Le 17 avril 1975, Phnom Penh tombait aux mains des Khmers rouges. Cette date marqua le début d’un régime de terreur qui fit près de deux millions de morts.


Le 17 avril 1975, Phnom Penh tombait aux mains des Khmers rouges, marquant le début d’un régime qui plongea le Cambodge dans l’un des chapitres les plus sombres de son histoire. La prise de la capitale ne fut pas un coup de tonnerre dans un ciel serein : elle couronna cinq années de guerre civile, opposant la République khmère dirigée par le général Lon Nol, promu à la tête de l'État, aux forces communistes du Kampuchéa démocratique, soutenues par le Nord-Viêt Nam.
Depuis le renversement du prince Norodom Sihanouk en mars 1970 par Lon Nol, les campagnes cambodgiennes s’étaient progressivement rangées du côté des Khmers rouges, notamment en raison de l’extrême brutalité des bombardements américains dans l’est du pays, de la corruption du nouveau régime et du soutien de Sihanouk aux Khmers rouges. Plus de 500 000 tonnes de bombes furent larguées par les États-Unis sur le Cambodge entre 1969 et 1973, causant des milliers de morts et poussant des centaines de milliers de personnes à fuir vers la capitale.
Au début de 1975, Phnom Penh était une ville assiégée, encerclée par les forces révolutionnaires, en pénurie de nourriture, d’eau potable, de médicaments et de carburant.
Le 17 avril 1975, Phnom Penh tomba sans combat
Le matin du 17 avril, les colonnes khmères rouges pénétrèrent dans la capitale sans rencontrer de véritable résistance. Le gouvernement de Lon Nol s’était effondré, ses principaux responsables ayant fui le pays dans les jours précédents. Les troupes révolutionnaires, composées notamment d’adolescents silencieux, furent d’abord accueillies avec espoir par une population fatiguée par cinq années de guerre.
Mais dès le lendemain, les Khmers rouges ordonnèrent l’évacuation complète de Phnom Penh. Les habitants furent sommés de quitter leurs maisons sous prétexte d’un risque de bombardement américain imminent. L’ordre toucha indistinctement les malades, les enfants, les vieillards, les moines… Tous durent marcher vers la campagne, dans une confusion extrême.
Près de deux millions de personnes furent ainsi déplacées de force en quelques jours.
Quatre années de terreur
La prise de Phnom Penh marqua le début du Kampuchéa démocratique, régime totalitaire dirigé par Pol Pot et le Parti communiste du Kampuchéa. Le régime chercha à abolir toute forme de société urbaine, capitaliste ou intellectuelle. L’argent, les écoles, les religions, les hôpitaux, la musique, la liberté de circulation, tout fut supprimé.
Le régime instaura le travail forcé, la collectivisation des terres et la surveillance permanente. Toute opposition réelle ou supposée était punie de mort. Les arrestations arbitraires, les tortures et les exécutions devinrent la norme. Le centre de détention de Tuol Sleng, ou S-21, à Phnom Penh, vit passer environ 20 000 prisonniers entre 1975 et 1979, dont seuls 12 survécurent.
Le bilan humain fut effroyable : entre 1,7 et 2,2 millions de morts, soit environ un quart de la population cambodgienne de l’époque.
Une mémoire encore vive
Cinquante ans après la chute de Phnom Penh, le Cambodge commémore difficilement cette date.
Les controversées Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), créées en 2006 avec le soutien de l’ONU, ne permirent de juger que quelques hauts dirigeants, dont Kaing Guek Eav (Duch), Nuon Chea et Khieu Samphan, mais nombre de responsables échappèrent à la justice ou décédèrent avant leur procès.
Des lieux de mémoire comme Tuol Sleng, les champs de la mort de Choeung Ek et les expositions du DC-Cam rappelèrent les crimes du régime. Mais la jeunesse cambodgienne reste parfois mal informée de cette période, l’histoire récente ayant été longtemps peu enseignée dans les écoles.
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