Après le portrait d'un artisan de paniers en bambou, Lepetitjournal.com revient cette semaine sur d’autres métiers méconnus, qui sont l’âme de Hong Kong. Des tailleurs de cheongsam, en passant par les graveurs de tuiles de mah-jong ou les fabricants de cages en bambou… ces artisans font partie de l’histoire de Hong Kong. Voici un petit aperçu de leurs histoires et de leurs métiers, qui se tissent en parallèle de l’histoire de Hong Kong et de ses multiples transformations.
Des mains qui assemblent, des mains qui réparent, des mains qui créent… des mains rugueuses à force de les solliciter, des mains expertes à force de les entraîner, des mains souples à force de les ployer… ce sont les mains des artisans dont le métier se fait rare.
Confection de qipao ou cheongsam à Hong Kong
Les mains découpent le tissu avec soin jusqu’à ce qu’il prenne forme. Tandis que les pieds manient la pédale, les mains manœuvrent l’étoffe. Des épingles sont placées çà et là afin de faire des réajustements ; comme touche finale, les boutons en fleur prennent place le long du col. Ce sont les mains de Kan Hon-wing, tailleur de qipao.
Icône par excellence de la mode chinoise
La qipao nommée aussi cheongsam, désignait autrefois l’habit porté par les femmes mandchoues. Originellement, ce vêtement couvrait les genoux et ne révélait rien des formes corporelles. C’est à Shanghai, au début du XXe siècle qu’elle prit sa nouvelle forme près du corps et plus raccourcie, avec une large ouverture permettant une plus grande liberté de mouvement.
Icône par excellence de la mode chinoise, son usage est désormais beaucoup moins courant et n’est utilisé que lors de certains évènements, tels qu’un mariage.
Un métier transmis à travers les générations à Hong Kong
Une explosion de couleurs nous accueille lorsqu’on franchit les portes de Mei Wah Fashion, une boutique qui existe depuis plus de 90 ans. Elle a été ouverte dans les années 30 par le grand-père de Kan Hon-wing et le métier a été transmis à travers trois générations. À l’âge de onze ans, Kan commence à passer ses journées dans l’atelier de son père, où il regarde chaque geste qu’il finira par reproduire.
Plus de 40 ans se sont écoulés depuis qu’il a pris le relais de Mei Wah, une « entreprise humaine » aux dires de Kan, « qui requiert de la patience et de la passion ».
Il n’y a pas de secret caché derrière la pérennité de Mei Wah, pas de machine spécialisée ou de technique mystérieuse. Kan continue son métier, muni d’aiguilles, de fil, d’un mètre ruban… et de beaucoup d’expérience.
Kan admet qu’il est de plus en plus difficile de transmettre son savoir-faire « ça prend beaucoup de temps et ça ne rapporte pas assez ». 80 % d’une qipao est fait main et seules quelques finitions sont réalisées à l’aide d’une machine. À l’heure actuelle, il ne reste qu’une dizaine de tailleurs de qipao dans la ville, beaucoup ont pris leur retraite et d’autres sont décédés. Pour l’instant, Kan n’a pas d’apprenti pour reprendre l’affaire, mais il est confiant pour la suite, car la qipao reste indémodable et il est déterminé à continuer tant qu’il le pourra.
Mei Wah Fashion, 76 Queen’s Road West, Sheung Wan
Gravure des tuiles de mah-jong à Hong Kong
Les mains prennent une tuile blanche, la droite agrippe le couteau tandis que la gauche tourne la tuile. Les tracés commencent à prendre forme, les caractères difficiles aux traits multiples sont gravés en quelques minutes, un léger souffle vient balayer les copeaux. Une fois finie, la couleur met en évidence la précision du dessin. Ce sont les mains habiles de Cheung Shun-king, graveur de tuiles de mah-jong.
Mah-jong, symbole d’amitié et de convivialité
À la croisée du poker, des dominos et du rami, le mah-jong nécessite quatre joueurs et 144 pièces ou tuiles dont les dessins incluent caractères chinois, cercles, fleurs et bambous. Jeu de société très populaire dans toute l’Asie, le mah-jong est devenu un symbole d’amitié et de liens familiaux.
