Radikal, le premier roman d’Olivier Castaignède qui vit à Singapour depuis 17 ans, vient de paraitre aux éditions GOPE. Radikal est à la fois, le titre du roman et celui de son personnage principal: un DJ de Jakarta qui oscille entre mal-être, drogues, et musique électronique, entre modernité et tradition.Ecrit au moment des attentats qui ont ensanglanté Paris, ce 1er roman s’inscrit pleinement dans l’actualité et nos questionnements sur cette jeunesse, pas forcément marginalisée mais assurément fragile qui glisse vers l’horreur.
Olivier aborde sa nouvelle vie d’auteur avec frénésie et enthousiasme et alors qu’il met la dernière main à son second roman, il a accepté de décrypter avec nous le parcours d’un manuscrit, de l’écriture à sa sortie en librairie. Rencontre avec un auteur qui oscille entre passion et méthode et qui a osé, un jour, suivre son rêve.
www.lepetitjournal.com/singapour : Pouvez-vous résumer votre parcours jusqu’à Singapour ?
Olivier Castaignède : Avant de sauter le pas et de me lancer dans l’écriture, j’ai eu une « première vie » professionnelle. Je suis ingénieur de formation, diplômé de l’X et de télécoms Paris. J’ai commencé ma carrière au Ministère de la Recherche à Paris. Mais j’avais envie d’aventure, de partir à l’étranger. J’étais fasciné à l’époque par l’Amérique Latine, et je devais prendre un poste à Rio - j’ai même appris le Portugais. Et puis, finalement, ma destination a été Singapour …
Je suis donc arrivé ici en 2000, comme conseiller commercial en Ambassade où je suis resté 4 ans. En 2002, j’ai rencontré ma future femme, singapourienne et j’ai décidé de prolonger mon séjour.; En 2005, après un MBA à l’INSEAD, j’ai basculé dans le secteur privé. Pendant 10 ans j’ai travaillé dans le domaine de la carte à puces dans trois sociétés différentes, exerçant des fonctions aussi diverses que la stratégie, le business planning ou les ventes.
A quel moment avez-vous eu l’envie de vous consacrer à l’écriture d’un roman ?
En fait, l’écriture et la littérature ont toujours fait partie de ma vie. J’avais même écrit un « roman » à 9 ans, inspiré par les livres de la Bibliothèque verte. Mon premier grand choc littéraire fut vraiment le Désert des tartares de Dino Buzzati en classe de 4ème. J’ai ensuite tout dévoré de cet auteur et j’ai même appris l’italien pour me rapprocher plus encore du texte. En 1991, j’ai eu un prix au concours général de composition française et à 18 ans, j’ai commencé à écrire de la fiction mais le résultat ne me plaisait pas du tout. J’en ai conclus que j’aimais la littérature mais que je n’arriverais jamais à écrire et j’ai continué mes études scientifiques.
Je crois qu’il y a un mythe en France, qui n’existe pas dans la culture anglo-saxonne : celui du "génie littéraire"
Comment arrive t-on à surmonter son appréhension de l’écriture pour enfin se lancer et achever son 1er roman plusieurs années après ?
Je n’ai rien écrit pendant 20 ans. Et puis début 2015, je suis tombé sur des livres en anglais pour apprendre à écrire un roman – notamment un ouvrage didactique du romancier américain, Lawrence Bloch Writing the Novel, from Plot to Print. Et cela a été le déclic pour me relancer. Je crois qu’il y a un mythe en France, qui n’existe pas dans la culture anglo-saxonne : celui du « génie littéraire ». Probablement parce que cela fait rêver. Finalement, croire au génie, c’est un peu comme croire en Dieu... Ce que m’ont montré ces méthodes, c’est que pour écrire un roman, il y a d’abord une intrigue à mettre en place, des personnages à construire et qu’il est contreproductif de se focaliser au départ sur le style, comme le font la plupart des auteurs en herbe. Si vous écrivez votre 1er chapitre en n’ayant qu’une vague idée de la suite, automatiquement en progressant, vous allez revenir en arrière et devoir réécrire. En général, les auteurs débutants peaufinent leurs dix premières pages jusqu’à les rendre parfaites et quand ils réalisent, en s’attaquant au deuxième chapitre, qu’il va falloir tout reprendre à zéro, ils se découragent. Et c’est aussi ce que je faisais. En fait pour écrire un roman, il faut écrire un premier jet sans trop fignoler le style et ensuite retravailler son intrigue et ses personnages. En plus si on perfectionne trop son écriture dans les premiers jets, on aura tendance à vouloir garder des passages « bien écrits » mais qui ne sont plus dans la logique d’un personnage. Alors que sans intrigue cohérente, sans fil narratif fort, quelle que soit la beauté du style de l’auteur, la plupart des lecteurs s’arrêtent de lire au bout de quelques pages. Enfin, les éditeurs n’ont plus le temps de retravailler une histoire mal ficelée, surtout lorsqu’elle leur vient d’un auteur inconnu.
