Photographe de renommée internationale, Robert Ferguson est connu pour ses photos animalières. Il a publié plusieurs ouvrages sur la faune du Port des Parfums. Né à Londres et élevé en Suisse, Robert Ferguson est venu en 1991 à Hong Kong pour suivre sa future femme, médecin à l’Université de Hong Kong. Depuis il a presque exclusivement habité à Hong Kong. Il a accepté de nous parler de son travail et de sa passion pour la vie sauvage.
Hong Kong est en retard sur la protection de la biodiversité
D’où vous vient votre passion pour la photo animalière ?
A l’origine j’étais journaliste photographique avant de changer d’orientation professionnelle. J’ai toujours été un amoureux de la nature, par le sport dans un premier temps comme la marche et le vélo et j’ai toujours élevé des animaux domestiques, et même des serpents. Ce n’est qu’à partir de 2019 que j’ai pu prendre le temps de me consacrer plus à la nature, en documentant les magnifiques spécimens que je rencontrais lors de mes randonnées.
L’urbanisation progresse à Hong Kong. Quelle est précisément la situation ?
En effet, bien que 42% de la nature à Hong Kong soient protégée dans des parcs naturels, les décisions récentes ont de quoi inquiéter. Ainsi les projets de réclamations à Lantau et d’îles artificielles ne vont pas dans le bon sens. Cela fait 10 ans maintenant que l’on s’éloigne des engagements de préservation de l’environnement local. Sur les 20 objectifs définis en 1997 de la Convention on Biological Diversity signée par Hong Kong, aucun n’est aujourd’hui atteint et seulement 6 sont partiellement réalisés, selon le dernier rapport de la Hong Kong Bird Watching Society.
Pour photographier les animaux, il faut apprendre à les connaître
Comment est venue l’idée de publier des livres sur les animaux de Hong Kong ?
Lors de mes sorties, j’ai éprouvé le besoin d’en savoir plus sur les animaux que je voyais, leurs habitudes alimentaires, de migration, etc… Or la plupart des informations n’étaient disponibles qu’au niveau des experts de chaque domaine. J’ai commencé à écrire ce que j’apprenais au contact de ces experts et de mes propres observations. En tout, j’ai fini par échanger régulièrement avec une vingtaine d’experts de chaque type d’animal, les papillons, les chauve-souris, les araignées, les fourmis, les serpents… que je nomme affectueusement batman, antman, etc...
Quelles qualités particulières faut-il pour la photo animalière ?
C’est un secteur tout à fait particulier que j’ai dû apprendre à maîtriser. Par exemple, prendre des photos d’oiseaux en vol est probablement l’un de types de photo les plus difficiles. Pour prendre de bonnes photos il faut surtout apprendre comment vivent les animaux, leur comportement, ce qu’ils mangent et à quel moment ils mangent. Lorsque l’on sait cela, on peut se positionner au bon moment et au bon endroit pour avoir le plus de chance de faire une rencontre intéressante, près d’une plante ou d’une fleur lorsqu’elle éclot ou proche d’une carcasse. Ensuite la maîtrise de la lumière est essentielle car il n’est pas question de perturber l’animal en utilisant un flash, ce qui fausse l’authenticité du cliché. Il faut apprendre à diffuser la lumière pour obtenir un éclairage naturel.
Il m'a fallu 9 semaines pour prendre une seule photo
Quelle est votre photo la plus difficile ?
C’est probablement celle d’un chat civet indien qui m’a pris 9 semaines à réaliser, entre la mise en place de pièges photo pour repérer les passages et horaires de l’animal, extrêmement rare à Hong Kong. En effet celui-ci ne passe au même endroit que tous les 10 jours. C’est l’observation de cette routine qui m’a permis de capturer ce cliché exceptionnel.
Les enfants sont fascinés par les insectes, les adultes par les serpents
Comment le public a-t-il accueilli vos livres sur les animaux ?
Au début, le livre que j’ai coproduit sur les serpents était un saut dans l’inconnu. Nous savions que la page Facebook sur les serpents avait beaucoup de visiteurs et c’est vrai que le livre a connu immédiatement un énorme succès, à la fois à Hong Kong mais également dans le monde entier. En effet, les personnes qui ont des serpents dans leur pays ont naturellement acheté cet ouvrage sur les espèces de Hong Kong. Les serpents fascinent les gens, même s’ils sont l’objet de craintes. Mon livre sur les insectes a également très bien marché, vendu à 2000 exemplaires et aussitôt réédité. Il semble que les enfants en particulier soient fascinés par les insectes lorsqu’ils se promènent. Ils sont particulièrement heureux de pouvoir les identifier, surtout que les insectes sont ce que l’on a le plus de chance de voir quand on sort à Hong Kong. C’est un livre que j’ai écrit en trois semaines, pendant ma quarantaine.
En plus de livres, vous organisez des expositions ?
J’en ai fait quelques-unes comme à Sai Kung lors de laquelle j’ai vendu des tirages de toute taille mais ce n’est pas ce dont je rêve. J’aimerais trouver les moyens d’afficher des clichés d’insectes très détaillés dans des formats de plusieurs mètres de long, afin que chacun puisse se rendre compte de la beauté de ceux-ci, en observant chaque écaille ou détail de la carapace. Jusqu’à présent ce sont les livres qui permettent le mieux de diffuser mon travail, comme dans le cas de mon dernier ouvrage dans lequel je répertorie toutes les espèces vivant à Hong Kong. Ce format est amené à devenir le livre de référence sur la faune de Hong Kong car il est de taille raisonnable et très complet.
Apprenons aux enfants le contact physique avec la nature
Quel message pour les habitants de la planète aimeriez-vous délivrer ?
Le plus gros espoir se situe dans l'éducation. Il est important de donner la possibilité aux enfants de découvrir le monde dans lequel ils vivent. Pour ceux qui ont un jardin, le fait de pouvoir toucher la nature et de la comprendre est le meilleur moyen de donner envie de la protéger. Pour ceux qui n'ont pas cette chance, il est essentiel de mettre les plus jeunes au contact de leur environnement naturel et de développer leur curiosité. Je suis très heureux mon nouveau livre soit traduit en chinois traditionnel grâce à un sponsor et soit mis à disposition d'un milliers d'écoles de Hong Kong. Pour sensibiliser un enfant, une heure suffit là où il faudrait des semaines pour un adulte. C'est pourquoi il est si important de travailler sur l'éducation.
Bibliographie de Robert Ferguson :
- May 2023: Wildcreatures of Hong Kong Book. 360pp
- The Bugs of Hong Kong Book. 320pp
- Animal ID Guide Booklets: Wildcreatures Hong Kong vol I & II, and in traditional Chinese.
- The Field Guide to Hong Kong Snakes (co-producer).