Les deux tiers des Thaïlandais estimeraient que le Premier ministre, Prayuth Chan-O-Cha, doit quitter ses fonctions ce mois-ci, selon un sondage, alors que l’opposition alimente un débat sur la durée légale de son mandat et prévoit de demander à la Cour constitutionnelle de statuer sur la question
L’ancien chef de l’armée, devenu Premier ministre en 2014 après son coup d'État contre le gouvernement élu de Yingluck Shinawatra, dirige le pays depuis huit ans, ce qui correspond selon la Constitution thaïlandaise à la limite légale pour être au pouvoir.
Mais les partisans de Prayuth Chan-O-Cha clament que la période du régime militaire, qui a duré cinq ans, ne doit pas compter et que les compteurs doivent être remis à zéro au moment du changement de Constitution en 2017 ou des élections législatives de 2019.
L'opposition prévoit de demander à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur la question.
"C'est l’affaire de la justice"
Le sondage, effectué du 2 au 4 août auprès d’un échantillon de 1.312 Thaïlandais par l'Institut national d'administration du développement (NIDA) révèle que 64% des personnes interrogées souhaitaient que le Premier ministre quitte ses fonctions le 23 août, exactement huit ans après avoir pris le poste de Premier ministre dans ce qui était alors un gouvernement militaire.
Selon l’enquête d’opinion publiée dimanche, 33% des sondés ont dit préférer attendre une décision de justice.
NIDA précise que les sondeurs n’ont pas mentionné les arguments des différents clans politiques en posant la question sur le mandat de du Premier ministre.
Interrogé par des journalistes lundi sur le projet de l'opposition, l’ex-général de 68 ans a déclaré: "C'est l’affaire de la justice".
Bête noire des partis d’opposition
La controverse sur la durée du mandat du Premier ministre est une tentative de plus -et somme toute désespérée- de l'opposition pour reprendre le pouvoir au putschiste et à l’establishment royaliste qui bénéficient du soutien des institutions et ont pris soin de bien verrouiller le système à leur avantage après leur dernier coup d’Etat, sachant que les urnes n’ont jamais parlé en leur faveur depuis plus de vingt ans.
L’ancien chef de la junte a ainsi pu se maintenir au pouvoir en 2019, après des élections remportées par l’opposition, puis résister à quatre motions de censure, une attaque sur son serment d'investiture, une accusation de conflit d'intérêts et plusieurs mois de manifestations menées par une jeunesse déterminée au point d’aller jusqu’à défier la monarchie, chose inédite depuis des décennies.
Lors des élections de 2019, son parti, le Palang Pracharat, avait fini deuxième derrière son principal opposant, le Pheu Thai, suivi par un autre parti d’opposition, Anakot Mai (Nouvel Avenir). Prayuth Chan-O-Cha avait malgré cela été reconduit dans ses fonctions de Premier ministre par le nouveau Parlement, à la faveur d’une coalition de pas moins de 17 partis. Quelques jours avant le scrutin, la Cour constitutionnelle avait dissout un parti d’opposition, le Thai Raksa Chart.
La même cour, considérée comme la bête noire des partis d’opposition à l’establishment militaro-royaliste, révoquera quelques mois plus tard le mandat de député du chef d'Anakot Mai avant de prononcer la dissolution pure et simple de ce parti prometteur soutenu par une partie de la jeunesse thaïlandaise.
Selon la Constitution, les prochaines élections législatives devraient avoir lieu dans les 10 mois qui viennent, mais le Premier ministre n'a donné aucune indication sur une quelconque date.