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Il était une fois la ville libre de Christiania au coeur de Copenhague

Christiania ville libre Copenhague Danemark Christiania ville libre Copenhague Danemark
Écrit par Amélie B.
Publié le 21 septembre 2021, mis à jour le 26 septembre 2024

Depuis 50 ans maintenant, un village d'irréductibles danois résiste encore et toujours….Il était une fois Christiania.

Nichée au sein du quartier de Christianhavn, bordée de canaux et d'ancestrales fortifications, l’enclave “libre” de Christiania se situe à un jet de pierre ou quelques coups de pédales du centre historique de Copenhague. Entre utopie et désillusion, le rêve de quelques hippies perdure malgré tout depuis un demi-siècle.

 

Seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde y parviennent

 

 Jack Kerouac (1957) 

 

Le Danemark est souvent cité comme l’un des pays les plus “heureux” du monde mais en 1971, il n’échappe pas au mouvement contestataire hippie. Le 4 septembre de cette année là, quelques riverains brisent les chaînes d’un site militaire abandonné pour y faire jouer leurs enfants. Cet événement n’est rien d’autre qu’une forme de protestation contre le gouvernement de l’époque visant entre autre à dénoncer le manque de logement. Le 26 septembre 1971 un certain Jacob Lugvidsen, journaliste, proche du groupe contestataire et libertaire hollandais Provo, déclare dans un article “la conquête civile de la ville militaire interdite”. Christiana est née ! 

 

L’acte fondateur de Christiania, rédigé par le même Lugvidsen précise :

“L'objectif de Christiania est de créer une société autonome dans laquelle chaque individu se tient responsable du bien-être de toute la communauté. Notre société doit être économiquement autonome et, en tant que telle, notre aspiration est d'être inébranlable dans notre conviction que la misère psychologique et physique peut être évitée.”

La cité s’est donc construite et organisée en marge de la société danoise autour des principes d’autosuffisance, de tolérance, de liberté, et de bien-être. En d’autres mots, une joyeuses communauté autogérée. On y pratique le yoga et la méditation, chacun bâtit son logis comme il peut/veut, la musique est une thérapie, l’entraide une religion, La voiture y est interdite, ...le paradis des hippies, anarchistes et écologistes de l’époque.

 

Christiania Copenhague
le domaine de Christiania ©Kristijan Arsov (Unsplash)

 

Cet espace d’un peu plus de 7 hectares qui compte aujourd’hui près de 1000 habitants possède son propre drapeau, son hymne (Det Internationale Sigøjner Kompagni - I Kan Ikke Slå Os Ihjel) et ses propres règles.

 

 

Christiania : de l'utopie à la désillusion 

Malheureusement, l’utopie est un idéal qui ne tient pas compte de certaines réalités et ce sont ces réalités qui rattrappent aujourdhui Christiania. Alors que la communauté hippie prospère encore, elle est en proie à des problèmes qui menacent son identité et son avenir - une crise existentielle imputée à des autorités locales intolérantes, à la police, à la gentrification mais aussi au tourisme.

Au fil des ans, l'expérience sociale s'est transformée en une société autonome qui, bien que rejetant le contrôle de l'État, vivait dans une certaine harmonie avec le reste de la ville. Mais l’équilibre s’est rompu…

La tolérance autour de la consommation de stupéfiants a fait de Christiania la plaque tournante du trafic de drogue de Copenhague, les habitants n’ayant d’autre solution que de faire venir la police pour ramener l’ordre.

Avec 500 000 visiteurs par an, Christiania est victime de son succès. Le tourisme (moins en ce moment !) apporte des revenus importants à la collectivité à travers les bars, restaurants et autres activités culturelles mais il transforme aussi le site en un Disneyland qui ne correspond en rien à l’objectif originel.

Enfin, la pression gouvernementale pour régulariser l’occupation “illégale” des lieux a abouti à la création d’une fondation qui depuis 2012 a acheté une partie des terrains occupés. Les habitants lui versent dorénavant un loyer. Cette normalisation est symbole engendre un principe de valorisation de l’espace. La notion de loyer s’impose aux habitants devenus propriétaires et non plus squatteurs. La colère des anarchistes n’y fait rien, le principe de propriété individuelle qu’ils honnissent s’imposent à eux. De même l’Etat ne tient plus compte  du principe de collectivité initialement choisi et considèrent les Christianians (habitants de Christiania) comme des individus responsables comme tout à chacun du paiement de leurs factures et impôts. 

 

Quel avenir donc pour Christiania ?

Entre volonté de régularisation gouvernementale et résistance des Christianians sur fonds de crise sanitaire, économique et écologique mondiale, le modèle de la ville libre de Christiania fait toujours rêver. Gageons que ce rêve restera réalité.



 

Christiania Copenhague
©Annie Spratt (Unsplash)

 


 

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