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COUPLE FRANCO-ROUMAIN - Alina et Tony

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Écrit par Lea Broker
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 mars 2018

Pour cette nouvelle série de couples franco-roumains, LePetitJournal.com est allé à la rencontre de deux enseignants, Alina et Tony, une Roumaine et un Français qui ont eu un coup de foudre en partageant leur amour commun pour la Roumanie. Elle, a fait ses études en France, lui, est parti les achever en Roumanie. Aujourd'hui ils se sont trouvés et vivent en France mais la Roumanie est un rêve à l'horizon.

 

 

 

Grégory Rateau: Pouvez-vous nous présenter brièvement votre parcours?

Alina: Je rêvais de découvrir un jour la France et ce rêve a bercé toute mon adolescence. Grâce à l’échange culturel Erasmus, ce rêve a pris forme et la France est très vite devenue ma mère adoptive. J’ai toujours été amoureuse de la langue française qui me semblait tellement mélodieuse, j’avais envie de partager pleinement cet amour et pourquoi pas, construire un pont entre les deux cultures, française et roumaine. J’ai donc décidé de continuer mes études de Lettres Modernes et de devenir enseignante en France. Je ne pensais jamais réussir mon concours et je me suis plutôt focalisée sur ce que j’allais apprendre de cette expérience. Néanmoins, me voici enseignante au lycée dans l’Académie de Lille depuis deux ans. Si je dois décrire mon parcours en un mot, je choisirai le mot "acharnement" car je considère chaque obstacle comme un défi dans ma vie et je ne peux pas m’arrêter sans essayer de le surmonter.


Tony: Depuis longtemps j’entendais des clichés un peu stupides sur la Roumanie venant de médias ou de personnes de mon entourage et j’ai vraiment voulu voir par moi-même ce pays si mal connu pour en tirer mes propres conclusions. J’ai eu cette opportunité en 2013 en passant un semestre à l’Université Transilvania de Brasov,  lors de ma 3ème année de licence de musicologie commencée à Lille. Je voulais vraiment changer d’air. Puis j’ai obtenu un master d’enseignement en éducation musicale. Je suis actuellement professeur stagiaire de musique dans l’académie de Créteil. L’idéal serait de pouvoir me rapprocher d’Alina, qui travaille dans le nord de la France.

 

 

Parlez-nous de votre première rencontre?

Alina: Je suis persuadée que dans la vie il n’y a jamais de rencontres fortuites. L’ironie de la vie fait que lorsque j’étais en Erasmus en France, Tony faisait son Erasmus en... Roumanie. Nous nous sommes croisés l’année suivante sur le campus de notre résidence. La recette de notre histoire d’amour ? Des amis communs, de la curiosité et le désir de partager nos cultures, auxquels on rajoute un petit thé autour duquel nous discutions souvent de la vie et la musique qui accompagne chaque instant de notre existence.   

 


Qu’est-ce qui vous a plu chez l’autre ?

Alina: Son air bohème, son humour et puis je dois avouer, je suis tombée sous le charme de ses chansons. Les sérénades au clair de lune, ça a du succès apparemment (rires). Nous avons à peu près les mêmes conceptions de la vie et nous nous laissons guider par les mêmes valeurs. Il y a beaucoup de passions que nous partageons, l’amour pour toutes sortes d’art, pour les voyages. Je dois dire qu’il est ma dose d’optimisme car je suis quelqu’un d’extrêmement pessimiste, il y a un petit penchant de Cioran en moi et il m’aide à trouver l’équilibre. Il a également apporté la musique dans ma vie.


Tony: Le courage d’Alina m’a estomaqué en tout premier lieu. Elle est venue vers moi et a commencé à parler vraiment très vite et nerveusement, en masquant sa peur de ne pas être comprise. Alina est très déterminée, elle est venue en France seule, y est restée pour commencer un nouveau cursus sans bénéficier du programme d’échange Erasmus, tout en continuant sa licence en Roumanie. Elle a terminé major de promotion dans les deux cursus. Puis elle a travaillé avec acharnement pour réussir le concours du CAPES de lettres modernes du premier coup. Alina est une preuve que la détermination permet d’arriver là où on le souhaite. Mais bien sûr je l’aime pour plein d’autres raisons : ses yeux, son naturel, son sourire et son accent.

 

 

Comment s’est passée votre intégration en Roumanie pendant vos études?

Tony: J’ai été surpris d’être aussi facilement bien accueilli. D’habitude assez introverti, j’avais peur de me retrouver seul là-bas, sans réussir à me faire des amis. C’était tout l’inverse ; peut-être par le fait d’être l’étranger qui vient chambouler le quotidien des Roumains. J’ai eu le bonheur d’être logé dans une résidence universitaire et d’avoir un colocataire roumain très bienveillant et amical. Il a partagé tout ce qu’il avait de meilleur avec moi. La majorité de mes professeurs ont également fait beaucoup d’efforts pour m’aider à comprendre les cours. J’ai pu visiter de très beaux endroits grâce à des amis du campus, certains m’ont même accueilli chez eux pour les vacances ou les weekends. J’ai découvert "les gratar étudiants" en jouant de la musique jusqu’à suffisamment tard pour que la police nous dise d'arrêter. Quatre ans après ce séjour, lorsque je suis retourné à Brasov, la vendeuse du "magazin mixt" dans lequel j’allais toujours faire mes courses m’a même reconnu.

