La Thaïlande vient d’intégrer l'intelligence artificielle (IA) dans son dispositif d’aide aux personnes en proie à la dépression et aux idées suicidaires, alors que le nombre de patients a explosé ces dernières années, selon NNT.
Le Bureau National de la Sécurité Sanitaire (NHSO) du Ministère thaïlandais de la Santé vient d’intégrer à son service d’assistance vocale une technologie innovante appelée AI DMIND, rapporte l’agence de presse gouvernementale.
AI DMIND effectue des évaluations de santé mentale en temps réel via la ligne spéciale 1323 du NHSO. Ce programme, qui est le fruit d'une collaboration entre le NHSO et les facultés de médecine et d'ingénierie de l'université Chulalongkorn, est conçu pour détecter d’éventuels signes précurseurs de dépression et de pensées suicidaires en analysant des enregistrements vocaux.
Lorsque les utilisateurs effectuent une évaluation via la hotline, une équipe de psychologues est immédiatement alertée. Ces psychologues contactent ensuite les patients pour évaluer plus en détail leur situation et les orienter vers des soins appropriés ou des services d'urgence si nécessaire.
Les spécialistes du ministère voient dans cette assistance artificielle le double avantage d’accroître considérablement la capacité de dépistage précoce, tout en augmentant la portée d’action des professionnels de santé mentale. Ce qui doit en principe permettre une intervention plus tôt et plus efficace dans le processus de dépression.
10 fois moins de psychothérapeutes que la moyenne mondiale
La Thaïlande ne fait pas vraiment partie des pays à la pointe en matière de santé mentale. Il y a quelques semaines, le média thaïlandais ThaiPBS évoquait un moment historique lorsque pour la première fois dans l’histoire du Parlement thaïlandais, les députés ont officiellement débattu en décembre de problématiques d’ordre psychiatrique.
Selon l’Atlas de la santé mentale de l’OMS (2020), la Thaïlande compterait seulement 1,28 psychothérapeute pour 100.000 habitants, soit 10 fois moins que la moyenne mondiale (13 pour 100.000 habitants). La moyenne dans les pays à revenu élevé (OCDE) est supérieure à 15.
La pénurie de professionnels de santé mentale en Thaïlande est devenue très préoccupante ces temps-ci, en bonne partie parce que la demande a quasiment doublé au cours des dix dernières années, notamment depuis la crise du Covid dont les mesures sanitaires extrêmes ont mis à rude épreuve la vie de des millions de personnes.
Le taux de suicide en Thaïlande en passe d'augmenter l'épidémie passée
Doublement de la demande de soins en santé mentale
Selon le ministère thaïlandais de la Santé, le nombre de Thaïlandais ayant reçu des soins psychiatriques est passé d’environ 1,3 million en 2015 à 2,4 millions en 2022.
Citée par NNT, la vice-doyenne de la Faculté de médecine de Chulalongkorn, la professeure Nijasri Charnnarong, a indiqué que sur quelque 1,5 million de Thaïlandais âgés de plus de 15 ans diagnostiqués pour la dépression en 2023, seulement un tiers ont eu accès aux soins nécessaires, soulignant la disparité croissante entre le nombre de patients en hausse constante et la disponibilité limitée du personnel de santé mentale.
L’OMS estime qu'au moins 13% (soit 8,75 millions de personnes) de la population thaïlandaise serait en proie à des troubles de santé mentale tels que l’anxiété et la dépression.
En raison de contraintes budgétaires la hotline du NHSO, le 1323, ne pouvait jusqu’ici traiter qu’environ 100.000 appels par an. Une augmentation budgétaire substantielle a été consentie cette année avec pour objectif de traiter plus de 500.000 appels par an.