Depuis quelques mois, le monde est entré dans une course folle avec un objectif : celui de découvrir un vaccin contre le Covid-19.
Une compétition dans laquelle se sont lancés plus de 140 laboratoires, de la startup aux géants de l’industrie pharmaceutique. Nous nous sommes entretenus avec Cyrielle Fougeroux, scientifique chez AdaptVac, startup danoise qui a relevé le défi.
Depuis quand et pour quelles raisons êtes-vous venue à Copenhague?
Cyrielle Fougeroux : Je suis arrivée au Danemark en 2014, il y a déjà plus de six ans ! J’étais venue en 2012 dans le cadre d’un programme Erasmus (Ndlr : programme d'échanges d'étudiants entre université européennes) pendant ma première année de master que je faisais à Paris. Après la fin de mon master, je voulais voyager un peu et voir autre chose que la France, j’ai donc postulé pour un PhD (Ndlr : Doctorat) à Copenhague, ce qui me facilitait les choses puisque je connaissais déjà la ville et que j’y avais des contacts. J’ai donc fait mon PhD dans le domaine des vaccins et de l’immunologie, et puis je suis restée.
Maintenant vous travaillez pour AdaptVac, est-ce un laboratoire public ? travaillez-vous avec une équipe internationale ? Quels sont vos liens avec le SSI ?
Cyrielle Fougeroux : L’année dernière, j’ai été embauchée par AdaptVac, une start-up qui travaille dans le domaine des vaccins, basée en partie à l’université de Copenhague, où je suis maintenant.
AdaptVac travaille sur des vaccins thérapeutiques et prophylactiques pour traiter et prévenir, entre autres, des cancers spécifiques, des maladies infectieuses et des troubles immunologiques.
L’Université de Copenhague est plutôt internationale déjà en soit, dans notre département il y a des gens qui viennent de plusieurs pays, une grande mixité, ainsi que dans notre équipe. Je pense que la moitié des personnes travaillant à mon étage sont danoises, et l’autre moitié internationale.
Certaines des équipes de notre département travaillent en liens étroits avec le SSI (Statens Serum Institut), mais nous ne travaillons pas directement avec eux, même si nous avons des relations cordiales et pouvons parfois collaborer sur certains projets.
Votre laboratoire fait-il parti d’un programme de recherche en particulier ? Notamment celui mis en place par l’Europe ?
Cyrielle Fougeroux : AdaptVAc travaille sur la recherche d’un vaccin contre le coronavirus effectivement. Nous faisons partie du programme H2020 et du consortium WHO avec tous les laboratoires qui travaillent sur un vaccin contre le coronavirus.
Sur quelles pistes de recherche AdaptVac est-elle engagée ?
Cyrielle Fougeroux : Les études menées sur l’utilisation de différents médicaments comme la chloroquine font partie des traitements dits thérapeutiques (qui visent à soigner les gens déjà malades).
Notre approche est une approche prophylactique qui visent à vacciner des personnes saines pour prévenir l’apparition de la maladie, avant même d’être contaminé.
AdpatVac a choisi une technologie appelée « capsid like particle » qui est basée sur l’utilisation de particules virales qui s’assemblent spontanément pour former une capside de virus (qui est l’enveloppe qui contient le génome viral). Dans notre cas, cette capside est vide et donc sans risque d’infection, puis nous ajoutons sur la capside une petite partie du coronavirus, qui va être « collée » sur la capside et est donc présentée aux défenses immunitaires de manière idéale pour former une réponse immunitaire contre le coronavirus.
Quel serait, selon vous, un délai raisonnable pour trouver vaccin ? Y-a-t-il déjà des essais en cours ?
Cyrielle Fougeroux :
Pour faire un vaccin, il faut passer par plusieurs étapes obligatoires qui sont les suivantes :
- L’étude préclinique, qui peut être la plus longue et fastidieuse puisque c’est elle qui consiste à trouver le vaccin en lui-même : quelle partie du pathogène utiliser, le véhicule pour transporter le vaccin, l’adjuvant si nécessaire… Il faut ensuite rassembler toutes les données en terme d’efficacité, de sureté sur des sujets non humains (modèles animaux).
- L’étude clinique phase 1, qui consiste à tester le vaccin sur des sujets sains pour étudier les effets secondaire et l’efficacité.
- L’étude clinique phase 2, qui correspond au test du vaccin chez un nombre limité de patients pour étudier les effets secondaires, l’efficacité et le calendrier des vaccinations et des doses.
- L’étude clinique phase 3, où on teste le vaccin sur un grand nombre de patients pour étudier les effets secondaires, l’efficacité et le calendrier des vaccinations et des doses. C’est seulement après toutes ces étapes qu’un vaccin peut être commercialisé. Le processus est assez long, mais en cette période inédite, toute le monde fait son possible pour l’accélérer, et pour qu’un vaccin soit disponible rapidement. Cependant; nous nous sommes mis d’accord avec nos partenaires pour rentrer en essais cliniques avant la fin de l’année 2020. Donc les choses avancent vite, ce qui est possible grâce au confinement qui autorise uniquement les gens travaillant sur le vaccin contre le coronavirus à venir travailler. Tous les efforts sont donc concentrés sur la recherche du vaccin.
Y-a-t-il déjà des essais cliniques auprès de patients ? Quel(s) pays sont les plus en pointe ?
Cyrielle Fougeroux : Il y a déjà plusieurs essais cliniques mis en place par différentes équipes et dans différents pays, certains sont déjà au-delà de l’étude clinique phase 1, d’autres sont comme nous encore en étude pré-clinique. Cependant pour le moment, aucun autre laboratoire n’a la même approche que nous dans la conception du vaccin. Chaque laboratoire ayant sa propre piste de recherche : protéine recombinante, virus inactivés ou vaccins génétiques.
Nous remercions Cyrielle de nous avoir accordé cet entretien, bonne chance à AdaptVac dans leurs recherches qui doivent être passionnantes !