 

 

Comment s'est passée la tienne en France?

Alina: Quand je suis arrivée en France, je n’étais qu’une enfant avec des rêves plein la tête. Je me nourrissais chaque jour des rencontres, des voyages, des découvertes. Je me suis heurtée parfois aux clichés sur les Roumains ici mais j’ai toujours pris le temps de raconter un peu plus sur cette face cachée de la Roumanie. J’ai appris à garder la tête haute malgré les difficultés. Je ne peux pas dire que j’ai eu le mal du pays car j’adore voyager et découvrir d’autres pays mais je dois avouer qu'il y a des jours où rien ne peut apaiser ce manque du pays qui envahit mon âme, ce sentiment difficile à transposer en quelques mots. J’ai aussi pris des habitudes françaises, par exemple je ne pourrais pas vivre sans manger trois fois par jour et à des heures fixes. Le repas, c’est sacré !

 


Rêvez-vous de venir un jour vous installer en Roumanie?

Alina: Nous rêvons de nous installer un jour en Roumanie et ce sera sûrement à la retraite, afin de finir nos jours dans la tranquillité de la campagne roumaine. Pour l’instant, notre travail nous oblige à rester en France mais en même nous avons la chance de pouvoir revenir régulièrement en Roumanie pour se ressourcer auprès de la famille.

 


Pourquoi ce désir commun ?

Alina: Ce désir commun trouve sa source dans notre amour pour les deux pays : la France et la Roumanie. Nous souhaitons pouvoir partager avec les autres cet amour pour ces deux cultures qui nous habite depuis toujours, leur donner envie de découvrir ces pays. En tant qu’enseignants nous y travaillons, un des nos objectifs c’est l’ouverture au monde. Je déroule par exemple avec mes élèves chaque année une correspondance épistolaire franco-roumaine.

 


Des appréhensions, Alina, sur un retour éventuel au pays?

Alina: Oui et non. J’essaie toujours de garder les coutumes et les traditions roumaines même en France car pour moi il est important de perpétuer cette partie de l’âme roumaine et en même temps je me rends compte que j’ai pris énormément d’habitudes françaises. Il est difficile de trouver l’équilibre. J’appréhende un peu le retour puisque j’ai peur de ne pas pouvoir me sentir tout à fait réintégrée chez moi.

 


De manière un peu plus légère, y-a-t-il chez l'autre, un trait de caractère proprement français, et proprement roumain que vous aimez ou que vous détestez ?

Alina: J’aime chez Tony ses goûts en matière de cuisine et bien évidemment en musique. Nous apprécions tous les deux la bonne cuisine et Tony m’a fait découvrir cet art de manger français.  


Tony: Alina est parfois très entêtée. Impossible de lui faire changer d’avis même avec les meilleurs arguments du monde. Je me contente donc de hocher la tête quand elle me parle du mauvais œil. Nous avons des caractères différents, mais ça nous rend complémentaire.

 


Un cliché lié à vos deux cultures respectives que vous avez su dépasser chez l'autre?

Alina: On dit toujours que les Français sont râleurs et pourtant je suis Roumaine et championne dans cette matière (rires). Je trouve toujours une bonne raison pour râler. Un cliché lié à la culture française que j’essaie de dépasser et de m’y accoutumer c’est la bise. Une fois, deux fois, plusieurs fois, je ne sais toujours pas comment m’y prendre. La pire chose pour moi ? Une soirée où il faut faire la bise à tout le monde même si je ne connais personne.


Tony: Les clichés c’est pour moi comme le mauvais oeil, ça n’existe pas.

 


Tony avais-tu des a priori sur la Roumanie avant de venir la première fois pour tes études?

Tony: Je n’avais pas de a priori sur la Roumanie avant de venir, j’ai vraiment voulu me faire ma propre idée sans influences extérieures. J’ai découvert un peuple fier de son savoir-faire et qui a su garder ses traditions.

 

 

Une expression, un dicton que vous avez appris dans les deux cultures ?

Alina: Hmm, il est difficile de faire ce choix. Je suis une littéraire et en conséquence j’ai appris un tas d’expressions françaises car je m’intéresse beaucoup à l’étymologie, les origines des mots. Si je dois choisir quelque chose qui me vient spontanément à l’esprit, je dirai „avoir la dalle” pour désigner quelqu'un qui a très faim.


Tony: Une phrase de la chanson « balada romanului » du groupe Subcarpati : « Folclorul e oxigen pentru un popor astmatic ». (Le folklore est l’oxygène pour un peuple asthmatique) qui souligne l’importance de conserver ce qui s’est transmis de générations en générations.
Et les expressions « esti varza » et « are morcov in fund» qui m’ont montré l’amour que portent les Roumains aux légumes.

 

Propos recueillis par Grégory Rateau

 

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