Situé dans le centre de la capitale, les Bucarestois passent devant le Palais Sutu des centaines de fois sans vraiment y prêter attention et peu connaissent les beautés qui s’y cachent. LePetitJournal.com de Bucarest ne pouvait pas ne pas s’y attarder. Nous vous en dévoilons son histoire...
Situé sur la place de l’Université, le Palais Sutu représente une des plus vieilles résidences aristocratiques de Bucarest, et un des derniers immeubles à être restés encore intacts depuis plus de 150 ans.
Construit entre 1833 et 1835, le Palais Sutu dénotait dans le paysage bucarestois de l’époque grâce à son caractère fortement « occidental ».
Aujourd’hui caché derrière des vieux arbres, et ombragé par la silhouette imposante de l’Intercontinental, l’aura du Palais Sutu s’est vue considérablement diminué, mais à l’époque où il a été construit, le palais resplendissait littéralement grâce à son architecture de style néo-gothique, en décalage total avec le paysage d’un Bucarest phanariote avec ses petits habitats d’inspiration orientale. L’entrée majestueuse et large contrastait avec les maisons roumaines aux entrées étroites, et ses grandes fenêtres ogivales avec les fenêtres rectangulaires ou carrées des autres bâtiments alentour.
La naissance du palais est due au postelnic Costache Suțu, provenant d’une famille grecque, qui s’est construit un palais digne des aspirations qu’il nourrissait. Personnage controversé de l’époque à cause de ses nombreux conflits personnels ou politiques et de ses ambitions démesurées, son palais aurait même suscité l’envie du prince souverain Alexandru Ioan Cuza. Pour la petite histoire, ce dernier serait même allé jusqu’à envoyer les pompiers pour enlever le blason des Sutu exposé sur la façade du Palais.
Le palais a été construit entre 1833-1835 d’après les plans des architectes viennois Veit si Conrad Schwinck. Costache Sutu y a amené l’un des objets les plus symboliques de la résidence, un candélabre en laiton formé de 24 chandeliers, commandé à un fameux artisan autrichien. En 1862 il fait appel au sculpteur de renommée, Karl Storck, qui s’occupe de la décoration intérieure, ajoutant la pièce maitresse de la maison : le somptueux escalier en bois de chêne divisé en deux bras, qui se reflète dans l’immensité d’un miroir Murano.
En 1875, le fils de Costache Sutu, Grigore, devient propriétaire du manoir et, avec sa femme, il tient à garder l’atmosphère d’une résidence aristocratique. Il y ajoute la marquise élégante en fer forgé sur l’entrée. C’est bien là la véritable période de gloire du palais, celui-ci devenant ainsi le repère des bals bucarestois où participaient les plus grandes personnalités de l’époque. Le Roi Carol I en personne y participait lors des fameux bals du début d’année.
Même si cette résidence n’est pas vraiment un palais, mais plutôt un manoir de boyard, l’intérieur n’en est pas moins impressionnant. Devant l’entrée trône un immense miroir de Murano dans lequel vous pourrez remarquer une horloge inversée fabriquée par la prestigieuse Maison Collin de Paris. L’horloge est disposée de telle façon, qu’il n’est possible d’en lire l’heure qu’en contemplant son reflet. Au-dessus du miroir se trouve un médaillon sculpté en bois noble à l’effigie de la femme de Grigore Sutu, Irina Sutu. À noter également, sa coupole richement décorée, ses murs peints en style pompéien, son plafond orné avec des moulages colorés et dorés.
En 1956, le Palais Sutu devient le siège du Musée de la Municipalité de Bucarest et depuis il abrite des expositions ayant comme thématique principale, l’histoire de la ville de Bucarest.
Au gré de vos balades dans le musée, vous pourrez admirer un portrait de Vlad Tepes (l’original se trouvant en Autriche), des vêtements et armements du XVI-XVIIIe siècle, la première bible en langue roumaine, l’épée de Consantin Brancoveanu qui a été exécuté par les Turcs lorsqu'il a refusé de se convertir à l’islam, des photos des voitures et des tramways de but du 20ᵉ siècle, mais « La déesse de Vidra », un vase en terre cuite en forme de statuette féminine sans tête, symbolisant le culte de la fécondité et appartenant à la culture Gumelniţa.