Il y a soixante-dix ans étaient découvertes des archives parmi les plus importantes de l'héritage de la Shoah, enterrées au sous-sol d'une école à Varsovie. Elles s'apprêtent à être rendues publiques en novembre 2017, à travers une exposition permanente, "Des archives plus importantes que la vie" à l'Institut Historique Juif. Lepetitjournal.com/Varsovie vous fait partager l'histoire de ces documents, véritable objets de mémoire à la gloire de ceux qui en sont les auteurs.
Le refus d'être oubliés
« Cet éminent héritage est la propriété de tous les juifs du monde, où qu'ils soient, estime Marian Turski, vice-président de l'association de l'Institut Historique Juif. L'humanité toute entière devrait pouvoir bénéficier de ces archives uniques ». Fruits de l'histoire dense et complexe de la Shoah, les archives Ringelblum apportent un nouvel éclairage à cette période : celui, vu de l'intérieur, des habitants du ghetto de Varsovie et des déportés.
Dès septembre 1939, après l'invasion de la Pologne par l'Allemagne, l'historien juif Emanuel Ringelblum rassemble autour de lui un petit nombre d'écrivains, historiens, journalistes, professeurs et activistes. Conscients de vivre un moment grave d'histoire et désireux de pouvoir témoigner des souffrances endurées par les juifs lorsque la guerre prendra fin, ils choisissent de collecter des journaux intimes, lettres, photographies, documents officiels, articles de presse, ?uvres d'arts ayant valeur de preuves de ce qu'ils vivent. Le groupe, nommé Oneg Shabbat ? en hébreu « joie du shabbat », prescription biblique et référence à leur rencontre hebdomadaire, le samedi ? a ainsi rassemblé des milliers de documents, véritables testaments des habitants du ghetto de Varsovie. En 1942, ayant appris le début des déportations de masse vers le camp d'extermination de Treblinka, Oneg Shabbat, dont le directeur est l'un des collaborateurs les plus proches de Ringelblum, prend la décision de cacher cette précieuse collecte à l'intérieur de dix boîtes métalliques enterrées dans le sous-sol de l'école du 68 rue Nowolipki, à deux pas de l'actuelle allée Jean Paul II. De 1942 à 43, un cercle plus restreint de membres d'Oneg Shabbat poursuit le travail d'archive en se concentrant sur les informations liées à la déportation, notamment grâce au témoignage de déportés ayant réussi à s'échapper des camps. Cette collecte s'achève en 1943, et les documents ainsi rassemblés sont enterrés dans deux autres caves. Un véritable legs à la postérité, puisque quasiment aucun membre d'Oneg Shabbat ne survivra à la guerre.
Un véritable devoir de mémoire
En 1946 est découverte la première partie des archives au 68 rue Nowolipki, dans les ruines de Varsovie. En 1950, le deuxième tiers est découvert, caché dans des bidons de lait et enfoui également. La troisième partie est à ce jour introuvable ; des recherches ont été effectuées en 2005 sous l'ambassade de Chine, sans succès.
Ces milliers de documents ont fait l'objet d'un travail long de restauration, de recherche historique et sociologique avant d'être présentés au public, en novembre 2017, comme l'ont annoncé Marian Turski et Pawe? ?piewak, lors d'une conférence à l'Institut Historique Juif, le 15 septembre. Tous deux ont insisté sur la portée éducative de l'exposition, qui se voudra interactive et moderne afin de toucher un plus grand nombre de visiteurs.
Le but de l'exposition permanente n'est pas, par ailleurs, simplement de donner accès aux archives, mais bien de mettre en relief le travail mené par Oneg Shabbat. Classées au registre des mémoires du monde de l'UNESCO, les archives Ringelblum rappellent de manière vibrante l'importance de la mémoire.
Exposition à partir de novembre 2017 à l'Institut Historique Juif, T?omackie 3/5, Varsovie.
Océane Herrero (lepetitjournal.com/Varsovie) - Jeudi 29 septembre 2016
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