A 75 ans, la soeur Ana Rosa ne fera pas le déplacement de Bangkok à Rangoun pour assister à la première visite d'un pape en Birmanie, la semaine prochaine. Mais elle suivra de près les pas de ce cousin "très timide" devenu Souverain pontife.
Depuis la cours d'une école catholique pour filles dans les alentours de Bangkok, Soeur Ana Rosa Sivori attend avec impatience la visite dans la région de son petit cousin, le Pape François.
De six ans sa cadette, la bonne sœur de 75 ans a vu de loin son cousin, enfant "timide" avec lequel elle a grandi à Buenos Aires, se transformer en une figure emblématique mondiale, qui n'a pas peur d'exprimer sa pensée et de nager dans des eaux politiques dangereuses.
Cette audace sera testée la semaine prochaine lorsque le Souverain pontife visitera la Birmanie puis le Bangladesh – deux pays minés par l'exode des réfugiés rohingyas provoqué par une haine ethnique et religieuse.
Même si le pape n'aura pas de temps pour une réunion en tête-à-tête, sa cousine Anna Rosa suivra de près la visite en Birmanie de son cousin depuis sa maison en Thaïlande, terre à très grande majorité bouddhiste, où elle est arrivée en tant que missionnaire salésienne il y a plus de cinquante ans.
"Il vient pour le peuple birman, pas pour nous", explique-t-elle depuis la cours de l'école de Nakhon Pathom dans la banlieue de Bangkok, où les élèves courent autours de sa robe blanche et attrapent joyeusement sa croix lorsqu'elle traverse la cantine.
"C'est le bon moment pour sa venue en Asie. La Birmanie et le Bangladesh sont en conflit. Son but, c'est de donner du courage aux gens, de construire un pont de paix".
Les cousins, dont les grands-pères étaient frères, ne se sont pas vus depuis trois ans mais échangent régulièrement des lettres qui transitent par l'ambassade du Vatican à Bangkok.
"Je garde tout", explique Soeur Ana Rosa en sortant une enveloppe contenant les lettres du pape, écrites d'une minuscule écriture et signées par un simple "Francisco".
Au sujet des tensions politiques qui pèsent sur ce voyage en Birmanie, la sœur dit que son cousin n'a "pas peur du tout".
La religieuse n'hésite pas à parler ouvertement de la crise des Rohingyas, une minorité musulmane dont des centaines de milliers de membres fuient la Birmanie vers le Bangladesh voisin.
Son cousin le pape François évoque lui aussi de façon directe le drame de cette minorité, victime selon l'ONU d'une "épuration ethnique" par l'armée, mettant mal à l'aise l'église catholique de Birmanie.
Le Souverain pontife a déjà ouvertement évoqué sa sympathie pour les musulmans rohingyas – une prise de position qui pourrait déclencher des protestations dans une Birmanie majoritairement bouddhiste où la minorité est dénigrée.
Les catholiques birmans craignent en effet que le Souverain pontife ne fasse allusion, face à ses hôtes birmans - dont Aung san Suu Kyi, prix Nobel de la Paix qu'il rencontrera mardi prochain - à ses "frères rohingyas" - un terme tabou en Birmanie, où règne un fort nationalisme bouddhiste, antimusulman.
"Il n'a pas peur de dire +vous devez prendre soin de ces personnes+", assure, confiante, la cousine du pape à l'AFP, soulignant qu'elle attend de sa part qu'il fasse preuve de fermeté avec les leaders du gouvernement birman au sujet des rohingyas.
Quant à ses interlocuteurs, "ils ne peuvent pas rester les mêmes après l'avoir rencontré".
- "Je le trouvais si ennuyeux!" -
Quelque 200.000 personnes sont attendues à la messe célébrée mercredi prochain à Rangoun, la capitale économique, par le pape François.
La soeur Ana Rosa regardera cette grande messe depuis son école à Nakhom Pathom. Sans s'offusquer que son cousin n'ait pas le temps de la voir lors de sa tournée asiatique.
Elle rit quand elle se souvient de lui, né Jorge Mario Bergoglio. Selon elle, il n'a pas toujours été un orateur éblouissant. "Je le trouvais si ennuyeux!", confie-t-elle en se souvenant d'une messe dans les années 90.
Tout l'inverse de ce qu'il est devenu: aujourd'hui "ses paroles sont vraiment profondes". Soeur Ana Rosa se tourne désormais vers son sermon comme une source de réconfort, observant chacun de ses déplacements à travers le monde. "Ces mots sont vraiment profonds, et concrets".
Son immense sourire est aussi un nouveau trait de sa personnalité, confie-t-elle. "Il était très timide, réservé, il ne souriait pas, maintenant il sourit beaucoup, il aime être avec les gens".
Sa proximité familiale avec le pape lui vaut une certaine aura auprès de sa communauté. Parfois, une autre religieuse de l'école vient prendre Soeur Ana Rosa par le poignet, simplement pour se sentir proche du souverain pontife.
Mais elle explique qu'il est toujours étrange de voir François autrement que comme son grand cousin. Leur dernière conversation au Vatican il y a quelques années fut amicale et familière, malgré leur éloignement géographique. Elle se souvient de s'être demandée alors si "c'était bien au pape que je parle?"