Dans ce petit commerce de Jordan, Cheung Shun-king attend des clients qui ne viennent que rarement, il travaille parmi une ribambelle de tuiles blanches et une myriade de couteaux, cutters et divers outils nécessaires à la gravure.
Savoir-faire transmis de père en fils à Hong Kong
Il est dans l’industrie depuis plus d’un demi-siècle. Comme bon nombre d’artisans, il perpétue le métier de génération en génération. Il a grandi entouré de gens faisant des tuiles de mah-jong, notamment son père et son grand-père. Cheung n’a jamais été officiellement apprenti, pour apprendre, il regardait les techniques et il imitait, s’entraînant avec des tuiles mises au rebut qu’il récupérait et gravait pour s’amuser. Ce qui était d’abord simple divertissement est devenu occupation lorsqu’il a fallu donner un coup de main à l’entreprise familiale.
À l’époque, il y avait peu de personnel et beaucoup de commandes, pendant une journée de travail ils pouvaient restaurer les tuiles de 10 jeux ou graver jusqu’à 5 jeux de 144 tuiles. Malheureusement, ces jours-ci il ne reçoit que trois ou quatre commandes par an.
Sensibiliser les gens avec l’aide des ONG
Actuellement, cela lui prend presque une semaine pour faire un jeu, car ce n’est plus sa seule occupation, il travaille avec des ONG locales organisant des ateliers pour ceux qui veulent s’essayer au métier afin de mettre en lumière cet artisanat. Cependant, l’espoir de voir quelqu’un prendre le relais dans sa boutique s’est envolé il y a longtemps, ses enfants n’étant pas intéressés par la reprise de l’entreprise familiale. Il est conscient que le secteur est en déclin, son métier traditionnel en est juste un parmi tant d’autres qui disparaitront un jour.
Biu Kee Majong G/F, 26 F Jordan Rd, Jordan.
Fabrication de cages à oiseaux en bambou
Les mains passent des tiges de bambou sur une flamme pour qu’elles deviennent souples. Sur une base des plusieurs cerceaux, les tiges viendront s’assembler pour recouvrir le tout et dessiner une courbe au faîte de la structure. Un à un, les brins prennent leur place sous les doigts qui les déplacent prestement. Une couche de vernis viendra s’ajouter comme touche finale, ce sont les mains de Chan Lok-choi, artisan de cages à oiseaux en bambou.
Le dernier de son domaine à Hong Kong
Dans cette rue, où le piaillement des oiseaux est un leitmotiv récurrent, master Chan répare une cage avec soin. Il a commencé à apprendre le métier en 1955 lorsqu’il avait 13 ans, il fabrique des cages à oiseaux depuis plus de 60 ans, il est le dernier à Hong Kong.
Il a grandi avec son oncle qui vendait des oiseaux ; en liant son amour pour ses amis à plumes et pour la création, Chan commence à apprendre le savoir-faire derrière la confection de cages. Plus tard, Cheuk Hong, célèbre fabricant de cages à oiseaux, l’a pris sous son aile, pour lui apprendre les ficelles du métier.
Une technique fondée sur l’expérience de l’artisan
Dans les années 50, il n’y avait pas d’instrument précis, tout le processus comptait sur l’expérience de l’artisan : pour apprendre une technique, il fallait répéter un geste une centaine de fois. Puisque chaque oiseau est différent, chaque cage avait également sa particularité, sa création s’adaptait aux besoins de l’animal.
Toutefois, cela fait un moment que Chan n’a pas fait de nouvelle cage, ça prend trop de temps, du temps qu’il n’a pas. Actuellement, il consacre le plus clair de son temps à réparer des cages anciennes.
Il aimerait avoir un apprenti, mais il sait que son corps de métier n’attire pas les foules : peu de jeunes s’intéressent au savoir-faire artisanal. Pourtant, il n’est pas pessimiste, il sait que le monde est ainsi fait. Cela dit, il n’a pas l’intention de prendre sa retraite de sitôt.
Master Chan Lok-Choi, Yuen Po Street Bird Garden, Yuen Po St, Prince Edward
Cet article a été écrit avec la collaboration de Intangible Cultural Heritage office et avec l’aide du livre Sunset Survivors de Lindsay Varty.
Pour être sûr de recevoir GRATUITEMENT tous les jours notre newsletter (du lundi au vendredi)
Ou nous suivre sur Facebook et Instagram