Après avoir protégé la Thaïlande du tourisme de masse pendant deux ans avec sa politique sanitaire, le ministre de la Santé, Anutin Charnvirakul, affirme que le pays doit viser un public haut de gamme
Au lieu d'offrir de grosses remises pour attirer les touristes en Thaïlande, les hôtels, les entreprises et les hôpitaux privés thaïlandais feraient mieux de s’attacher à présenter le royaume comme une destination haut de gamme, a déclaré lundi le vice Premier ministre et ministre de la Santé, Anutin Charnvirakul.
"Nous ne pouvons pas laisser des gens venir en Thaïlande et dire que c’est pour son côté pas cher", a-t-il dit lors d'un événement de promotion du tourisme organisé à l’aéroport international Suvarnabhumi de Bangkok.
Anutin Charnvirakul est le chef d'un des principaux partis de la coalition gouvernementale, le Bhumjaithai, lequel, outre le ministère de la Santé, s'est aussi vu attribuer les ministères du Tourisme et des Transports.
"Au lieu de cela, ils devraient dire +parce que ça fonctionne, c'est satisfaisant+, c'est là que nous pouvons augmenter la valeur", a déclaré celui dont la politique sanitaire chaotique pendant deux ans a sapé la confiance du marché touristique et des professionnels, ruinant des milliers d’entreprises et jetant des millions de personnes au chômage.
"Plus c'est cher, plus il y a de clients"
Le ministre, qui s’était fait remarquer en 2020 pour ses propos insultants sur les "farangs" (termes thaïlandais désignant principalement les occidentaux), a comparé sa vision d’une offre touristique chère au succès de la marque Louis Vuitton.
"Tenez bon. Vendez premium. Plus c'est cher, plus il y a de clients", a-t-il déclaré. "Sinon, Louis Vuitton n'aurait rien vendu."
Parmi les destinations les plus populaires d'Asie, la Thaïlande a accueilli en 2019 avant la pandémie près de 40 millions de voyageurs étrangers qui ont dépensé 1.910 milliards de bahts (51,77 milliards d’euros), soit l'équivalent de 11% du produit intérieur brut.
Mais en 2020, après que les autorités sanitaires ont fait fermer les frontières sur plusieurs mois puis ont instauré jusqu’au début de cette année une quarantaine stricte assortie de contraintes et autres restrictions coûteuses pour les voyageurs, le nombre d’arrivées est tombé à 6,7 millions, puis à 428.000 en 2021.
De "piège à fric" à "paradis des riches"
Au cours de ces deux ans de pandémie, les autorités thaïlandaises ont fait preuve de beaucoup de zèle pour endiguer le coronavirus en comparaison d’autres pays bien plus touchés qui ont davantage ménagé l’aspect économique dans leur approche sanitaire. Elles ont été critiquées pour leurs annonces fracassantes de mesures choc, parfois irréalistes, suivies par de fréquents rétropédalages, des changements intempestifs de règlementation, de documents à fournir, au point que l’appareil administratif se trouvait lui-même dépassé à certains moments, usant la confiance tant des candidats au voyage que des professionnels.
De nombreux témoignages ont circulé sur la presse et les réseaux sociaux de touristes pris dans le filet sanitaire thaïlandais ayant passé leur séjour en quarantaine à grands frais et séparés de leurs proches sans même être malades. Certains ont même évoqué un "piège à fric".
Depuis le début de cette année, la Thaïlande a accueilli environ 2 millions de voyageurs internationaux et prévoit environ 10 millions d'arrivées sur l’ensemble de 2022, alors que la reprise semble bien amorcée depuis la levée des dernières restrictions sanitaires ces dernières semaines.
La Thaïlande caresse depuis quelques années déjà l'ambition de se positionner sur un tourisme plus haut de gamme, et d'abandonner son image de paradis des routards et du tourisme sexuel bon marché. Idem en ce qui concerne l'expatriation. Les autorités ont d'ailleurs lancé ces derniers mois une série de mesures destinées à attirer des étrangers à "potentiel élevé", avec visas longue durée, avantages fiscaux et autres privilèges.