La Birmanie ne fait jamais vraiment rien comme les autres… Alors qu’une sévère crise économique frappe le pays, que la violence règne dans de nombreuses régions et que le nord de l’Arakan, même s’il bénéficie d’un calme relatif depuis le début de 2021, en a été l’une des principales victimes de cette violence durant 4 ans, les responsables nationaux et locaux du magnifique site archéologique de Mrauk U ont quand même trouvé l’envie, l’énergie et les moyens de soumettre le dossier de candidature du site à l’inscription au patrimoine mondial de l’humanité supervisé par l'Unesco. Le dossier - constitué de cartes, de photographies, de textes anciens et plus récents - a ainsi été envoyé sous format électronique au Comité du patrimoine mondial de l’organisation onusienne, à Paris, au cours de la deuxième semaine de septembre, selon U Than Zaw Oo, le patron du service des sites du patrimoine mondial à la direction de l'Archéologie et du Musée national. Cette soumission a été retardée d'un an en raison de la pandémie de Covid-19 et du conflit armé en 2020.
Les prochaines étapes sont le dépôt d’un dossier final en janvier 2022 et la venue d’experts étrangers pour effectuer une inspection de terrain après laquelle des réunions se tiendront en juin et juillet 2023 pour enfin décider si Mrauk-U doit être inscrit au patrimoine mondial de l'humanité. « La décision pourrait être publique en septembre 2023, lorsque la conférence sur le patrimoine mondial se tiendra » a expliqué Daw Khin Than, la présidente du Mrauk-U Heritage Trust, au quotidien local DMG.
Des squatters qui détériorent le site archéologique
La beauté et l’importance du site ne sont remis en cause par personne et mérite certainement l’inscription – par bien des aspects, Mrauk U est un site archéologique plus beau et plus riche que le fameux Bagan – mais son entretien et sa conservation ont été au cœur des préoccupations de nombreuses personnes pendant les années de conflit direct entre l’armée régulière birmane et l’Armée de l’Arakan, le principal mouvement combattant autonomiste de la région. La peur que les combats détruisent certains des bâtiments a été émise publiquement par des archéologues mais au final ce sont surtout les malheureux déplacés internes, ceux qui ont souvent perdu leurs maisons et leurs biens dans ces affrontements, qui forment le plus grand risque pour le site ancien.
Aujourd’hui « beaucoup de gens vivent dans ou autour de la ville ancienne », constate Daw Khin Than. « Certains creusent le terrain sur la montagne pour récupérer de la terre. Cela risque de provoquer des difficultés lorsque les experts viendront pour les inspections sur le terrain. Les autorités doivent sensibiliser les citoyens afin qu'il cesse ces actes de détérioration du site. Et elles doivent prendre des mesures coercitives si besoin ». Pour elle, une collaboration conjointe de toutes les parties prenantes est nécessaire : « Les autorités locales, les organisations de la société civile, les résidents doivent travailler ensemble pour protéger la zone conformément aux normes internationales afin qu'elle soit désignée patrimoine mondial », ce qui devrait permettre de développer l'économie, les transports et le tourisme de la région, selon des promoteurs locaux. Il faudra toutefois pour cela que la crise nationale se calme et que la Birmanie retrouve un lustre touristique qu’elle n’a cessé de perdre depuis les massacres de musulmans dans cet état de l’Arakan à partir de 2016.