Singapourienne depuis la 4ème génération, Natasha Latiff est une fervente défenseur des droits des femmes en Afghanistan depuis plus d’une dizaine d’années. Avocate de formation, elle s’emploie à former des juristes sur place et à y faire évoluer la condition des femmes en apportant son soutien lors de procès de défense des droits de l’Homme. Elle est la « Amal Clooney » de Singapour.
La rencontre avec l’Afghanistan
Natasha est née de parents Singapouriens aux diverses origines notamment pakistanaise et chinoise. Sa religion est le soufisme (un des courants de l’Islam).
Son premier contact avec l’Afghanistan a eu lieu en 2000 en lisant un article sur une jeune fille afghane du même âge qu’elle : 12 ans. Dans cet article cette « jeune fille étrangère à la liberté » décrit les efforts qu’elle a dû déployer avec ses camarades pour cacher leurs manuels scolaires dans des machines à coudre ou en les cachant sous des couvertures d’ouvrages coraniques. En effet, les Talibans sont au pouvoir depuis 1996 et imposent leur régime de restrictions fondé sur un respect strict et littéral de l'Islam, particulièrement rigoriste.
La lecture de cet article est pour elle une révélation, elle prend conscience des différences qu’il peut exister entre la vie d’une jeune adolescente à Singapour et la vie d’une jeune adolescente en Afghanistan. A la même période, Natasha voit la vidéo d’une femme vêtue d’une burqa se faire exécuter par un homme armé taliban devant des milliers de spectateurs dans un stade à Kaboul. Cette vidéo la choque et détermine sa volonté à aider les personnes opprimées par ce régime. En 2001, c’est l’invasion américaine. Un climat de guerre s’installe.
Dès l’âge de 15 ans, parallèlement à avoir obtenu une bourse pour continuer sa scolarité au Royaume-Uni dans un collège international, elle parraine une jeune fille en couvrant ses frais de subsistance pour 60 USD par mois (elle donne 30 USD et son oncle donne 30 USD). Elles correspondent et s’échangent de nombreux cadeaux et dessins. Elle la rencontre en 2005 à l’âge de 17 ans, elle reste deux semaines en Afghanistan.
Elle revient dans le pays ensuite en 2006, 2007, 2008 et 2009 et emménage à Kaboul en 2011. Elle rencontre son mari, un ancien réfugié afghan, devenu citoyen allemand. Il était revenu en Afghanistan après l’invasion américaine pour aider à reconstruire le pays et mettre en place des centres de soins dans les endroits les plus dangereux du pays. Il a mené des campagnes de sensibilisation pour le gouvernement afin de reconnecter celui-ci avec les citoyens. Elle l’épouse à l’âge de 23 ans. Ils vivent à Kaboul durant 4 années.
Une spécialisation dans les droits de l’homme : la création de SAHR et de Women For Justice Afghanistan
Dès l’âge de 16 ans elle commence à étudier le droit par elle-même. Après avoir obtenu l’équivalent du baccalauréat en Angleterre, elle continue l’étude de cette discipline à l’Université de Warwick (Bachelor of Law) et ensuite à l’université de Londres (Master of Law, School of Oriental and African Studies). Oui, c’est décidé, elle veut œuvrer dans la défense des droits de l’homme et plus précisément des femmes. La rencontre d’avocats, juges durant ses études sur les thèmes des droits des femmes et de leur défense va la conduire à faire de nombreux travaux de recherche avec des comparaisons entre différents pays. Ses travaux sont connus au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, à Singapour, en Afghanistan… Son travail à la Clinton Global Initiative University Conference aux États-Unis en 2008 a été reconnu par l'ancien président Bill Clinton. Par la suite, elle déménagera à Washington grâce à une bourse octroyée par l'ancien procureur général du Royaume-Uni et Lexis Nexis en récompense de la meilleure contribution individuelle bénévole parmi toutes les facultés de droit en 2010.
Elle se fixe dès lors deux missions :
- Représenter la défense des droits des femmes en Afghanistan mais aussi dans d’autres pays,
- Former les avocats, les femmes activistes dans le monde entier qui œuvrent pour la défense des droits des femmes.
Pour y parvenir, elle crée deux organisations :
- En 2008, elle fonde avec Sara Bergamaschi : Strategic Advocacy for Human Rights (SAHR), une organisation à but non lucratif qui aide les défenseurs des droits de l'Homme : des avocats courageux qui risquent tout pour défendre la dignité des personnes. L’association leur fournit des fonds, un mentorat juridique et une formation pour les aider dans leurs procès devant la justice.Il reste difficile pour les femmes et les jeunes filles en Afghanistan d’accéder aux études.« Les femmes juges et avocates sont encore trop peu nombreuses en Afghanistan et dans les pays où les droits des femmes sont en souffrance » indique Natasha.
- En octobre 2018, elle fonde avec Humaira Rasuli : Women For Justice Afghanistan, le premier cabinet d’avocats à but non lucratif d’intérêt public en Afghanistan. Natasha y traite en justice des cas les plus graves de violations des droits de l'Homme en Afghanistan, en tenant des accusés puissants responsables de leurs crimes. « Le travail que je fais ici est extrêmement dangereux. En même temps, nous poussons le système de justice à être plus réactif » dit-elle.
En 2016 entre la création de ces deux organismes, elle valide son diplôme d’avocate à Singapour et est admise à plaider à Singapour.
Ses combats, ses réussites
Au cours des 10 dernières années, Natasha a travaillé et dirigé des équipes d’avocats locaux pour défendre des victimes de viols et d’abus sexuels. Elle a travaillé en partenariat avec d’autres ONG pour par exemple produire un manuel de sensibilisation à la violence à l’égard des femmes, pour réduire le nombre de mariages de femmes mineures. Elle a enseigné l’anglais, distribué de la nourriture, des vêtements, des cartables, des stylos, des couches, des serviettes hygiéniques… aux réfugiés et leurs enfants. En effet, l’Afghanistan constituait en 2009 la deuxième population au monde comptant le plus de réfugiés.
Natasha ne se laisse pas décourager par les défis auxquels elle est confrontée. Elle n’abandonne jamais jusqu’à ce que justice soit rendue. C’est une avocate de terrain, débrouillarde qui s’invite souvent dans les bureaux des gouvernements pour faire avancer les choses.
Elle a obtenu de nombreuses compensations pour des survivantes de violences et a collecté de nombreux fonds pour soutenir des organisations œuvrant pour l’accès des femmes à la justice, la formation au droit et à l’éducation des filles.
Elle a œuvré dans le changement du droit pénal, du droit de la famille, pour la prohibition de la virginité et pour la lutte de l'élimination de la violence contre le droit.
« Nos droits sont l’essence de nous-mêmes. Nous sommes nés avec cela. Mais nos droits sont enfouis sous le poids de la Loi, complexe, abstraite et souvent inaccessible. Ainsi, c’est lorsque l’on peut avoir accès à celle-ci que l’on peut mener une vie de vraie dignité » indique Natasha.
Ses hobbies
Natasha est une fervente lectrice d’ouvrages sur les droits des femmes et leur défense, de rapports sur les droits de l’homme. Par ailleurs, elle aime beaucoup voyager Elle apprécie les endroits avec des cascades d’eau. Elle affectionne par ailleurs, s’occuper de ses chiens et jouer avec eux.
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