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Histoire de la Fête de la Saint-Jean et des Hogueras

Un feu de bois Un feu de bois
Illes Sant Jordi, Creative Commons, CC BY-SA 4.0
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 23 juin 2020, mis à jour le 11 octobre 2023

Dans de nombreux pays, la Saint-Jean est une tradition bien vivace qui célèbre l’arrivée de l’été. En Espagne, c’est une fête incontournable où se dressent, dans la nuit du 24 juin, des feux de joie géants. L’actualité récente a quelque peu chamboulé le calendrier et ne nous permet pas, cette année, de fêter la Saint-Jean ni les Hogueras comme il se doit. Pour nous consoler, revenons sur les origines et l'histoire de ces cout umes surprenantes. 

Il nous faut remonter à des temps immémoriaux pour trouver les racines de ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Fête de la Saint-Jean. Revenir au temps où les hommes voyaient dans les éléments et les astres une boussole pour la conduite de leurs actions, communiaient avec les cycles saisonniers de la nature et veillaient sur leurs récoltes. Invariablement, on retrouve une trace, un signe de ce paganisme primitif, chez les peuples qui nous ont précédés. Tous, célébraient le passage au solstice d’été par un rite et une fête.

Ainsi des Syriens et des Phéniciens honorant le dieu de l’abondance - Dumuzi -, qui le solstice d’été venu, disparaissait jusqu’au cycle agricole suivant. Les Egyptiens, eux, faisaient commencer leur année au moment de la Crue du Nil, c'est-à-dire à l'arrivée de l'été et au lever héliaque de Sirius.

 

La fête de la lumière

Le moment du solstice d’été - jour le plus long de l’année qui a lieu le 20 juin - marque le point culminant du soleil, son zénith. C’est donc bien d'une fête de la lumière qu'il s'agit. Inversement, la durée des jours commence à décliner à partir du 23 juin pour aboutir au solstice d’hiver, jour le plus court de l'année.

 

La fête des moissons

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Fête du solstice d'été en Russie / Лобачев Владимир, Creative Commons, CC BY-SA 3.0

 

L’été, c’est aussi le temps des moissons et des récoltes. C’est le moment où l’on départ le bon grain de l’ivraie et, allégoriquement, où l’on célèbre ce qui a été accompli, où l’on brûle ce qui n’est plus. La graine semée doit porter ses fruits. 

Le rite païen consistait à allumer un immense feu de joie à la tombée de la nuit, symbolisant la victoire de la lumière sur les ténèbres et la purification. D’ailleurs, dans les premières traditions slaves, ce rite s’accompagnait de baignades nocturnes et d’actes d’amour charnel. On retrouve des pratiques semblables chez les gitans d’Espagne. C’est de ce substrat originel que vient la Nuit de la Saint-Jean

 

La fête de Jean Baptiste

Ces feux du solstice d’été, comme beaucoup d’autres fêtes païennes, se sont christianisés sous l’impulsion de l’Eglise catholique à l’ère médiévale. 

Ils célèbrent depuis lors la Nativité de Jean Baptiste, cousin de Jésus qui baptisait (d’où son nom) sur les rives du Jourdain en professant la venue du Royaume de Dieu. Les feux de joie ne renvoient plus au soleil mais aux réjouissances de Zacharie, le père de Jean Baptiste qui, après la naissance de son fils, aurait allumé un grand feu pour avertir sa famille, ses amis et ses voisins.

 

Une fête médiévale populaire

Au Moyen âge, jusqu’en 1648, le roi de France officie et allume lui-même le feu de la Saint-Jean sur la place de Grève à Paris. Louis XIV mettra fin à cette tradition sous la Fronde et sera ainsi le dernier roi à l’avoir fait.

 

La Fête nationale du Québec

Cette tradition du feu de la Saint-Jean s’exportera plus tard en Amérique et l’on verra aussi des feux de joie s’allumer sur les berges du Saint-Laurent, au Québec. En 1834, la Saint Jean s’impose comme la fête nationale des Canadiens français. Et c’est en 1977, sortie de son contexte religieux, qu’elle devient la Fête nationale du peuple québécois, jour férié et chômé pour l’ensemble de la population.  

