La Thaïlande est un pays attirant qui semble déborder d'opportunités professionnelles. Mais y décrocher un poste n'est pas toujours aussi simple que l'on croit, et le garder encore moins. La Chambre de Commerce Franco-Thaï (FTCC) organise, trois fois par mois des ateliers afin d'aider les Français à appréhender plus facilement le marché thaïlandais de l'emploi. Faustine Glairon-Mondet, responsable du service emploi de la FTCC, nous en dit davantage
LePetitJournal.com : Pouvez-vous nous parler des ateliers que vous organisez?
Faustine Glairon-Mondet: 3 thématiques sont apparues. Une première autour du marché de l'emploi. Je donne des informations sur l'environnement juridique et sur la question "qu'est ce que c'est qu'être un étranger qui veut travailler en Thaïlande?". Ceci en rapport avec certaines lois protectionnistes de l'emploi, la nécessaire délivrance de visa et permis de travail, le quota d'un salarié étranger pour 4 salariés thaïlandais que l'entreprise doit respecter, le nombre d'heures de travail, les congés. Il y a aussi des emplois qui sont interdits pour les étrangers. Je renseigne donc ces candidats sur le droit du travail thaïlandais. Nous retravaillons le CV afin qu'il soit adapté au format de rigueur en Thaïlande pour un candidat étranger. Nous effectuons également un comparatif avec la France car beaucoup de candidats rêvent de venir travailler dans le pays sans vraiment se rendre compte des difficultés et des différences. Au terme de l'atelier chacun en sait donc davantage sur le marché de l'emploi.
Le second atelier consiste à parler des réseaux, des networkings. C'est fondamental car certes c'est un marché qui a des offres à pourvoir et les entreprises recherchent des profils français et formalisent les emplois, mais il y a une pépinière d'opportunités qui ne sont pas du tout formalisées. Il y a un marché invisible du travail avec des entreprises qui n'ont pas forcément le temps de recruter ou qui ne pensent pas directement à un profil français. C'est ici une démarche réseau qui va permettre d'obtenir une information et accéder à cette information capitale sur les problématiques auxquelles ils peuvent apporter une valeur ajoutée. Cet atelier est là pour démystifier le fait de devoir se vendre, apprendre à agrandir son réseau, communiquer, se présenter en 1 à 2 minutes en situation de networking. Nous sommes dans une logique de communauté.
Le troisième atelier est surtout ciblé sur les entretiens de recrutement. Certains n'ont pas passé d'entretien depuis 10 ans et ils se retrouvent en tant que candidat et parfois démunis face à cette situation inconnue ou du moins inconfortable pour eux. On aborde très concrètement les problèmes de chacun, comme quelles sont les questions auxquelles ils n'arrivent pas à répondre en entretien. Je leur donne ma vision de recruteur et de ce fait je leur explique pourquoi ils rencontrent telle ou telle difficulté.
Quels sont les objectifs de ces ateliers?
Notre objectif est d'aider les ressortissants français dans leur recherche d'emploi, la connaissance du marché, les appuyer, les orienter, les coacher et leur donner de l'information. C'est dans cet état d'esprit que ces ateliers ont vu le jour progressivement, afin d'apporter de la méthodologie dans leur recherche et un cadre de réflexion. C'est également un cadre de partage d'expérience, j'essaye de faire en sorte que ce soit le plus interactif possible. On travaille les cas pratiques et tous viennent avec leurs propres questions, leurs constats et difficultés, leurs succès. Ces ateliers sont là pour dynamiser les recherches d'emplois de tout un chacun, et c'est toujours mieux quand on est plusieurs.
Combien de demandes avez-vous par an et quels sont les profils que vous rencontrez le plus souvent?
La FTCC est partie prenante au CCPEFP (Comité Consulaire pour l'Emploi et la Formation professionnelle) délégué par le Ministère des Affaires Etrangères. Dans ce cadre, nous recevons environ 1.000 CV français par an et ce chiffre reste stable au fil des années. 61% sont des personnes qui postulent depuis la France et qui projettent de venir s'installer dans le pays. 13% postulent d'Asie mais ne sont pas en Thaïlande et les 26% restants postulent directement d'ici. Sur ces 26%, 17% sont en Thaïlande depuis moins d'un an et seulement 9% sont ici depuis plus. 47% ont moins de 25 ans, des jeunes diplômés qui ont généralement un Bac +4 ou +5. 30% de ces candidats postulent pour un stage. Ce sont principalement des hommes à 70%. Le profil type serait un homme, jeune, diplômé Bac+4 +5 en Thaïlande depuis moins d'un an. Il y a beaucoup de commerciaux, des ingénieurs, des informaticiens et beaucoup de marqueteurs en business development.
Quels sont les "défauts" que vous observez le plus souvent lors de ces ateliers?
