.io, ne peut que vanter le tissu économique singapourien : « Il faut exporter davantage vers l’Asie du Sud-est ».
Singapour a été la première juridiction à avoir un cadre légal pour attribuer des licences pour la crypto-monnaie
Comment êtes-vous arrivé à Singapour ?
Je suis arrivé à Singapour il y a 22 ans. J’avais déjà monté une première entreprise en France et j’ai eu l’opportunité de déménager à Singapour pour la développer en Asie. Après deux ventes d’entreprises, Triple-A.io est ma troisième société. Nous sommes une entreprise de fintech dans le paiement. Nous avons une licence de la Monetary Authority of Singapore et nous sommes également présents en France et aux Etats-Unis. Nous nous focalisons sur les paiements transfrontaliers en B2B. Nous travaillons en particulier avec des sociétés dans le e-commerce. Nous utilisons les nouvelles technologies autour des crypto-monnaies, des stables coins et de la blockchain en général pour rendre ces paiements plus rapides et moins chers.
Singapour a été la première juridiction à avoir un cadre légal pour attribuer des licences pour la crypto-monnaie. En l’obtenant en 2020, nous avons été l’une des premières sociétés à recevoir la licence. Aujourd'hui, seule une vingtaine de sociétés la possèdent, pour plus de 300 demandes. En guise de comparaison, la réglementation européenne n’est qu’en cours de mise en place.
Singapour est aujourd’hui capable de rivaliser avec Londres
Est-ce le cas en général pour la tech ?
Cela dépend des secteurs mais ça l’est pour la fintech. Singapour était déjà un hub financier mais le gouvernement a poursuivi une politique incitative au développement économique de la fintech afin d'en faire la capitale en Asie voire au-delà.. Singapour est aujourd’hui capable de rivaliser avec Londres. 70% des investissements dans la tech concernent la fintech.
Est-ce que la majorité des membres de la French Tech sont aussi dans la fintech ?
La French Tech ne fonctionne pas en abonnement mais par adhésion, aux dernières nouvelles nous sommes au nombre de six mille. Leurs profils sont assez variés. Beaucoup travaillent dans la fintech mais nous avons aussi des entreprises comme Sleek dans la corptech, dans la construction ou encore dans la biotech, un secteur prioritaire pour le gouvernement singapourien.
Il y a de nombreux Français à Singapour et parmi eux beaucoup d’entrepreneurs. Nous avons donc beaucoup d’entreprises qui sont fondées par des expatriés à Singapour. Nous avons également de très bons rapports avec les grandes multinationales françaises qui ont toutes une exposition à la tech. Elles jouent le jeu, nous aident et sponsorisent nos évènements. Par exemple, la mesure Je Choisis la French Tech a contribué au renforcement du tissu économique des grandes et très grandes entreprises avec les startups françaises par des engagements à les prioriser économiquement.
L’Asie n’est pas considérée à sa juste valeur
La dernière cohorte qui est plus petite et que nous aimerions développer, ce sont les start-ups françaises qui souhaitent s’installer à Singapour. Nous faisons souvent le constat que, vue de la France, l’Asie n’est pas considérée à sa juste valeur. Dès que je rencontre des entrepreneurs qui viennent de France, j’essaie de les convaincre de venir visiter et de se rendre sur un salon. Le marché est très intéressant et pourtant les entreprises françaises préfèrent l’Europe ou les Etats-Unis. Il faut exporter davantage vers l’Asie du Sud-est. Les mentalités doivent évoluer et constater qu’en dépit des différences culturelles la concurrence moindre est propice au développement économique.
Quelles sont les activités de la French Tech à Singapour ?
Nous organisons des évènements ouverts au public et non-exclusif à la communauté francophone. Tous nos événements sont en anglais, de même pour nos communications. Nous avons de bonnes relations avec les instituts gouvernementaux singapouriens : EDB pour les investissements ou encore IMDA pour la promotion de la tech. Nous essayons toujours d’avoir dans nos évènements une start-up de la French Tech, un grand groupe français et une entreprise locale. Nous voulons être inclusifs. Nous avons en général deux à trois évènements par mois : un événement de networking et après des évènements thématiques par chapitre (AI, fintech, Tech for good…).
Singapour reste limité en place et il y a donc des quotas de ressortissants étrangers
Est-ce que Singapour est très ouvert à l'entrepreneuriat ?
Il est à la fois extrêmement simple et rapide de monter sa société à Singapour. Cela se fait en 24 heures et le cadre légal favorise le développement entrepreneurial. Les commissaires aux comptes ne sont requis qu’à partir d’une certaine taille. Les processus administratifs sont dématérialisés et simplifiés. La signature en ligne est reconnue. Plusieurs crédits d’impôts sont également accessibles Tout est vraiment fait pour favoriser l’entreprenariat à Singapour.
Le seul obstacle reste la question des visas lorsque l’on veut embaucher des employés non-locaux. Plus votre employé est diplômé et est bien rémunéré, plus il est facile d’embaucher. De même, si vous avez déjà embauché des Singapouriens. Singapour reste limité en place et il y a donc des quotas de ressortissants étrangers. Les Français ont encore des quotas intéressants notamment pour le Work Holiday Pass pour les jeunes souhaitant faire un stage de six mois ou encore pour les VIE.
Quels sont les grands évènements de 2025 ?
Le Asia Startup Summit, organisé avec la Chambre de commerce, est le plus gros événement de networking entre les sociétés et les start-ups. Il y a aussi de très gros salons qui permettent d’appréhender l’écosystème singapourien. Le Singapore FinTech Festival, en novembre, est un très gros événement dans mon secteur. Je vous conseille vivement de vous y rendre. Singapour est le plus grand port du monde. La Maritime Week est donc aussi un salon à fort rayonnement. Beaucoup d'événements y sont organisés en marge.
Vous pouvez facilement créer des connexions via LinkedIn
Avez-vous un conseil pour les start-ups qui veulent s’installer à Singapour ?
Il est important de venir faire un voyage d’études d’une semaine, de préférence lors d’un salon dans votre secteur et de revenir quelques semaines plus tard pour un suivi. Tout le monde parle anglais et il est donc facile de se faire une idée par soi-même. Vous pouvez facilement créer des connexions via LinkedIn. Si vous avez besoin d’un accompagnement, vous pouvez utiliser les services de Business France qui sont opérés par la Chambre de commerce.
Il est important aussi de savoir qu’en Asie, il existe peu de cloisons entre la vie personnelle et professionnelle. Les interlocuteurs préfèrent donc utiliser WhatsApp ou WeChat (pour la Chine) plutôt que les e-mails.