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Comment interpréter les réactions à la mort d’Ebrahim Raïssi en Iran et ailleurs ?

Le président iranien Ebrahim Raïssi et huit autres passagers sont morts dans un accident d’hélicoptère dimanche 19 mai 2024. Comment interpréter les réactions dans le monde et au sein du pays ?

l'iran et le monde réagissent à la mort de Raïssi l'iran et le monde réagissent à la mort de Raïssi
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 21 mai 2024, mis à jour le 22 mai 2024

 

 

Un accident d’hélicoptère a causé la mort du président iranien Ebrahim Raïssi dimanche 19 mai et de huit autres personnes, dont le ministre des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian, le gouverneur de la province, un imam, deux responsables de la sécurité présidentielle ainsi que trois membres d'équipage dont le pilote. La mort du dirigeant de 63 ans peut-elle faire bouger les lignes ? “Au niveau politique, à priori non. La République islamique a des défauts mais elle est bien organisée” explique Bernard Hourcade, directeur de recherche émérite au CNRS, ancien Directeur de l’Institut Français de Recherche en Iran de 1978 à 1992, interrogé par lepetitjournal.com. 

 

 

La France présente ses condoléances à la République islamique d’Iran (...) 


 

Des réactions à la mort du président iranien partout dans le monde

Très vite, de nombreux pays réagissent au décès accidentel d’Ebrahim Raïssi, allant de l’hommage de Vladimir Poutine pour un "politicien remarquable" et  "véritable ami" de la Russie, à des messages plus sobres comme celui des Etats-Unis. Ces derniers rappellent, au passage, leur soutien au peuple iranien dans sa lutte “pour les Droits de l’Homme et les libertés fondamentales". Le président du Conseil européen Charles Michel présente les "sincères condoléances" de l’Union Européenne. Le Pape François, quant à lui, assure à l’Iran de sa « proximité spirituelle en ce moment difficile". Ailleurs, le Brésil a exprimé sa "tristesse",  l’Union Africaine s’est dite "profondément choquée et attristée" et en Inde, le Premier Ministre Narendra Modi a déclaré être "profondément attristé et choqué". En Chine, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères mentionne que le peuple chinois avait perdu "un bon ami”. Les alliés de l’Iran - le Liban, l'Irak, la Syrie - ont également réagi en rendant des hommages. Le Liban a notamment proclamé un deuil officiel de trois jours.

 

 

Décès de Ebrahim Raïssi en hélicoptère
Décès de Ebrahim Raïssi en hélicoptère 

 

Quant à la France, le communiqué est succinct : “La France présente ses condoléances à la République islamique d’Iran après la mort du président Ebrahim Raïssi, du ministre des affaires étrangères Hossein Amir Abdollahian, et des personnes qui les accompagnaient. Elle adresse également ses pensées aux familles des victimes de cet accident.” La France est polie”, souligne Bernard Hourcade. “Elle a toujours essayé de maintenir des relations diplomatiques, même si, ne l'oublions pas, l’Iran détient encore 4 otages français*. Cela fait partie de la routine diplomatique, le service minimum.”  

Le décès d’Ebrahim Raïssi, aura-t-il des conséquences sur la France ? “Je ne crois pas." nous répond le chercheur du CNRS. "La France est toujours perçue pour être un intermédiaire entre les Etats-Unis et l’Iran. Toute potentielle conséquence passerait par les entreprises présentes. Or il n’y en a pas en ce moment, et très peu de ressortissants français (NDLR 1000 Français étaient inscrits au registre consulaire au 1er janvier 2023). L’objectif semble de trouver une politique constructive vis-à-vis de l’Iran. Un nouvel ambassadeur iranien est arrivé à Paris il y a un mois, Mohammad Amin-Nejad."

 

*Quatre ressortissants dont Jacques Paris, Cécile Kohler et Louis Arnaud, sont détenus depuis 2022 en Iran et considérés par la France comme "otages d'État" en raison d'arrestations ou condamnations "arbitraires". Un autre Français, nommé Olivier, sans autre précision, est aussi détenu en Iran. 

 

 

Il faut prendre la mesure des choses. Les réactions que l’on voit dans les rues ne concluent pas au renversement du régime. 

 

Comment a réagi le peuple iranien au décès d’Ebrahim Rassaï ? 

Depuis dimanche 19 mai, une tendance apparaît en ligne derrière le mot clé #Helikotlet, un terme moqueur, contraction de Kotlet, une spécialité iranienne, et d'hélicoptère. Parallèlement, des centaines de publications montrent des feux d’artifice dans les rues de Téhéran et des Iraniens dansant de joie, célébrant le décès du président, et protestant à nouveau contre le pouvoir. 

 

 

“En réalité, il y a eu peu de feux d’artifice à Téhéran ou des danses de célébration. Ce sont des mises en scène intéressantes qui ressortent mais il est important de bien rappeler que l’Iran, c’est 85 millions d’habitants. Ce qui parait en ligne n’est que la réaction visible d’une petite partie de la population” réagit Bernard Hourcade à ces derniers jours. Pour lui, la population iranienne est massivement en désaccord avec le régime “mais il faut être prudent, il faut prendre la mesure des choses. Les réactions que l’on voit ne concluent pas au renversement du régime.” 

 

Record d’exécutions en Iran en 2023 dans l’indifférence internationale

 

 

 Si deux candidats conservateurs sont pressentis, un troisième candidat pourrait s’envisager : l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohammad Djavad Zarif.

 

En Iran, l’intérim et les élections se mettent en place 

Mohammad Mokbher devient président par intérim pendant une cinquantaine de jours et s’attelle à l’organisation de nouvelles élections. Selon Bernard Hourcade la mort d’Ebrahim Raïssi devrait n’avoir que très peu de conséquences sur la politique intérieure de l’Iran “L’intérim a été mis en place et les élections ont lieu le 28 juin. Rien ne bouge, du point de vue institutionnel. ” explique-t-il. Et le pouvoir est stable : “ les groupes conservateurs qui contrôlent le pouvoir depuis deux ou trois ans maintenant, sont toujours au pouvoir et ont gagné les élections législatives, dont le deuxième tour a eu lieu il y a une semaine, le 15 mai. ”

Concernant la politique extérieure, le soutien palestinien, l'ouverture vers la Chine et la Russie, et la volonté de trouver une solution durable avec l’Arabie saoudite sont des positions qui ne semblent pas être remises en cause. En revanche, la disparition d’Ebrahim Raïssi, plutôt pragmatique, en phase avec les décisions du guide suprême, Ali Khamenei, peut laisser espérer un changement “en pire ou en mieux” : “ Quel qu’il soit, il ne sera jamais aussi proche avec le guide suprême” analyse Bernard Hourcade. Selon lui, même au sein des plus radicaux, beaucoup ont conscience qu’il faut faire des concessions dans un climat tendu.

 

 

Mohammad Djavad Zarif
Mohammad Djavad Zarif

 

Si deux candidats conservateurs sont pressentis, le dirigeant du Parlement, Mohammad Ghaliba ou l'ancien président, Hassan Rohani, un troisième candidat pourrait s’envisager : l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohammad Djavad Zarif. C’est lui qui avait négocié l’accord sur le nucléaire inranien en 2015 et partiellement ouvert l’Iran aux entreprises européennes. Un accord mis à mal en 2018 par Donald Trump, désengageant les Etats-Unis. “Assez opposé à la politique menée par Raïssi, Zarif n’est pas le choix évident aujourd’hui et, même s’il est désigné, ne permettrait pas d’espérer un  virage à 180 degrés de l’Iran ” insiste le chercheur du CNRS. 

 

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