L’éventualité du décès d’un être cher n’est pas un sujet sur lequel on souhaite généralement s’appesantir. Pourtant, pour les familles expatriées, en l’absence de planification, pourraient s’ajouter au choc émotionnel au jour du décès un choc juridique et administratif, radical.
En effet, le règlement d’une succession à l’international peut s’avérer complexe, chronophage et désorientant : problèmes de reconnaissance d’un testament ou d’une donation au dernier vivant, absence de protection du conjoint survivant ou des enfants, remise en question de dispositions prises dans un pays ou l’autre, etc.
Voilà pourquoi il est crucial lorsque l’on est français à Singapour d’établir un audit de sa situation et de mettre en place les outils nécessaires pour une succession future sereine.
1 - Les mots d’ordre : planifier et coordonner
Pour planifier votre succession future, vous devrez requérir le conseil de professionnels qualifiés en droit international dans chacun de vos pays d’attache (par exemple, un notaire en France, un avocat à Singapour), et exiger qu’ils coordonnent leurs actions.
Un premier audit avec ces professionnels devrait vous permettre de déterminer :
- La situation dans laquelle se retrouveront vos proches : qui s’occupera des enfants mineurs, où vivra la famille, avec quel revenu ?
- La répartition de votre patrimoine : qui sera héritier, dans quelle proportion ?
- La fiscalité applicable selon les règles en vigueur : sera-ce taxé, à quel taux ?
- Les démarches à entreprendre dans chaque pays au moment du décès.
Partant de cet audit, vous aurez toutes les clés en main pour ajuster la protection de vos proches et la répartition de votre patrimoine par le biais de différents outils juridiques, dont le testament.
La mise en place de votre testament par des professionnels du droit en coordination entre la France et Singapour vous permettra de valider le respect de vos dernières volontés, tout en optimisant les démarches administratives et la fiscalité successorale.
2 - Quelques exemples de mauvaises surprises que peuvent être évitées :
Des frais d’avocats et de traduction supplémentaires pour la succession en France
Francine et Stéphane sont français et ils résident à Singapour.
Leur succession en France sera soumise au droit singapourien !
Cela nécessitera notamment la rédaction par un avocat singapourien d’une consultation juridique et de sa traduction en français.
--> Ces lourds frais de procédure auraient pu être évités par la désignation de la loi français comme applicable à la succession par simple testament.
Des cautions à trouver pour pouvoir hériter
Éric a rédigé son testament sous forme manuscrite (olographe) en France.
Malheureusement, ce testament ne sera pas reconnu à Singapour car il ne remplit pas les conditions de formes exigées par la loi singapourienne.
Par ailleurs, afin de gérer le patrimoine transmis à ses enfants mineurs et en l’absence de testament valide, son épouse devra présenter au juge deux cautions, chacune d’elles devant détenir un patrimoine au moins égal au montant à garantir.
--> La rédaction d’un testament en coordination avec un avocat à Singapour aurait solutionné ces difficultés.
Vos dernières volontés invalidées
Imane et Abel ont fait leur testament à Singapour. Ils y indiquent que le conjoint survivant hérite de la totalité du patrimoine, à l’exclusion des enfants.
Il y a des risques que ce testament soit remis en cause en France, comme ne respectant pas la réserve héréditaire.
--> Des dispositions permettant la protection du conjoint survivant tout en respectant la réserve héréditaire auraient pu être mises en place en coordination avec un notaire français.
Votre conjoint écarté de l’héritage
Quentin et Aymeric sont mariés en France. Aymeric décède.
Quentin ne sera pas reconnu comme le conjoint survivant à Singapour et ne pourra pas hériter là-bas, car le mariage homosexuel n’y est à ce jour pas reconnu. Il en va de même pour un partenaire de PACS.
--> Quentin aurait pu être nommé héritier par testament.
Vos enfants laissés sans protection
Selma et Jean décèdent simultanément dans un accident de voiture.
Leurs enfants mineurs à Singapour risquent d’être placés auprès des services sociaux de l’Etat jusqu’à la désignation d’un tuteur par le juge.
--> La désignation d’un tuteur peut être faite par simple testament et des tuteurs transitionnels (amis à Singapour) peuvent être désignés en attendant son arrivée sur le territoire.
Votre conjoint laissé sans moyen de survie
Cédric et Annelise vivent à Singapour depuis plus de 10 ans. Annelise décède d’un accident. Elle travaillait et assurait la subsistance de la famille pendant que Cédric après avoir consacré du temps à leurs enfants avait lancé son entreprise, trop récemment pour avoir un salaire qui lui permette de survivre à Singapour et notamment de payer loyer et écoles pour les enfants. Les comptes d’Annelise et le compte commun du couple sont gelés après le décès en attendant l’ouverture de la succession, la famille, outre le deuil doit faire face à des difficultés financières. De plus, la succession ouverte en France suivant un testament établi avant l’expatriation, ne donne pas accès aux comptes singapouriens sur lesquels sont pourtant déposés l’essentiel des actifs et économies de la famille.
--> Ces difficultés auraient pu être évitées par l’établissement d’un testament à Singapour et la collaboration avec un banquier pour la mise en place d’une réserve.
3 – Et la fiscalité ?
Si elle ne doit jamais être l’argument principal d’une planification successorale, la fiscalité demeure un point important de réflexion. La surprise peut être de taille, mais, même si votre succession est réglée à Singapour, elle pourrait tout à fait être taxable en France !
Pour ne pas avoir à se séparer du patrimoine reçu en héritage pour payer le montant des droits de succession, il faudra vous intéresser au régime fiscal de la succession et aux aménagements possibles pour l’alléger (donation, contrat d’assurance vie, legs démembrés, etc.).
Tous ces points peuvent paraître accablants, mais ils représentent une base pour votre réflexion sur l’importance de planifier sa succession en amont lorsque l’on est dans une situation internationale. Alors, on s’en occupe ?
Article rédigé par :
Elodie Letouche, coordinatrice pour les affaires notariales
Sabrine Cazorla Reverre, avocate en droit de la famille