Trouver de l’argent liquide à Yangon ou ailleurs en Birmanie relève tant de la gageure que de la patience et de la longueur temps alors que dans la ville la rage et la force renforcent chaque jour leur emprise sur le quotidien des habitants.
Se procurer quelques billets de 10 000 kyats (entre 5 et 6 euros avec les fluctuations du change ces dernières semaines), neufs la plupart du temps (indication que le nouveau gouvernement fait allègrement tourner la planche à billets, ce qui suscite d’ailleurs une forte inflation dans le pays) réclame astuce, abnégation et quelques pourboires de-ci, de-là.
Le premier obstacle à franchir est de trouver un distributeur contenant encore des billets. Bien sûr, chacun peut essayer au hasard, et avec un peu de chance trouver une machine un peu à l’écart des plus grandes voies et où quelques billets attendent encore preneur. Cela arrive, mais de plus en plus rarement…
Il y a ceux qui cherchent à obtenir des informations depuis l’intérieur des banques, en glissant un billet aux quelques personnels qui y travaillent encore. Cela peut parfois fonctionner, et alors ce renseignement se monnaie fortement… après avoir retiré soi-même le maximum possible. Celui-ci dépend aujourd’hui de la politique des diverses banques mais plafonne la plupart du temps autour de 200 000 kyats (100 à 120 euros) pour le seul retrait autorisé par jour pour la plupart des établissements.
Une journée complète de queue
Autre manière de procéder, s’arranger avec un établissement spécifique afin de pouvoir bénéficier d’un coupe-file et rentrer discrètement faire un retrait. Une telle méthode peut même fonctionner sur rendez-vous téléphonique – l’employé de banque vous contacte et vous fixe un jour et un horaire – mais ne s’adresse qu’à quelques privilégiés : soit parce qu’ils connaissent bien leurs contacts ou que leur grand âge ou statut social leur donne un avantage déterminant au regard des traditions de Birmanie.
Une autre stratégie consiste à se rendre dans un lieu où les distributeurs pullulent, le centre commercial de Myanmar Plaza devenant la cible quasi-quotidienne de centaines de personnes… oui, de centaines ! Car il est désormais et malheureusement courant de voir des queues interminables devant une seule machine, des queues qui commencent vers 4 ou 5h du matin, aussitôt que possible à la levée du couvre-feu nocturne, et durent parfois toute la journée, tant que les machines contiennent des billets. Jusqu’à 22h, lorsque le couvre-feu s’impose à nouveau…
Un billet pour gagner du temps
Les gens viennent avec leur tabouret de plastique et s’installent tranquillement comme au tea-shop, même si de telles queues signifient bien sûr abus, disputes, quelques bagarres que des agents de sécurité essaient rapidement de calmer… lorsqu’ils n’en sont pas à l’origine comme cela arrive quand ils instaurent un système de « réservation » moyennant finance.
Faire la queue pour d’autres est d’ailleurs devenu en peu de jours un moyen de gagner quelques kyats pour ceux – nombreux - qui ne disposent plus d’un emploi aujourd’hui. Les plus malins placent en effet plusieurs tabourets à la queue-leu-leu le matin en arrivant et louent leurs sièges à ceux qui veulent un bon rang dans la course aux billets. Il en coûte 10 000 kyats pour attendre le moins possible, à la grande colère de certains qui trouvent honteux de telles pratiques. Les réseaux sociaux birmans sont aujourd’hui pleins de photos et d’histoires autour de cette quête sans fin de l’argent liquide.
Un Birman a lui choisi de joindre le repos au désagréable et il s’est rendu avec une natte devant une banque pour attendre tranquillement que l’un des distributeurs soient alimenté en billet, faisant la queue allongé au soleil, se laissant prendre en photo et postant lui-même une image sur Facebook dont la légende disait : « Il n’y a qu’en Birmanie que l’on va à sa banque comme d’autres vont à la plage ! ».