Ce ne sont pas forcément des défauts, c'est surtout une non-correspondance entre l'offre et la demande. Ce sont de jeunes candidats, certes avec des diplômes, mais sans grande expérience et surtout sans expérience de l'Asie ou encore de la Thaïlande. Or en parallèle, lorsque les entreprises formulent le besoin de recruter un Français, elles recherchent des personnes qui ont environ 30 ans, qui connaissent bien le métier d'origine, tel que par exemple le juridique, le marketing, la maintenance, le développement Java, etc. En ce moment par exemple, certaines entreprises sont désireuses de recruter des technico-commerciaux, profil qui fait appel à la fois à des compétences et connaissances de type ingénieurs et des compétences commerciales. Elles recherchent de l'expertise, des personnes qui devront être amenées à manager. C'est un profil beaucoup plus haut positionné que la majorité des candidats qui postulent. Je pense que la plupart sont très réticents à cette démarche réseau, qu'ils ne sont pas très à l'aise, mais il faut comprendre que c'est une clef d'entrée. Ils gagneraient à dépasser cette appréhension.
Un défaut peut-être que je constate assez régulièrement: désireux de trouver à tout prix une insertion professionnelle en Thaïlande, ces candidats peuvent avoir tendance à formuler de manièretrès floue et vague leur projet professionnel, soit parce qu'ils ne savent pas précisément ce qu'ils recherchent, soit parce qu'ils ne veulent pas se fermer de porte. Or c'est exactement la démarche inverse qui va porter ses fruits : plus nous savons ce que nous voulons et savons faire, plus nous allons l'exprimer clairement et plus notre interlocuteur va pouvoir nous situer et se faire l'ambassadeur à son tour de notre message.
Quels seraient les premiers conseils que vous donneriez à une personne qui débarque en Thaïlande?
Déjà qu'elle prenne le temps de rencontrer les gens sur place et qu'elle soit vraiment active dans cette démarche. Qu'elle ne perde pas patience car les recrutements sont longs. Il ne faut pas désespérer si au bout de 6 mois on a toujours rien trouvé, il faut avoir du temps devant soi et des économies. Si on pense qu'en 1 mois on va trouver un travail car le marché est plus dynamique qu'en Europe, on se trompe complètement, même s'il y a des exceptions évidemment. En moyenne, le temps minimal est de 6 mois avant de trouver. Il faut s'imprégner de la Thaïlande, de sa culture, réfléchir à comment s'intégrer dans une équipe qui va être composée de 98% de Thaïlandais. Il faut vraiment se renseigner auprès de personnes qui ont déjà cette expérience afin de mieux appréhender tout ça. Il faut méditer en amont les différences culturelles afin d'être plus crédible après.
Comment réussir à s'intégrer dans une équipe composée à 98% de Thaïlandais?
De prime abord, cela peut paraitre simple dans la mesure où les Thaïlandais sont souriants et agréables. Après il y a une grosse différence de codes. Nous allons être, par exemple, beaucoup plus directifs, exigeants, et vouloir communiquer en mettant en avant notamment ce qui ne va pas, par souci de clarté. Ici, cela a pour effet de brusquer et cela coupe la conversation. Il faut savoir être humble et ne pas trop faire valoir ses idées ou ses connaissances tout de suite. Nous aimons beaucoup, nous Français, discourir, argumenter, avoir des débats, alors que les Thaïlandais sont plus sensibles à la manière dont on prend soin des autres, le relationnel est très important. Et puis il y a un grand respect de la hiérarchie. Il faut d'abord observer ce qu'il se passe au lieu de vouloir immédiatement imposer ses idées. Il faut savoir identifier et s'appuyer sur une personne plus âgée, par forcément la plus haut placée, mais qui saura faire passer des messages à l'équipe.
Comment expliquez-vous ce désir de quitter la France pour venir travailler en Thaïlande?
C'est un mélange de plusieurs choses, mais je pense que la situation morose de la France y joue beaucoup et le marché du travail est en train de se cristalliser. Ici, il y a beaucoup d'offres d'emplois donc une image plus dynamique. Il y a beaucoup de rêve aussi. C'est un pays qui attire les Français de part son climat, sa nourriture, ses habitants. La situation du pays peut être aussi un argument car il est très central dans l'Asie du Sud-Est et moins cher que Hong-Kong en encore Singapour. De nombreux jeunes viennent s'installer dans la région et se servent de Bangkok comme base de vie. C'est aussi une soif d'aventure, de découverte et de challenge, notamment pour des jeunes diplômés qui ont l'impression que l'accès au monde du travail et l'évolution professionnelle sont bouchés en France et qui du coup tentent leur chance en quête d'autre chose.
ASSISTER AUX ATELIERS DE LA FTCC
Pour pouvoir postuler à ces ateliers il suffit de contacter faustine@francothaicc.com.
Ils se déroulent 3 fois par mois sur 3 thématiques différentes et généralement le jeudi matin de 9h à 12h30. Ils accueillent de 8 à 10 participants et sont ouverts à tous pour la somme de 500 à 900 bahts. L'an dernier 106 personnes y ont participé, 20% d'entre elles sont revenues pour un second séminaire. 40% de ces postulants ont été recrutés par des entreprises.Voir aussi le site Internet de la FTCC
Propos recueillis par Laura BUDULIG (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) mercredi 29 janvier 2014