On m’a parfois fait l’objection que Maupassant ou Balzac, ont appris à écrire tout seuls, sans avoir accès à toutes ces méthodes contemporaines qui enseignent la fiction ses tours de magie Mais c’est faux car à l’époque, il y avait des salons ou des clubs littéraires et un jeune auteur était suivi par un écrivain plus expérimenté, un mentor qui lui transmettait son savoir et lui prodiguait des conseils.
Le mal n’est pas monolithique. Il n’est pas le fait de «monstres» mais de gens terriblement humains et c’est cette humanité que Radikal tente de retranscrire au travers du destin tragique de Hendro
Au delà de cette méthode d’écriture, comment est venue l’idée du roman assez sombre de Radikal ?
M’étant moi-même converti à l’islam en épousant ma femme en 2005, je ne cesse de m’interroger depuis des années sur les origines du terrorisme islamiste : comment la religion en vient-elle à devenir le véhicule de la haine sans en être l’origine ? Je me suis notamment intéressé au concept d’islamisation de la radicalité de l’universitaire français Olivier Roy, spécialiste de l’islam. L’idée du roman m’est venue en janvier 2015 en lisant un article – que je ne retrouve plus ! – sur l’immolation d’un militaire jordanien par les soldats de DAESH : l’un des bourreaux était, semble-t-il, d’origine indonésienne. Ayant toujours été fasciné par l’Indonésie et la formidable hospitalité de ses habitants, je me suis demandé comment ce jeune homme avait pu en arriver à une telle barbarie. J’ai imaginé le parcours, complètement fictif, d’un jeune de Jakarta et ses dérives radicales.
Le roman, territoire où selon Milan Kundera, « le jugement moral est suspendu » est, à mon sens, un lieu privilégié pour comprendre comment la trajectoire individuelle vient nourrir le processus de radicalisation. Le mal n’est pas monolithique. Il n’est pas le fait de « monstres » mais de gens terriblement humains et c’est cette humanité que Radikal tente de retranscrire au travers du destin tragique de Hendro. En filigrane, j’ai aussi voulu montrer comment la révolte de la jeunesse pouvait être instrumentalisée par des organisations terroristes qui répondent à ce besoin de violence.
Comment avez-vous réussi à vous faire éditer avec un tel sujet pour un premier roman ?
Cela a été le parcours du combattant … J’ai essuyé une quinzaine de refus avant et puis finalement, les éditions GOPE, maison d’édition indépendante qui a vocation à faire découvrir l’Asie du Sud-est par le livre, ont été enthousiasmées par mon texte. De fait la ville de Jakarta est au cœur de Radikal. C’est l’une des villes les plus folles que j’ai connu. Une ville attachante, mystérieuse, troublante, qui peut aller très loin dans l’excès. Au delà du thème des origines de la radicalité, du jihad, ce livre s’adresse donc également aux personnes qui s’intéressent à l’Indonésie contemporaine.
Pour rencontrer Olivier Castaignède et échanger autour de son roman Radikal, éditions Gope, 2017 : rendez-vous à la soirée littéraire « Autour d’un vin » organisée par la libraire Akaroa le Samedi 28 Octobre de 17h- à 19h le au Bar-Restaurant Napoléon, 206 Telok Ayer Street, (S) 068641
Pour vous procurer le livre à Singapour: Libraire Akaora