De nos jours, les feux de la Saint-Jean constituent une fête encore bien vivace dans nombre de pays. On se réunit à la chaleur d’un feu, on chante, on danse, on veille jusqu’à l’aube. Dans les villages, la tradition veut que les jeunes sautent par-dessus les braises comme pour marquer un rite de passage à l’âge adulte. 

 

La Saint-Jean en Espagne

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Illustration : Serge Helholc

 

En Espagne, elle prend le symbole du triomphe des forces du Bien sur le Mal. 

En Galice, pour la Saint-Jean, qui s’écrit alors San Xoán, on cueille des herbes et des fleurs aux propriétés réputées magiques que l’on laisse tremper toute la nuit pour ensuite se laver le visage avec. Ce bouquet de la Saint-Jean, que l’on laisse sécher, sert d’amulette contre le mauvais sort et s’accroche derrière les portes des maisons. En Catalogne, on entreprend l’ascension du Pic du Canigou avec un fagot de sarments afin d’y ramener la flamme et de la répandre à travers le pays catalan. 

Plus largement, cette fête est célébrée sur toute la côte valencienne. Des milliers de personnes affluent vers les plages et allument des feux de joie sur le sable.

Certaines pratiques “purgatives” perdurent. Pour beaucoup de personnes, il est par exemple de coutume d’écrire leurs malheurs et causes d’affliction sur des papiers qui sont amenés à être brûlés dans des feux de joie. On saute alors par-dessus les braises et on plonge ses pieds dans les eaux de la mer Méditerranée.

 

Les Hogueras d’Alicante

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Photo : Neil Vega Murrieta, Flickr, CC BY-SA 2.0 

 

Les feux de joie ont lieu à Alicante durant la Nit de Sant Joan, le 24 juin, pour clore ce qu’on appelle les “Hogueras”, fêtes du 20 au 24 juin à Alicante, décrétées d'intérêt touristique international.

Pourtant, au XIXème siècle, la mairie d’Alicante ne les voyait pas d’un bon oeil et les autorités locales avaient décidé de les interdire devant la menace de trouble à l'ordre public qu’elles présentaient. De sévères amendes attendaient les récalcitrants qui ne se plieraient pas aux injonctions municipales. 

Après des décennies de répression, en 1881, le conseil municipal oublie de publier l'interdiction, et les habitants en profitent pour se rassembler comme un seul homme dans les rues de la ville. Ils s’adonnent alors à toutes sortes de jeux populaires, s’entourent de musiciens, dansent et, pris d’une euphorie collective, brûlent les premiers "ninots", figurines rudimentaires représentant des personnes qui s’attirent les foudres de la vindicte populaire. Les interdictions continuent cependant de tomber les années suivantes.

En 1928, après plus d’un siècle de persécution officielle, apparaît un certain José María Py. Ce Gaditan d’origine, après avoir vécu à Valence, s’installe à Alicante où il souhaite institutionnaliser la fête de las Hogueras au même titre que les Fallas valenciennes. Il argue du fait que les Fallas sont parfaitement entrées dans les moeurs à Valence, qu’elles sont un patrimoine populaire et que, dans ces conditions, il est injuste de maintenir l’interdiction des feux de joie à Alicante. En outre, il fait remarquer à la mairie d’Alicante qu’à l’instar des Fallas valenciennes, les Hogueras peuvent attirer les touristes et constituent potentiellement une belle manne financière pour la ville. La mairie se range finalement à l’avis de José Maria Py et autorise les Hogueras la même année.

Dès lors, depuis la première édition "officielle" de 1928, le succès a été massif et la fête a génère, à chaque édition, des entrées d’argent considérables. Hélas, en raison de la pandémie de COVID-19, la municipalité a dû suspendre ses Hogueras et la Nit de Sant Joan cette année. Gageons que ce n’est que partie remise.

 

Tous nos remerciements à l'artiste Serge Helholc pour ses superbes illustrations ! 

 

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