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Le travail des femmes en Turquie : un jeu de dupes

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Écrit par Marianne Kerdat
Publié le 29 juillet 2019, mis à jour le 11 janvier 2021

Depuis le début des années 2000, la Turquie a adopté une série de mesures visant à favoriser l’accès des femmes au marché de l’emploi. Pourtant, les progrès demeurent limités. La faute à des obstacles multifactoriels auxquels les autorités, en dépit du discours officiel, ne sont pas totalement étrangères.

Vêtue d’un tailleur blanc, cheveux blonds détachés, Dilek Kaya Imamoğlu, l’épouse du nouveau maire d’Istanbul, donnait une interview, le 29 mai dernier, à la chaîne d’information Euronews. « Trois enfants et un doctorat, comment est-ce possible en Turquie ? », lui demande la journaliste au cours de l’entretien. Réponse de l’élégante quadragénaire : « Les femmes doivent avoir accès au système d’éducation et au monde du travail sans entrave ». Une gageure dans un pays où « elles sont les esclaves des hommes à qui, pourtant, elles donnent la vie ».

En Turquie, le taux d’emploi des femmes est de 28,9%, un des plus faibles des pays de l’OCDE. Pour y remédier, les autorités ont fait passer, au début des années 2000, un certain nombre de lois facilitant l’entrée des femmes dans le monde du travail et leur conférant une protection supplémentaire, afin de leur permettre de concilier travail et vie de famille. Par exemple : elles bénéficient d’un congé maternité de 16 semaines, contre aucun pour les hommes.

Double discours 

Cependant, bien que le gouvernement répète à cor et à cri qu’il souhaite que le taux d’activité de la population féminine atteigne les 41% d’ici à 2023, ses actes ne se joignent pas toujours à la parole. « Il y a 15 ans, on faisait passer des lois pour promouvoir l’emploi des femmes, parce qu’il s’agissait de s’aligner sur les critères européens dans le but d’intégrer l’Union européenne. Aujourd’hui, il n’est plus question de ça : les lois sont votées, mais derrière les fonds ne sont pas donnés », explique Seda Atagül Kebabcı, avocate au département du droit des femmes du barreau d’Istanbul.

Les déclarations de Recep Tayyip Erdoğan concernant la place des femmes dans la société sont pour le moins ambiguës. Ainsi, le 8 mars dernier, le président turc confiait  que, pour lui, « la femme est avant tout une mère ». Plus important encore, les mesures qui facilitent l’entrée des femmes dans la vie active viennent en opposition à d’autres qui, à l’inverse, favorisent leur non-activité. Sena, militante dans l’association féministe NAR Kadın Dayanışması, décrypte : « Celles qui ne travaillent pas peuvent bénéficier de la sécurité sociale de leur père, puis quand elles se marient, de celle de leur époux. A l’inverse des hommes, qui doivent travailler pour être assurés. » Par ailleurs, certains métiers étiquetés « difficiles » sont interdits aux femmes, on limite leur travail de nuit  et l’entreprise qui les emploie doit leur fournir un transport dans certains cas. Ainsi, les employeurs préfèrent souvent l’embauche, beaucoup moins contraignante, d’un homme.

Kadın

L’autre obstacle majeur réside dans la garde des enfants. « Les femmes peuvent aller travailler mais il n’y a pas assez de crèches et elles sont très chères », remarque Sena. De son côté, Seda Atagül Kebabcı souligne que « le taux horaire moyen en Turquie est de 45 heures par semaine. S’il était moins élevé, les hommes pourraient prendre également part à l’éducation des enfants et les femmes ne seraient pas obligées de se cantonner à des mi-temps, souvent très précaires et peu rémunérés. » En Turquie, 47,5% de celles qui travaillent évoluent dans le secteur informel.

Ainsi, seuls les couples aisés, qui ont les moyens d’embaucher quelqu’un pour se charger du travail domestique et des enfants, peuvent permettre à la mère de famille de prendre un travail à temps plein. Cet employé est appelé communément « Kadın ». Ce qui signifie… une femme !

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