C’est un véritable compte à rebours qui est lancé pour Carles Puigdemont et la politique catalane. En effet, après quatre tentatives d’investitures ratées, la date limite pour investir un président de la Generalitat est fixée au 22 mai. Si avant cette date aucun président n’est investi, le Parlement de Catalogne sera automatiquement dissous et de nouvelles élections seront convoquées le 15 juillet.
Vendredi dernier, le Parlement catalan, majoritairement indépendantiste, a voté une loi sur la Présidence catalane autorisant à un candidat à être investi et à exercer ses fonctions depuis l’étranger, ce qui permettrait à Carles Puigdemont, actuellement exilé en Allemagne, d’être à nouveau présidentiable. Cependant, le Conseil des Ministres espagnol a (sans surprise) entamé une procédure devant le Tribunal Constitutionnel dans le but d’abroger cette loi. A moins de deux semaines de l’échéance du 22M, cette complexe bataille juridique rend l’issue de l’investiture toujours très incertaine, et l’hypothèse de nouvelles élections gagne du terrain en Catalogne.
Junts per Catalunya a fixé le 14 mai comme date limite pour l’investiture de Puigdemont
Ce week-end, la formation Junts per Catalunya s’est réunie à Berlin, où se trouve Puigdemont en attendant le verdict de la justice allemande à propos de son extradition. Il a été décidé lors de cette rencontre de maintenir la candidature de l’ancien président de manière télématique, grâce à la réforme de loi votée par le Parlement catalan. Le Conseil de Garanties Statutaires (Consejo de Garantias Estatuarias), le conseil des sages du Parlement catalan, s’était pourtant déjà positionné contre cette réforme, considérant que le débat présentiel et l’oralité sont nécessaires à une investiture. Le gouvernement espagnol a de son côté entamé une procédure pour bloquer cette réforme devant le Tribunal Constitutionnel, qui se réunit ce mardi, et a convoqué un Conseil des Ministres Exceptionnel, mercredi 9 mai, pour approuver un recours d’inconstitutionnalité de la loi. Au vu de ce contexte, la formation Junts per Catalunya a alors fixé le 14 mai comme date limite pour l’investiture de Puigdemont. Mais la décision finale de la date d’investiture revient au président du Parlement, le républicain Roger Torrent.
Proposer un autre candidat éligible représenterait le fameux "plan D"
La volonté de Junts per Catalunya serait d’investir Puigdemont dans le laps de temps qui sépare l’entrée en vigueur de la loi et sa suspension, devenue presque inévitable. Mais même dans ce cas précis, la viabilité de la candidature de Puigdemont reste très incertaine. L’opposition parle d’une stratégie pour gagner du temps, et provoquer de nouvelles élections. Le porte-parole de Junts per Catalunya, Eduard Pujol, a pourtant assuré que la formation ne souhaitait pas se diriger vers un nouveau scrutin. Dans le cas de l’impossibilité d’investiture de Puigdemont, ils proposeraient alors un autre candidat éligible, qui représenterait le fameux "plan D".
Mais les autres partis indépendantistes restent méfiants. Notamment ERC, qui a refusé la deuxième proposition d’investir Puigdemont, et qui demande au parti de trouver une porte de sortie à la situation dans laquelle se trouve la politique catalane en proposant un autre candidat. Oriol Junqueras, président de la formation et actuellement emprisonné, insiste sur l’importance d’un Gouvernement effectif qui puisse diriger la Catalogne avant ce 22 mai. "Aucun républicain dans le monde ne laisserait ses outils dans les mains des ennemis de la République" a-t-il transmis depuis Estremera via l'agence ACN, sur Twitter. La tenue de nouvelles élections, qui impliqueraient de prolonger l’application de l’article 155, qui maintient la Generelitat à la tutelle du Gouvernement espagnol, au moins jusqu’à l’été, ne satisfait personne. Un plan D et l'investiture d'un candidat sans charges judiciaires permettrait de lever l'application de cet article de la Constitution. A ce propos, Junts per Catalunya a pourtant annoncé que si Puigdemont était investi, il serait créé un mandataire spécial chargé de passer outre l’article 155.
Beaucoup de points restent en suspens quant à l’avenir de la Generalitat et de l’ancien président. Et une des décisions déterminantes sera celle du tribunal de Schleswig-Holstein, qui doit statuer dans les prochains jours sur son extradition. Un délai qui correspond à peu près à celui de l’investiture : tout n’est plus qu’une question de jours pour Carles Puigdemont.