Au Danemark, les lycéens nouvellement bacheliers font souvent le choix, plutôt que d’enchainer directement avec des études, de prendre une voire deux année(s) de césure.
Cette pause entre les années du lycée et l’université est très valorisée dans le pays scandinave car elle permet aux jeunes de gagner en maturité, de vivre de nouvelles expériences et de prendre le temps de mieux affiner leurs projets d’études supérieures. Certains parcourent le monde, d’autres s’investissent dans des activités de bénévolat ou travaillent et certains encore se portent volontaires pour faire leur service militaire.
Marius Løfqvist (NDLR : la maman de Marius est Française et son papa Danois) que nous avons rencontré a souhaité quant à lui rejoindre la Garde royale danoise, il nous raconte.
Peux-tu nous parler de ton parcours ?
J’ai 20 ans, je suis né au Danemark et à l’âge de 2 ans, j’ai déménagé avec mes parents à Singapour où mon frère Louis et ma soeur Maya naissent. Puis lorsque j’ai 5 ans, nous partons au Brésil où nous sommes restés 8 ans. À mes 14 ans, nous sommes rentrés au Danemark.
J’ai fréquenté des Lycées français mais pour mes années de Gymnasium (l’équivalent du lycée français), j’ai choisi de passer dans le système danois.
Je parle 5 langues: espagnol , portugais, anglais, français et danois.
Un an avant mon bac, un de mes amis a rejoint la Garde royale et cela m’a donné l’idée d’envisager de faire mon service militaire au Danemark. Ça a été comme un déclic, je me suis renseigné sur les différentes possibilités concernant le service militaire et la Garde royale ; je me suis inscrit à la journée de sélection, j’y ai participé et j’ai tout de suite signé ensuite. Je n’ai pas hésité et j’ai eu la chance d’avoir de la place dès l’été de mon bac pour rejoindre la Garde royale. Pour moi, le choix s’est fait naturellement :
ça a été comme une évidence et je savais que ça me ferait du bien, que j’avais besoin d’une expérience de ce type.
Ma maman a été un peu surprise car elle me considère plutôt comme quelqu’un de calme et pas du tout comme quelqu’un au profil de bagarreur !
Raconte-nous ton expérience à la Garde royale
J’ai eu mon bac en juin dernier et après des vacances en France où je me suis un peu inquiété de savoir s’il fallait que je m’entraine à faire quelques pompes, à me préparer - je n’avais aucune idée du niveau attendu - j’ai commencé le 8 août par 4 mois de formation intensive dans la caserne de Høvelte au nord de Copenhague. Après cette période, on enchaîne avec 4 mois à Rosenborg sur Gothersgade où l’on est alors en charge de la surveillance de différents lieux : casernes et palais.
Nous sommes environ 400 gardes. Filles et garçons sont classés par taille (1m75 est la taille minimale requise pour les hommes) en 4 équipes. Comme je mesure plus de 1m90, j’ai intégré ce qu’on appelle « la première équipe », je me suis retrouvé avec des grands gaillards, des gens costauds, certains rugbymen. Je faisais assez frêle à côté et je me suis dit que j’allais devoir m’ y mettre !
On effectue pendant 4 mois ce qui est appelé le « service vert » période durant laquelle on est formé, préparé et souvent poussé à ses limites.
On alterne des entraînements physiques durs avec par exemple de longues marches, le maniement des armes, des exercices de tirs, de la théorie (comment s’équiper pour les combats, comment protéger une zone de guerre, comment parler aux civiles, de la tactique militaire), la gestion du stress, des cours de premiers secours ...Il y a également un camp du type commando au programme.
On se lève à 5h, on commence par le nettoyage de la chambre et des parties communes, la préparation du matériel qui doit être bien aligné, les garçons doivent être rasés de près, les vêtements doivent être impeccables. Tout doit être hyper propre, sans un grain de sable ! On a ensuite souvent à peine 10mn pour petit déjeuner - s’il y a beaucoup de monde, il peut arriver que l’on n'ait pas le temps de manger - avant l’inspection par les sergents qui contrôlent que tout a bien été fait et que tout est parfait !
Il peut arriver que l’on soit engueulé de bon matin et on sait déjà à ce moment si la journée commence bien ou pas !
Je dois avouer que ça a été un choc au début ! Le premier week-end où je suis rentré chez moi, j’étais épuisé comme ça ne m’était jamais arrivé. Pendant ces 4 mois de préparation, avant de passer à Rosenborg, on nous fait très peur, on nous met la pression, on nous dit qu’on n’est pas prêts, on nous donne des ordres qui peuvent paraître arbitraires mais on n’ a pas d’autre choix que d’obéir. C’est dur physiquement et mentalement.
Une fois arrivé à Rosenborg, on a fait ses preuves et cela parait un peu plus facile mais la hiérarchie ne laisse rien passer non plus. Nous sommes divisés en 4 équipes qui opèrent en rotation : celle de garde, celles de permanence (de 2h et de 12h) et celle en repos.
Je travaille 2 jours et j’ai un jour de repos. C’est plus ou moins dur en fonction de l’endroit où je dois monter la garde.
L’épée et les chaussures doivent être astiquées. Le bonnet à poils pèse lourd sans parler du gilet pare-balles et on n’a pas le droit au téléphone portable !
A Rosenborg, on doit marcher en permanence : 60 km en 24h ! Mais c’est sans doute à Amalienborg que c’est le plus le plus dur car tout doit être à la perfection ; on n’a pas le droit à l’erreur comme on surveille la reine et que des touristes nous prennent en photos mais en même temps on est heureux et on a un sentiment de fierté !
Peux-tu déjà faire un premier bilan de cette expérience ?
Je vais terminer le 30 mars, cela arrive vite. Ces 8 mois m’ont beaucoup apporté :
j’ai mûri, grandi, j’ai appris le sens de l'effort.
Mes parents trouvent que je suis devenu plus mature et que je prends davantage de recul.
Je me suis fait de très bons amis et ça a été l’occasion de rencontrer des gens de tous les horizons, avec des parcours très différents. Je suis très fier d’avoir pu servir mon pays et la reine.
J’ai aussi été payé : 7000 Dkk auxquelles s‘ajoutent 5000 non taxées pour me nourrir.
A l’issue de ces 8 mois, j’aurais aimé encore partir au Mali et faire une mission là-bas en tant que traducteur mais les troupes danoises ont été forcées de se retirer récemment et donc cela ne se fera pas !
Je vais commencer des études plus tôt que prévu !
Au Danemark, on a beaucoup de choix pour ses études mais j’envisage de faire « Statskundskab », l’équivalent des Sciences politiques, à l’Université de Copenhague et je vais donc commencer en septembre.
Un grand merci à Marius à qui nous souhaitons le mieux pour la suite de son parcours !